Tuesday, 2 May 2023

Tuesday's Serial: “Le Fantôme de l'Opéra” By Gaston Leroux (in French) - II

II - LA MARGUERITE NOUVELLE

Au premier palier, la Sorelli se heurta au comte de Chagny qui montait. Le comte, ordinairement si calme, montrait une grande exaltation.

—J'allais chez vous, fit le comte en saluant la jeune femme de façon fort galante. Ah! Sorelli, quelle belle soirée! Et Christine Daaé: quel triomphe!

—Pas possible! protesta Meg Giry. Il y a six mois, elle chantait comme un clou! Mais laissez-nous passer mon cher comte, fit la gamine avec une révérence mutine, nous allons aux nouvelles d'un pauvre homme que l'on a trouvé pendu.

À ce moment passait, affairé, l'administrateur, qui s'arrêta brusquement en entendant le propos.

—Comment! Vous savez déjà cela, mesdemoiselles? fit-il d'un ton assez rude... Eh bien! n'en parlez point... et surtout que MM. Debienne et Poligny n'en soient pas informés! ça leur ferait trop de peine pour leur dernier jour.

Tout le monde s'en fut vers le foyer de la danse, qui était déjà envahi.

Le comte de Chagny avait raison; jamais gala ne fut comparable à celui-là; les privilégiés qui y assistèrent en parlent encore à leurs enfants et petits-enfants avec un souvenir ému. Songez donc que Gounod, Reyer, Saint-Saëns, Massenet, Guiraud, Delibes, montèrent à tour de rôle au pupitre du chef d'orchestre et dirigèrent eux-mêmes l'exécution de leurs œuvres. Ils eurent, entre autres interprètes, Faure et la Krauss, et c'est ce soir-là que se révéla au Tout-Paris stupéfait et enivré cette Christine Daaé dont je veux, dans cet ouvrage, faire connaître le mystérieux destin.

Gounod avait fait exécuter La marche funèbre d'une Marionnette; Reyer, sa belle ouverture de Sigurd; Saint-Saëns, La Danse macabre et une Rêverie orientale; Massenet, une Marche hongroise inédite; Guiraud, son Carnaval; Delibes, La valse lente de Sylvia et des pyzzicati de Coppélia. Mlles Krauss et Denise Bloch avaient chanté: la première, le boléro des Vêpres siciliennes; la seconde, le brindisi de Lucrèce Borgia.

Mais tout le triomphe avait été pour Christine Daaé, qui s'était fait entendre d'abord dans quelques passages de Roméo et Juliette. C'était la première fois que la jeune artiste chantait cette œuvre de Gounod, qui, du reste, n'avait pas encore été transportée à l'Opéra et que l'Opéra-Comique venait de reprendre longtemps après qu'elle eut été créée à l'ancien Théâtre-Lyrique par Mine Carvalho. Ah! il faut plaindre ceux qui n'ont point entendu Christine Daaé dans ce rôle de Juliette, qui n'ont point connu sa grâce naïve, qui n'ont point tressailli aux accents de sa voix séraphique, qui n'ont point senti s'envoler leur âme avec son âme au-dessus des tombeaux des amants de Vérone: «Seigneur! Seigneur! Seigneur! pardonnez-nous!»

Eh bien, tout cela n'était encore rien à côté des accents surhumains qu'elle fit entendre dans l'acte de la prison et le trio final de Faust, qu'elle chanta en remplacement de la Carlotta, indisposée. On n'avait jamais entendu, jamais vu ça!

Ça, c'était «la Marguerite nouvelle» que révélait la Daaé, une Marguerite d'une splendeur, d'un rayonnement encore insoupçonnés.

La salle tout entière, avait salué des mille clameurs de son inénarrable émoi, Christine qui sanglotait et qui défaillait entre les bras de ses camarades. On dut la transporter dans sa loge. Elle semblait avoir rendu l'âme. Le grand critique P. de St-V. fixa le souvenir inoubliable de cette minute merveilleuse, dans une chronique qu'il intitula justement La Marguerite nouvelle. Comme un grand artiste qu'il était, il découvrait simplement que cette belle et douce enfant avait apporté ce soir-là, sur les planches de l'Opéra, un peu plus que son art, c'est-à-dire son cœur. Aucun des amis de l'Opéra n'ignorait que le cœur de Christine était resté pur comme à quinze ans, et P. de St-V. déclarait «que pour comprendre ce qui venait d'arriver à Daaé, il était dans la nécessité d'imaginer qu'elle venait d'aimer pour la première fois!» Je suis peut-être indiscret, ajoutait-il, mais l'amour seul est capable d'accomplir un pareil miracle, une aussi foudroyante transformation. Nous avons entendu, il y a deux ans, Christine Daaé dans son concours du Conservatoire, et elle nous avait donné un espoir charmant. D'où vient le sublime d'aujourd'hui? S'il ne descend point du ciel sur les ailes de l'amour, il me faudra penser qu'il monte de l'enfer et que Christine, comme le maître chanteur Ofterdingen, a passé un pacte avec le Diable! Qui n'a pas entendu Christine chanter le trio final de Faust ne connaît pas Faust: l'exaltation de la voix et l'ivresse sacrée d'une âme pure ne sauraient aller au delà!»

Cependant, quelques abonnés protestaient. Comment avait-on pu leur dissimuler si longtemps un pareil trésor? Christine Daaé avait été jusqu'alors un Siebel convenable auprès, de cette Marguerite un peu trop splendidement matérielle qu'était la Carlotta. Et il avait fallu l'absence incompréhensible et inexcusable de la Carlotta, à cette soirée de gala, pour qu'au pied levé la petite Daaé pût donner toute sa mesure dans une partie du programme réservé à la diva espagnole! Enfin, comment, privés de Carlotta, MM. Debienne et Poligny s'étaient-ils adressés à la Daaé? Ils connaissaient donc son génie caché? Et s'ils le connaissaient, pourquoi le cachaient-ils? Et elle, pourquoi le cachait-elle? Chose bizarre, on ne lui connaissait point de professeur actuel. Elle avait déclaré à plusieurs reprises que, désormais elle travaillerait toute seule. Tout cela était bien inexplicable.

Le comte de Chagny avait assisté, debout dans sa loge, à ce délire et s'y était mêlé par ses bravos éclatants.

Le comte de Chagny (Philippe-Georges-Marie) avait alors exactement quarante et un ans. C'était un grand seigneur et un bel homme. D'une taille au-dessus de la moyenne, d'un visage agréable, malgré le front dur et des yeux un peu froids, il était d'une politesse raffinée avec les femmes et un peu hautain avec les hommes, qui ne lui pardonnaient pas toujours ses succès dans le monde. Il avait un cœur excellent et une honnête conscience. Par la mort du vieux comte Philibert, il était devenu le chef d'une des plus illustres et des plus antiques familles de France, dont les quartiers de noblesse remontaient à Louis le Hutin. La fortune des Chagny était considérable, et quand le vieux comte, qui était veuf, mourut, ce ne fut point une mince besogne pour Philippe, que celle qu'il dut accepter de gérer un aussi lourd patrimoine. Ses deux sœurs et son frère Raoul ne voulurent point entendre parler de partage, et ils restèrent dans l'indivision, s'en remettant de tout à Philippe, comme si le droit d'aînesse n'avait point cessé d'exister. Quand les deux sœurs se marièrent,—le même jour,—elles reprirent leurs parts des mains de leur frère, non point comme une chose leur appartenant, mais comme une dot dont, elles lui exprimèrent leur reconnaissance.

La comtesse de Chagny—née de Moerogis de la Martynière—était morte en donnant le jour à Raoul, né vingt ans après son frère aîné. Quand le vieux comte était mort, Raoul avait douze ans. Philippe s'occupa activement de l'éducation de l'enfant. Il fut admirablement secondé dans cette tâche par ses sœurs d'abord et puis par une vieille tante, veuve du marin, qui habitait Brest, et qui donna au jeune Raoul le goût des choses de la mer. Le jeune homme entra au Borda, en sortit dans les premiers numéros et accomplit tranquillement son tour du monde. Grâce à de puissants appuis, il venait d'être désigné pour faire partie de l'expédition officielle du Requin, qui avait mission de rechercher dans les glaces du pôle les survivants de l'expédition du d'Artois, dont on n'avait pas de nouvelles depuis trois ans. En attendant, il jouissait d'un long congé qui ne devait prendre fin que dans six mois, et les douairières du noble faubourg, en voyant cet enfant joli, qui paraissait si fragile, le plaignaient déjà des rudes travaux qui l'attendaient.

La timidité de ce marin, je serais presque tenté de dire, son innocence, était remarquable. Il semblait être sorti la veille de la main des femmes. De fait, choyé par ses deux sœurs et par sa vieille tante, il avait gardé de cette éducation purement féminine des manières presque candides, empreintes d'un charme que rien, jusqu'alors, n'avait pu ternir. À cette époque, il avait un peu plus de vingt et un ans et en paraissait dix-huit. Il avait une petite moustache blonde, de beaux yeux bleus et un teint de fille.

Philippe gâtait beaucoup Raoul. D'abord, il en était très fier et prévoyait avec joie une carrière glorieuse pour son cadet dans cette marine où l'un de leurs ancêtres, le fameux Chagny de La Roche, avait tenu rang d'amiral. Il profitait du congé du jeune homme pour lui montrer Paris, que celui-ci ignorait à peu près dans ce qu'il peut offrir de joie luxueuse et de plaisir artistique.

Le comte estimait qu'à l'âge de Raoul trop de sagesse n'est plus tout à fait sage. C'était un caractère fort bien équilibré, que celui de Philippe, pondéré dans ses travaux, comme dans ses plaisirs, toujours d'une tenue parfaite, incapable de montrer à son frère un méchant exemple. Il l'emmena partout avec lui. Il lui fit même connaître le foyer de la danse. Je sais bien que l'on racontait que le comte était du «dernier bien» avec la Sorelli. Mais quoi! pouvait-on faire un crime à ce gentilhomme, resté célibataire, et qui, par conséquent, avait bien des loisirs devant lui, surtout depuis que ses sœurs étaient établies, de venir passer une heure ou deux, après son dîner, dans la compagnie d'une danseuse qui, évidemment, n'était point très, très spirituelle, mais qui avait les plus jolis yeux du monde? Et puis, il y a des endroits où un vrai Parisien, quand il tient le rang du comte de Chagny, doit se montrer, et, à cette époque, le foyer de la danse de l'Opéra était un de ces endroits-là.

Enfin, peut-être Philippe n'eût-il pas conduit son frère dans les coulisses de l'Académie nationale de musique, si celui-ci n'avait été le premier, à plusieurs reprises, à le lui demander avec une douce obstination dont le comte devait se soutenir plus tard.

Philippe, après avoir applaudi ce soir-là la Daaé, s'était tourné du côté de Raoul, et l'avait vu si pâle qu'il en avait été effrayé.

—Vous ne voyez donc point, avait dit Raoul, que cette femme se trouve mal?

En effet, sur la scène, on devait soutenir Christine Daaé.

—C'est toi qui vas défaillir..., fit le comte en se penchant vers Raoul. Qu'as-tu donc?

Mais Raoul était déjà debout.

—Allons, dit-il, la voix frémissante.

—Où veux-tu aller, Raoul? interrogea le comte, étonné de l'émotion dans laquelle il trouvait son cadet.

—Mais allons voir! C'est la première fois qu'elle chante comme ça!

Le comte fixa curieusement son frère et un léger sourire vint s'inscrire au coin de sa lèvre amusée.

—Bah!... Et il ajouta tout de suite: Allons! Allons!

Il avait l'air enchanté.

Ils furent bientôt à l'entrée des abandonnés, qui était fort encombrée. En attendant qu'il pût pénétrer sur la scène, Raoul déchirait ses gants d'un geste inconscient. Philippe, qui était bon, ne se moqua point de son impatience. Mais il était renseigné. Il savait maintenant pourquoi Raoul était distrait quand il lui parlait et aussi pourquoi il semblait prendre un si vif plaisir à ramener tous les sujets de conversation sur l'Opéra.

Ils pénétrèrent sur le plateau.

Une foule d'habits noirs se pressaient vers le foyer de la danse ou se dirigeaient vers les loges des artistes. Aux cris des machinistes se mêlaient les allocutions véhémentes des chefs de service. Les figurants du dernier tableau qui s'en vont, les «marcheuses» qui vous bousculent, un portant qui passe, une toile de fond qui descend du cintre, un praticable qu'on assujettit à grands coups de marteau, l'éternel «place au théâtre» qui retentit à vos oreilles comme la menace de quelque catastrophe nouvelle pour votre huit-reflets ou d'un renfoncement solide pour vos reins, tel est l'événement habituel des entr'actes qui ne manque jamais de troubler un novice comme le jeune homme à la petite moustache blonde, aux yeux bleus et au teint de fille qui traversait, aussi vite que l'encombrement le lui permettait, cette scène sur laquelle Christine Daaé venait de triompher et sous laquelle Joseph Buquet venait de mourir.

Ce soir-là, la confusion n'avait jamais été plus complète, mais Raoul n'avait jamais été moins timide. Il écartait d'une épaule solide tout ce qui lui faisait obstacle, ne s'occupant point de ce qui se disait autour de lui, n'essayant point de comprendre les propos effarés des machinistes. Il était uniquement préoccupé du désir de voir celle dont la voix magique lui avait arraché le cœur. Oui, il sentait bien que son pauvre cœur tout neuf ne lui appartenait plus. Il avait bien essayé de le défendre depuis le jour où Christine, qu'il avait connue toute petite, lui était réapparue. Il avait ressenti en face d'elle une émotion très douce qu'il avait voulu chasser, à la réflexion, car il s'était juré, tant il avait le respect de lui-même et de sa foi, de n'aimer que celle qui serait sa femme, et il ne pouvait, une seconde, naturellement, songer à épouser une chanteuse; mais voilà qu'à l'émotion très douce avait succédé une sensation atroce. Sensation? Sentiment? Il y avait là-dedans du physique et du moral. Sa poitrine lui faisait mal, comme, si on la lui avait ouverte pour lui prendre le cœur. Il sentait là un creux affreux, un vide réel qui ne pourrait jamais plus être rempli que par le cœur de l'autre! Ce sont là des événements d'une psychologie particulière qui, paraît-il, ne peuvent être compris que de ceux qui ont été frappés, par l'amour, de ce coup étrange appelé, dans le langage courant, «coup de foudre».

Le comte Philippe avait peine à le suivre. Il continuait de sourire.

Au fond de la scène, passé la double porte qui s'ouvre sur les degrés qui conduisent au foyer et sur ceux qui mènent aux loges de gauche du rez-de-chaussée, Raoul dut s'arrêter devant la petite troupe de rats qui, descendus à l'instant de leur grenier, encombraient le passage dans lequel il voulait s'engager. Plus d'un mot plaisant lui fut décoché par de petites lèvres fardées auxquelles il ne répondit point; enfin, il put passer et s'enfonça dans l'ombre d'un corridor tout bruyant des exclamations que faisaient entendre d'enthousiastes admirateurs. Un nom couvrait toutes les rumeurs: Daaé! Daaé! Le comte, derrière Raoul, se disait: «Le coquin connaît le chemin», et il se demandait comment il l'avait appris. Jamais il n'avait conduit lui-même Raoul chez Christine. Il faut croire que celui-ci y était allé tout seul pendant que le comte restait à l'ordinaire à bavarder au foyer avec la Sorelli, qui le priait souvent de demeurer près d'elle jusqu'au moment où elle entrait en scène, et qui avait parfois cette manie tyrannique de lui donner à garder les petites guêtres avec lesquelles elle descendait de sa loge et dont elle garantissait le lustre de ses souliers de satin et la netteté de son maillot chair. La Sorelli avait une excuse: elle avait perdu sa mère.

Le comte, remettant à quelques minutes la visite qu'il devait à la Sorelli, suivait donc la galerie qui conduisait chez la Daaé, et constatait que ce corridor n'avait jamais été aussi fréquenté que ce soir, où tout le théâtre semblait bouleversé du succès de l'artiste et aussi de son évanouissement. Car la belle enfant n'avait pas encore repris connaissance, et on était allé chercher le docteur du théâtre, qui arriva sur ces entrefaites, bousculant les groupes et suivi de près par Raoul, qui lui marchait sur les talons.

Ainsi, le médecin et l'amoureux se trouvèrent dans le même moment aux côtés de Christine, qui reçut les premiers soins de l'un et ouvrit les yeux dans les bras de l'autre. Le comte était resté, avec beaucoup d'autres, sur le seuil de la porte devant laquelle on s'étouffait.

—Ne trouvez-vous point, docteur, que ces messieurs devraient «dégager» un peu la loge? demanda Raoul avec une incroyable audace. On ne peut plus respirer ici.

—Mais vous avez parfaitement raison, acquiesça le docteur, et il mit tout le monde à la porte, à l'exception de Raoul et de la femme de chambre.

Celle-ci regardait Raoul avec des yeux agrandis par le plus sincère ahurissement. Elle ne l'avait jamais vu.

Elle n'osa pas toutefois le questionner.

Et le docteur s'imagina que si le jeune homme agissait ainsi, c'était évidemment parce qu'il en avait le droit. Si bien que le vicomte resta dans cette loge à contempler la Daaé renaissant à la vie, pendant que les deux directeurs, MM. Debienne et Poligny eux-mêmes, qui étaient venus pouf exprimer leur admiration à leur pensionnaire, étaient refoulés dans le couloir, avec des habits noirs. Le comte de Chagny, rejeté comme les autres dans le corridor, riait aux éclats.

—Ah! le coquin! Ah! le coquin!

Et il ajoutait, in petto: Fiez-vous donc à ces jouvenceaux qui prennent des airs de petites filles!

Il était radieux. Il conclut: «C'est un Chagny!» et il se dirigea vers la loge de la Sorelli; mais celle-ci descendait au foyer avec son petit troupeau tremblant de peur, et le comte la rencontra en chemin, comme il a été dit.

Dans la loge, Christine Daaé avait poussé un profond soupir auquel avait répondu un gémissement. Elle tourna la tête et vit Raoul et tressaillit. Elle regarda le docteur auquel elle sourit, puis sa femme de chambre, puis encore Raoul.

—Monsieur! demanda-t-elle à ce dernier, d'une voix qui n'était encore qu'un souffle... qui êtes-vous?

—Mademoiselle, répondit le jeune homme qui mit un genou en terre et déposa un ardent baiser sur la main de la diva, mademoiselle, je suis le petit enfant qui est allé ramasser votre écharpe dans la mer.

Christine regarda encore le docteur et la femme de chambre et tous trois se mirent à rire. Raoul se releva très rouge.

—Mademoiselle, puisqu'il vous plaît de ne point me reconnaître, je voudrais vous dire quelque chose en particulier, quelque chose de très important.

—Quand j'irai mieux, monsieur, voulez-vous?...—et sa voix tremblait.—Vous êtes très gentil...

—Mais il faut vous en aller..., ajouta le docteur avec son plus aimable sourire. Laissez-moi soigner mademoiselle.

—Je ne suis pas malade, fit tout à coup Christine avec une énergie aussi étrange qu'inattendue.

Et elle se leva en se passant d'un geste rapide une main sur les paupières.

—Je vous remercie, docteur!... J'ai besoin de rester seule... Allez-vous-en tous! je vous en prie... laissez-moi... Je suis très nerveuse ce soir...

Le médecin voulut faire entendre quelques protestations, mais devant l'agitation de la jeune femme, il estima que le meilleur remède à un pareil état consistait à ne point la contrarier. Et il s'en, alla avec Raoul, qui se trouva dans le couloir, très désemparé. Le docteur lui dit:

—Je ne la reconnais plus ce soir... elle, ordinairement si douce...

Et il le quitta.

Raoul restait seul. Toute cette partie du théâtre était déserte maintenant. On devait procéder à la cérémonie d'adieux, au foyer de la danse. Raoul pensa que la Daaé s'y rendrait peut-être et il attendit dans la solitude et le silence. Il se dissimula même dans l'ombre propice d'un coin de porte. Il avait toujours cette affreuse douleur à la place du cœur. Et c'était de cela qu'il voulait parler à la Daaé, sans retard. Soudain la loge s'ouvrit et il vit la soubrette qui s'en allait toute seule, emportant des paquets. Il l'arrêta au passage et lui demanda des nouvelles de sa maîtresse. Elle lui répondit en riant que celle-ci allait tout à fait bien, mais qu'il ne fallait point la déranger parce qu'elle désirait rester seule. Et elle se sauva. Une idée traversa la cervelle embrasée de Raoul: Évidemment la Daaé voulait rester seule pour lui!... Ne lui avait-il point dit qu'il désirait l'entretenir particulièrement et n'était-ce point là la raison pour laquelle elle avait fait le vide autour d'elle? Respirant à peine, il se rapprocha de sa loge et l'oreille penchée contre la porte pour entendre ce qu'on allait lui répondre, et il se disposa à frapper. Mais sa main retomba. Il venait de percevoir, dans la loge, une voix d'homme, qui disait sur une intonation singulièrement autoritaire:

—Christine, il faut m'aimer!

Et la voix de Christine, douloureuse, que l'on devinait accompagnée de larmes, une voix tremblante, répondait:

—Comment pouvez-vous me dire cela? Moi qui ne chante que pour vous!

Raoul s'appuya au panneau, tant il souffrait. Son cœur, qu'il croyait parti pour toujours, était revenu dans sa poitrine et lui donnait des coups retentissants. Tout le couloir en résonnait et les oreilles de Raoul en étaient comme assourdies. Sûrement, si son cœur continuait à faire autant de tapage, on allait l'entendre, on allait ouvrir la porte et le jeune homme serait honteusement chassé. Quelle position pour un Chagny! Écouter derrière une porte! Il prit son cœur à deux mains pour le faire taire. Mais un cœur, ce n'est point la gueule d'un chien, et même quand on tient la gueule d'un chien à deux mains,—un chien qui aboie insupportablement,—on l'entend gronder toujours.

La voix d'homme reprit:

—Vous devez être bien fatiguée?

—Oh! ce soir, je vous ai donné mon âme et je suis morte.

—Ton âme est bien belle, mon enfant, reprit la voix grave d'homme et je te remercie. Il n'y a point d'empereur qui ait reçu un pareil cadeau! Les anges ont pleuré ce soir.

Après ces mots: les anges ont pleuré ce soir, le vicomte n'entendit plus rien.

Cependant, il ne s'en alla point, mais, comme il craignait d'être surpris, il se rejeta dans son coin d'ombre, décidé à attendre là que l'homme quittât la loge. À la même heure il venait d'apprendre l'amour et la haine. Il savait qu'il aimait. Il voulait connaître qui il haïssait. À sa grande stupéfaction la porte s'ouvrit, et Christine Daaé, enveloppée de fourrures et la figure cachée sous une dentelle, sortit seule. Elle referma la porte, mais Raoul observa qu'elle ne la refermait point à clef. Elle passa. Il ne la suivit même point des yeux, car ses yeux étaient sur la porte qui ne se rouvrait pas. Alors, le couloir étant à nouveau désert, il le traversa. Il ouvrit la porte de la loge et la referma aussitôt derrière lui. Il se trouvait dans la plus opaque obscurité. On avait éteint le gaz.

—Il y a quelqu'un ici! fit Raoul d'une voix vibrante. Pourquoi se cache-t-il?

Et ce disant, il s'appuyait toujours du dos à la porte close.

La nuit et le silence. Raoul n'entendait que le bruit de sa propre respiration. Il ne se rendait certainement point compte que l'indiscrétion de sa conduite dépassait tout ce que l'on pouvait imaginer.

—Vous ne sortirez d'ici que lorsque je le permettrai! s'écria le jeune homme. Si vous ne me répondez pas, vous êtes un lâche! Mais je saurai bien vous démasquer!

Et il fit craquer son allumette. La flamme éclaira la loge. Il n'y avait personne dans la loge! Raoul, après avoir pris soin de fermer la porte à clef, alluma les globes, les lampes. Il pénétra dans le cabinet de toilette, ouvrit les armoires, chercha, tâta de ses mains moites les murs. Rien!

—Ah! çà, dit-il tout haut, est-ce que je deviens fou?

Il resta ainsi dix minutes, à écouter le sifflement du gaz dans la paix de cette loge abandonnée; amoureux, il ne songea même point à dérober un ruban, qui lui eût apporté le parfum de celle qu'il aimait. Il sortit, ne sachant plus ce qu'il faisait ni où il allait. À un moment de son incohérente déambulation, un air glacé vint le frapper au visage. Il se trouvait au bas d'un étroit escalier que descendait, derrière lui, un cortège d'ouvriers penchés sur une espèce de brancard que recouvrait un linge blanc.

—La sortie, s'il vous plaît? fit-il à l'un de ces hommes.

—Vous voyez bien! en face de vous, lui fut-il répondu. La porte est ouverte. Mais laissez-nous passer.

Il demanda machinalement en montrant le brancard:

—Qu'est-ce que c'est que ça?

L'ouvrier répondit:

—Ça, c'est Joseph Buquet que l'on a trouvé pendu dans le troisième dessous, entre un portant et un décor du Roi de Lahore.

Il s'effaça devant le cortège, salua et sortit.

 

III - OÙ, POUR LA PREMIÈRE FOIS, MM. DEBIENNE ET POLIGNY DONNENT, EN SECRET, AUX NOUVEAUX DIRECTEURS DE L'OPÉRA, MM. ARMAND MONCHARMIN ET FIRMIN RICHARD, LA VÉRITABLE ET MYSTÉRIEUSE RAISON DE LEUR DÉPART DE L'ACADÉMIE NATIONALE DE MUSIQUE

Pendant ce temps avait lieu la cérémonie des adieux.

J'ai dit que cette fête magnifique avait été donnée, à l'occasion de leur départ de l'Opéra, par MM. Debienne et Poligny qui avaient voulu mourir comme nous disons aujourd'hui: en beauté.

Ils avaient été aidés dans la réalisation de ce programme idéal et funèbre, par tout ce qui comptait alors à Paris dans la société et dans les arts.

Tout ce monde s'était donné rendez-vous au foyer de la danse, où la Sorelli attendait, une coupe de champagne à la main et un petit discours préparé au bout de la langue, les directeurs démissionnaires. Derrière elle, ses jeunes et vieilles camarades du corps de ballet se pressaient, les unes s'entretenant à voix basse des événements du jour, les autres adressant discrètement des signes d'intelligence à leurs amis, dont la foule bavarde entourait déjà le buffet, qui avait été dressé sur le plancher en pente, entre la danse guerrière et la danse champêtre de M. Boulenger.

Quelques danseuses avaient déjà revêtu leurs toilettes de ville; la plupart avaient encore leur jupe de gaze légère; mais toutes avaient cru devoir prendre des figures de circonstance. Seule, la petite Jammes dont les quinze printemps semblaient déjà avoir oublié dans leur insouciance—heureux âge—le fantôme et la mort de Joseph Buquet, n'arrêtait point de caqueter, babiller, sautiller, faire des niches, si bien que, MM. Debienne et Poligny apparaissant sur les marches du foyer de la danse, elle fut rappelée sévèrement à l'ordre par la Sorelli, impatiente.

Tout le monde remarqua que MM. les directeurs démissionnaires avaient l'air gai, ce qui, en province, n'eût paru naturel à personne, mais ce qui, à Paris, fut trouvé de fort bon goût. Celui-là ne sera jamais Parisien qui n'aura point appris à mettre un masque de joie sur ses douleurs et le «loup» de la tristesse, de l'ennui ou de l'indifférence sur son intime allégresse. Vous savez qu'un de vos amis est dans la peine, n'essayez point de le consoler; il vous dira qu'il l'est déjà; mais s'il lui est arrivé quelque événement heureux, gardez-vous de l'en féliciter; il trouve sa bonne fortune si naturelle qu'il s'étonnera qu'on lui en parle. À Paris, on est, toujours au bal masqué et ce n'est point au foyer de la danse que des personnages aussi «avertis» que MM. Debienne et Poligny eussent commis la faute de montrer leur chagrin qui était réel. Et ils souriaient déjà trop à la Sorelli, qui commençait à débiter son compliment quand une réclamation de cette petite folle de Jammes vint briser le sourire de MM. les directeurs d'une façon si brutale que la figure de désolation et d'effroi qui était dessous, apparut aux yeux de tous:

—Le fantôme de l'Opéra!

Jammes avait jeté cette phrase sur un ton d'indicible terreur et son doigt désignait dans la foule des habits noirs un visage si blême, si lugubre et si laid, avec les trous noirs des arcades sourcilières si profonds, que cette tête de mort ainsi désignée remporta immédiatement un succès fou.

—Le fantôme de l'Opéra! Le fantôme de l'Opéra!

Et l'on riait, et l'on se bousculait, et l'on voulait offrir à boire au fantôme de l'Opéra; mais il avait disparu! Il s'était glissé dans la foule et on le rechercha en vain, cependant que deux vieux messieurs essayaient de calmer la petite Jammes et que la petite Giry poussait des cris de paon.

La Sorelli était furieuse; elle n'avait pas pu achever son discours; MM. Debienne et Poligny l'avaient embrassée, remerciée et s'étaient sauvés aussi rapides que le fantôme lui-même. Nul ne s'en étonna, car on savait qu'ils devaient subir la même cérémonie à l'étage supérieur, au foyer du chant, et qu'enfin leurs amis intimes seraient reçus une dernière fois par eux dans le grand vestibule du cabinet directorial, où un véritable souper les attendait.

Et c'est là que nous les retrouverons avec les nouveaux directeurs MM. Armand Moncharmin et Firmin Richard. Les premiers connaissaient à peine les seconds, mais ils se répandirent en grandes protestations d'amitié et ceux-ci leur répondirent par mille compliments; de telle sorte que ceux des invités qui avaient redouté une soirée un peu maussade montrèrent immédiatement des mines réjouies. Le souper fut presque gai et l'occasion s'étant présentée de plusieurs toasts, M. le commissaire du gouvernement y fut si particulièrement habile, mêlant la gloire du passé aux succès de l'avenir, que la plus grande cordialité régna bientôt parmi les convives. La transmission des pouvoirs directoriaux s'était faite la veille, le plus simplement possible, et les questions qui restaient à régler entre l'ancienne et la nouvelle direction y avaient été résolues sous la présidence du commissaire du gouvernement dans un si grand désir d'entente de part et d'autre, qu'en vérité on ne pouvait s'étonner, dans cette soirée mémorable, de trouver quatre visages de directeurs aussi souriants.

MM. Debienne et Poligny avaient déjà remis à MM. Armand Moncharmin et Firmin Richard les deux clefs minuscules, les passe-partout qui ouvraient toutes les portes de l'Académie nationale de musique,—plusieurs milliers.—Et prestement ces petites clefs, objet de la curiosité générale, passaient de mains en mains quand l'attention de quelques-uns fut détournée par la découverte qu'ils venaient de faire, au bout de la table, de cette étrange et blême et fantastique figure aux yeux caves qui était déjà apparue au foyer de la danse et qui avait été saluée par la petite Jammes de cette apostrophe: «Le fantôme de l'Opéra!»

Il était là, comme le plus naturel des convives, sauf qu'il ne mangeait ni ne buvait.

Ceux qui avaient commencé à le regarder en souriant, avaient fini par détourner la tête, tant cette vision portait immédiatement l'esprit aux penseurs les plus funèbres. Nul ne recommença la plaisanterie du foyer, nul ne s'écria: «Voilà le fantôme de l'Opéra!»

Il n'avait pas prononcé un mot, et ses voisins eux-mêmes n'eussent pu dire à quel moment précis il était venu s'asseoir là, mais chacun pensa que si les morts revenaient parfois s'asseoir à la table des vivants, ils ne pouvaient montrer de plus macabre visage. Les amis de MM. Firmin Richard et Armand Moncharmin crurent que ce convive décharné était un intime de MM. Debienne et Poligny, tandis que les amis de MM. Debienne et Poligny pensèrent que ce cadavre appartenait à la clientèle de MM. Richard et Moncharmin. De telle sorte qu'aucune demande d'explication, aucune réflexion déplaisante, aucune facétie de mauvais goût ne risqua de froisser cet hôte d'outre-tombe. Quelques convives qui étaient au courant de la légende du fantôme et qui connaissaient la description qu'en avait faite le chef machiniste,—ils ignoraient la mort de Joseph Buquet,—trouvaient in petto que l'homme du bout de la table aurait très bien pu passer pour la réalisation vivante du personnage créé, selon eux, par l'indécrottable superstition du personnel de l'Opéra; et cependant, selon la légende, le fantôme n'avait pas de nez et ce personnage en avait un, mais M. Moncharmin affirme dans ses «mémoires» que le nez du convive était transparent.—Son nez, dit-il, était long, fin, et transparent,—et j'ajouterai que cela pouvait être un faux nez. M. Moncharmin a pu prendre pour de la transparence ce qui n'était que luisant. Tout le monde sait que la science fait d'admirables faux nez pour ceux qui en ont été privés par la nature ou par quelqu'opération. En réalité, le fantôme est-il venu s'asseoir, cette nuit-là, an banquet des directeurs sans y avoir été invité? Et pouvons-nous être sûrs que cette figure était celle du fantôme de l'Opéra lui-même? Qui oserait le dire? Si je parle de cet incident ici, ce n'est point que je veuille une seconde faire croire ou tenter de faire croire au lecteur que le fantôme ait été capable d'une aussi superbe audace, mais parce qu'en somme la chose est très possible.

Et en voici, semble-t-il, une raison suffisante. M. Armand Moncharmin, toujours dans ses «mémoires», dit textuellement:—Chapitre XI.—«Quand je songe à cette première soirée, je ne puis séparer la confidence qui nous fut faite, dans leur cabinet, par MM. Debienne et Poligny de la présence à notre souper de ce fantomatique personnage que nul de nous ne connaissait.»

Voici exactement ce qui se passa:

MM. Debienne et Poligny, placés au milieu de la table, n'avaient pas encore aperçu l'homme à la tête de mort, quand celui-ci se mit tout à coup à parler.

—Les rats ont raison, dit-il. La mort de ce pauvre Buquet n'est peut-être point si naturelle qu'on le croît.

Debienne et Poligny sursautèrent.

—Buquet est mort? s'écrièrent-ils.

—Oui, répliqua tranquillement l'homme ou l'ombre d'homme... Il a été trouvé pendu, ce soir, dans le troisième dessous, entre une ferme et un décor du Roi de Lahore.

Les deux directeurs, ou plutôt ex-directeurs, se levèrent aussitôt, en fixant étrangement leur interlocuteur. Ils étaient agités plus que de raison, c'est-à-dire plus qu'on a raison de l'être par l'annonce de la pendaison d'un chef machiniste. Ils se regardèrent tous deux. Ils étaient devenus plus pâles que la nappe. Enfin, Debienne fit signe à MM. Richard et Moncharmin: Poligny prononça quelques paroles d'excuse à l'adresse des convives, et tous quatre passèrent dans le bureau directorial. Je laisse la parole à M. Moncharmin.

«MM. Debienne et Poligny semblaient de plus en plus agités, raconte-t-il dans ses mémoires, et il nous parut qu'ils avaient quelque chose à nous dire qui les embarrassait fort. D'abord, ils nous demandèrent si nous connaissions l'individu, assis au bout de la table, qui leur avait appris la mort de Joseph Buquet, et, sur notre réponse négative, ils se montrèrent encore plus troublés. Ils nous prirent les passe-partout des mains, les considérèrent un instant, hochèrent la tête, puis nous donnèrent le conseil de faire faire de nouvelles serrures, dans le plus grand secret, pour les appartements, cabinets et objets dont nous pouvions désirer la fermeture hermétique. Ils étaient si drôles en disant cela, que nous nous prîmes à rire en leur demandant s'il y avait des voleurs à l'Opéra? Ils nous répondirent qu'il y avait quelque chose de pire qui était le fantôme. Nous recommençâmes à rire, persuadés qu'ils se livraient à quelque plaisanterie qui devait être comme le couronnement de cette petite fête intime. Et puis, sur leur prière, nous reprîmes notre «sérieux», décidés à entrer, pour leur faire plaisir, dans cette sorte de jeu. Ils nous dirent que jamais ils ne nous auraient parlé du fantôme, s'ils n'avaient reçu l'ordre formel du fantôme lui-même de nous engager à nous montrer aimables avec celui-ci et à lui accorder tout ce qu'il nous demanderait. Cependant, trop heureux de quitter un domaine où régnait en maîtresse cette ombre tyrannique et d'en être débarrassés du coup, ils avaient hésité jusqu'au dernier moment à nous faire part d'une aussi curieuse aventure à laquelle certainement nos esprits sceptiques n'étaient point préparés, quand l'annonce de la mort de Joseph Buquet leur avait brutalement rappelé que, chaque fois qu'ils n'avaient point obéi aux désirs du fantôme, quelqu'événement fantasque ou funeste avait vite fait de les ramener au sentiment de leur dépendance.

Pendant ces discours inattendus prononcés sur le ton de la confidence la plus secrète et la plus importante, je regardais Richard. Richard, au temps qu'il était étudiant, avait eu une réputation de farceur, c'est-à-dire qu'il n'ignorait aucune des mille et une manières que l'on a de se moquer les uns des autres, et les concierges du boulevard Saint-Michel en ont su quelque chose. Aussi semblait-il goûter fort le plat qu'on lui servait à son tour. Il n'en perdait pas une bouchée, bien que le condiment fût un peu macabre à cause de la mort de Buquet. Il hochait la tête avec tristesse, et sa mine, au fur et à mesure que les autres parlaient, devenait lamentable comme celle d'un homme qui regrettait amèrement cette affaire de l'Opéra maintenant qu'il apprenait qu'il y avait un fantôme dedans. Je ne pouvais faire mieux que de copier servilement cette attitude désespérée. Cependant, malgré tous nos efforts, nous ne pûmes, à la fin, nous empêcher de «pouffer» à la barbe de MM. Debienne et Poligny qui, nous voyant passer sans transition de l'état d'esprit le plus sombre à la gaîté la plus insolente, firent comme s'ils croyaient que nous étions devenus fous.

La farce se prolongeant un peu trop, Richard demanda, moitié figue moitié raisin: «Mais enfin qu'est-ce qu'il veut ce fantôme-là?»

M. Poligny se dirigea vers son bureau et en revint avec une copie du cahier des charges.

Le cahier des charges commence par ces mots: «La direction de l'Opéra sera tenue de donner aux représentations de l'Académie nationale de musique la splendeur qui convient à la première scène lyrique française», et se termine par l'article 98 ainsi conçu:

«Le présent privilège pourra être retiré:

1° Si le directeur contrevient aux dispositions stipulées dans le cahier des charges.»

Suivent ces dispositions.

Cette copie, dit M. Moncharmin, était à, l'encre noire et entièrement conforme à celle que nous possédions.

Cependant nous vîmes que le cahier des charges que nous soumettait M. Poligny comportait in fine un alinéa, écrit à l'encre rouge,—écriture bizarre et tourmentée, comme si elle eût été tracée à coups de bout d'allumettes, écriture d'enfant qui n'aurait pas cessé de faire des bâtons et qui ne saurait pas encore relier ses lettres. Et cet alinéa qui allongeait si étrangement l'article 98,—disait textuellement:

5° Si le directeur retarde de plus de quinze jours la mensualité qu'il doit au fantôme de l'Opéra, mensualité fixée jusqu'à nouvel ordre à 20,000 francs—240,000 francs par an.

M. de Poligny, d'un doigt hésitant, nous montrait cette clause suprême, à laquelle nous ne nous attendions certainement pas.

—C'est tout? Il ne veut pas autre chose? demanda Richard avec le plus grand sang-froid.

—Si, répliqua Poligny.

Et il feuilleta encore le cahier des charges et lut:

«Art. 63.—La grande avant-scène de droite des premières n° 1, sera réservée à toutes les représentations pour le chef de l'État.

La baignoire n° 20, le lundi, et la première loge n° 30, les mercredis et vendredis seront mises à la disposition du ministre.

La deuxième loge n° 27 sera réservée chaque jour pour l'usage des préfets de la Seine et de police.»

Et encore, en fin de cet article, M. Poligny nous montra une ligne à l'encre rouge qui y avait été ajoutée.

La première loge n°5 sera mise à toutes les représentations à la disposition du fantôme de l'Opéra.

Sur ce dernier coup, nous ne pûmes que nous lever et serrer chaleureusement les mains de nos deux prédécesseurs en les félicitant d'avoir imaginé cette charmante plaisanterie, qui prouvait que la vieille gaieté française ne perdait jamais ses droits. Richard crut même devoir ajouter qu'il comprenait maintenant pourquoi MM. Debienne et Poligny quittaient la direction de l'Académie nationale de musique. Les affaires n'étaient plus possibles avec un fantôme aussi exigeant.

—Évidemment, répliqua sans sourciller M. Poligny: 240,000 francs ne se trouvent pas sous le fer d'un cheval. Et avez-vous compté ce que peut nous coûter la non-location de la première loge n° 5 réservée au fantôme à toutes les représentations? Sans compter que nous avons été obligés d'en rembourser l'abonnement, c'est effrayant! Vraiment, nous ne travaillons pas pour entretenir des fantômes!... Nous préférons nous en aller!

—Oui, répéta M. Debienne, nous préférons nous en aller! Allons-nous-en!

Et il se leva.

Richard dit:

—Mais enfin, il me semble que vous êtes bien bons avec ce fantôme. Si j'avais un fantôme aussi gênant que ça, je n'hésiterais pas à le faire arrêter.

—Mais où? Mais comment? s'écrièrent-ils en chœur; nous ne l'avons jamais vu!

—Mais quand il vient dans sa loge?

—Nous ne l'avons jamais vu dans sa loge.

—Alors, louez-la.

—Louer la loge du fantôme de l'Opéra! Eh bien! messieurs, essayez!

Sur quoi, nous sortîmes tous quatre du cabinet directorial. Richard et moi nous n'avions jamais «tant ri».

Saturday, 29 April 2023

"Mortalium Animos" by Pope Pius XI (translated into English)

To Our Venerable Brethren the Patriarchs, Primates, Archbishops, Bishops, and other Local Ordinaries in Peace and Communion with the Apostolic See.

 

Venerable Brethren, Health and Apostolic Benediction.

 

Never perhaps in the past have we seen, as we see in these our own times, the minds of men so occupied by the desire both of strengthening and of extending to the common welfare of human society that fraternal relationship which binds and unites us together, and which is a consequence of our common origin and nature. For since the nations do not yet fully enjoy the fruits of peace — indeed rather do old and new disagreements in various places break forth into sedition and civic strife — and since on the other hand many disputes which concern the tranquillity and prosperity of nations cannot be settled without the active concurrence and help of those who rule the States and promote their interests, it is easily understood, and the more so because none now dispute the unity of the human race, why many desire that the various nations, inspired by this universal kinship, should daily be more closely united one to another.

2. A similar object is aimed at by some, in those matters which concern the New Law promulgated by Christ our Lord. For since they hold it for certain that men destitute of all religious sense are very rarely to be found, they seem to have founded on that belief a hope that the nations, although they differ among themselves in certain religious matters, will without much difficulty come to agree as brethren in professing certain doctrines, which form as it were a common basis of the spiritual life. For which reason conventions, meetings and addresses are frequently arranged by these persons, at which a large number of listeners are present, and at which all without distinction are invited to join in the discussion, both infidels of every kind, and Christians, even those who have unhappily fallen away from Christ or who with obstinacy and pertinacity deny His divine nature and mission. Certainly such attempts can nowise be approved by Catholics, founded as they are on that false opinion which considers all religions to be more or less good and praiseworthy, since they all in different ways manifest and signify that sense which is inborn in us all, and by which we are led to God and to the obedient acknowledgment of His rule. Not only are those who hold this opinion in error and deceived, but also in distorting the idea of true religion they reject it, and little by little. turn aside to naturalism and atheism, as it is called; from which it clearly follows that one who supports those who hold these theories and attempt to realize them, is altogether abandoning the divinely revealed religion.

3. But some are more easily deceived by the outward appearance of good when there is question of fostering unity among all Christians.

4. Is it not right, it is often repeated, indeed, even consonant with duty, that all who invoke the name of Christ should abstain from mutual reproaches and at long last be united in mutual charity? Who would dare to say that he loved Christ, unless he worked with all his might to carry out the desires of Him, Who asked His Father that His disciples might be “one.”[1] And did not the same Christ will that His disciples should be marked out and distinguished from others by this characteristic, namely that they loved one another: “By this shall all men know that you are my disciples, if you have love one for another”?[2] All Christians, they add, should be as “one”: for then they would be much more powerful in driving out the pest of irreligion, which like a serpent daily creeps further and becomes more widely spread, and prepares to rob the Gospel of its strength. These things and others that class of men who are known as pan-Christians continually repeat and amplify; and these men, so far from being quite few and scattered, have increased to the dimensions of an entire class, and have grouped themselves into widely spread societies, most of which are directed by non-Catholics, although they are imbued with varying doctrines concerning the things of faith. This undertaking is so actively promoted as in many places to win for itself the adhesion of a number of citizens, and it even takes possession of the minds of very many Catholics and allures them with the hope of bringing about such a union as would be agreeable to the desires of Holy Mother Church, who has indeed nothing more at heart than to recall her erring sons and to lead them back to her bosom. But in reality beneath these enticing words and blandishments lies hid a most grave error, by which the foundations of the Catholic faith are completely destroyed.

5. Admonished, therefore, by the consciousness of Our Apostolic office that We should not permit the flock of the Lord to be cheated by dangerous fallacies, We invoke, Venerable Brethren, your zeal in avoiding this evil; for We are confident that by the writings and words of each one of you the people will more easily get to know and understand those principles and arguments which We are about to set forth, and from which Catholics will learn how they are to think and act when there is question of those undertakings which have for their end the union in one body, whatsoever be the manner, of all who call themselves Christians.

6. We were created by God, the Creator of the universe, in order that we might know Him and serve Him; our Author therefore has a perfect right to our service. God might, indeed, have prescribed for man’s government only the natural law, which, in His creation, He imprinted on his soul, and have regulated the progress of that same law by His ordinary providence; but He preferred rather to impose precepts, which we were to obey, and in the course of time, namely from the beginnings of the human race until the coming and preaching of Jesus Christ, He Himself taught man the duties which a rational creature owes to its Creator: “God, who at sundry times and in divers manners, spoke in times past to the fathers by the prophets, last of all, in these days, hath spoken to us by his Son.”[3] From which it follows that there can be no true religion other than that which is founded on the revealed word of God: which revelation, begun from the beginning and continued under the Old Law, Christ Jesus Himself under the New Law perfected. Now, if God has spoken (and it is historically certain that He has truly spoken), all must see that it is man’s duty to believe absolutely God’s revelation and to obey implicitly His commands; that we might rightly do both, for the glory of God and our own salvation, the Only-begotten Son of God founded His Church on earth. Further, We believe that those who call themselves Christians can do no other than believe that a Church, and that Church one, was established by Christ; but if it is further inquired of what nature according to the will of its Author it must be, then all do not agree. A good number of them, for example, deny that the Church of Christ must be visible and apparent, at least to such a degree that it appears as one body of faithful, agreeing in one and the same doctrine under one teaching authority and government; but, on the contrary, they understand a visible Church as nothing else than a Federation, composed of various communities of Christians, even though they adhere to different doctrines, which may even be incompatible one with another. Instead, Christ our Lord instituted His Church as a perfect society, external of its nature and perceptible to the senses, which should carry on in the future the work of the salvation of the human race, under the leadership of one head,[4] with an authority teaching by word of mouth,[5] and by the ministry of the sacraments, the founts of heavenly grace;[6] for which reason He attested by comparison the similarity of the Church to a kingdom,[7] to a house,[8] to a sheepfold,[9] and to a flock.[10] This Church, after being so wonderfully instituted, could not, on the removal by death of its Founder and of the Apostles who were the pioneers in propagating it, be entirely extinguished and cease to be, for to it was given the commandment to lead all men, without distinction of time or place, to eternal salvation: “Going therefore, teach ye all nations.”[11] In the continual carrying out of this task, will any element of strength and efficiency be wanting to the Church, when Christ Himself is perpetually present to it, according to His solemn promise: “Behold I am with you all days, even to the consummation of the world?”[12] It follows then that the Church of Christ not only exists to-day and always, but is also exactly the same as it was in the time of the Apostles, unless we were to say, which God forbid, either that Christ our Lord could not effect His purpose, or that He erred when He asserted that the gates of hell should never prevail against it.[13]

7. And here it seems opportune to expound and to refute a certain false opinion, on which this whole question, as well as that complex movement by which non-Catholics seek to bring about the union of the Christian churches depends. For authors who favor this view are accustomed, times almost without number, to bring forward these words of Christ: “That they all may be one…. And there shall be one fold and one shepherd,”[14] with this signification however: that Christ Jesus merely expressed a desire and prayer, which still lacks its fulfillment. For they are of the opinion that the unity of faith and government, which is a note of the one true Church of Christ, has hardly up to the present time existed, and does not to-day exist. They consider that this unity may indeed be desired and that it may even be one day attained through the instrumentality of wills directed to a common end, but that meanwhile it can only be regarded as mere ideal. They add that the Church in itself, or of its nature, is divided into sections; that is to say, that it is made up of several churches or distinct communities, which still remain separate, and although having certain articles of doctrine in common, nevertheless disagree concerning the remainder; that these all enjoy the same rights; and that the Church was one and unique from, at the most, the apostolic age until the first Ecumenical Councils. Controversies therefore, they say, and longstanding differences of opinion which keep asunder till the present day the members of the Christian family, must be entirely put aside, and from the remaining doctrines a common form of faith drawn up and proposed for belief, and in the profession of which all may not only know but feel that they are brothers. The manifold churches or communities, if united in some kind of universal federation, would then be in a position to oppose strongly and with success the progress of irreligion. This, Venerable Brethren, is what is commonly said. There are some, indeed, who recognize and affirm that Protestantism, as they call it, has rejected, with a great lack of consideration, certain articles of faith and some external ceremonies, which are, in fact, pleasing and useful, and which the Roman Church still retains. They soon, however, go on to say that that Church also has erred, and corrupted the original religion by adding and proposing for belief certain doctrines which are not only alien to the Gospel, but even repugnant to it. Among the chief of these they number that which concerns the primacy of jurisdiction, which was granted to Peter and to his successors in the See of Rome. Among them there indeed are some, though few, who grant to the Roman Pontiff a primacy of honor or even a certain jurisdiction or power, but this, however, they consider not to arise from the divine law but from the consent of the faithful. Others again, even go so far as to wish the Pontiff Himself to preside over their motley, so to say, assemblies. But, all the same, although many non-Catholics may be found who loudly preach fraternal communion in Christ Jesus, yet you will find none at all to whom it ever occurs to submit to and obey the Vicar of Jesus Christ either in His capacity as a teacher or as a governor. Meanwhile they affirm that they would willingly treat with the Church of Rome, but on equal terms, that is as equals with an equal: but even if they could so act. it does not seem open to doubt that any pact into which they might enter would not compel them to turn from those opinions which are still the reason why they err and stray from the one fold of Christ.

8. This being so, it is clear that the Apostolic See cannot on any terms take part in their assemblies, nor is it anyway lawful for Catholics either to support or to work for such enterprises; for if they do so they will be giving countenance to a false Christianity, quite alien to the one Church of Christ. Shall We suffer, what would indeed be iniquitous, the truth, and a truth divinely revealed, to be made a subject for compromise? For here there is question of defending revealed truth. Jesus Christ sent His Apostles into the whole world in order that they might permeate all nations with the Gospel faith, and, lest they should err, He willed beforehand that they should be taught by the Holy Ghost:[15] has then this doctrine of the Apostles completely vanished away, or sometimes been obscured, in the Church, whose ruler and defense is God Himself? If our Redeemer plainly said that His Gospel was to continue not only during the times of the Apostles, but also till future ages, is it possible that the object of faith should in the process of time become so obscure and uncertain, that it would be necessary to-day to tolerate opinions which are even incompatible one with another? If this were true, we should have to confess that the coming of the Holy Ghost on the Apostles, and the perpetual indwelling of the same Spirit in the Church, and the very preaching of Jesus Christ, have several centuries ago, lost all their efficacy and use, to affirm which would be blasphemy. But the Only-begotten Son of God, when He commanded His representatives to teach all nations, obliged all men to give credence to whatever was made known to them by “witnesses preordained by God,”[16] and also confirmed His command with this sanction: “He that believeth and is baptized shall be saved; but he that believeth not shall be condemned.”[17] These two commands of Christ, which must be fulfilled, the one, namely, to teach, and the other to believe, cannot even be understood, unless the Church proposes a complete and easily understood teaching, and is immune when it thus teaches from all danger of erring. In this matter, those also turn aside from the right path, who think that the deposit of truth such laborious trouble, and with such lengthy study and discussion, that a man’s life would hardly suffice to find and take possession of it; as if the most merciful God had spoken through the prophets and His Only-begotten Son merely in order that a few, and those stricken in years, should learn what He had revealed through them, and not that He might inculcate a doctrine of faith and morals, by which man should be guided through the whole course of his moral life.

9. These pan-Christians who turn their minds to uniting the churches seem, indeed, to pursue the noblest of ideas in promoting charity among all Christians: nevertheless how does it happen that this charity tends to injure faith? Everyone knows that John himself, the Apostle of love, who seems to reveal in his Gospel the secrets of the Sacred Heart of Jesus, and who never ceased to impress on the memories of his followers the new commandment “Love one another,” altogether forbade any intercourse with those who professed a mutilated and corrupt version of Christ’s teaching: “If any man come to you and bring not this doctrine, receive him not into the house nor say to him: God speed you.”[18] For which reason, since charity is based on a complete and sincere faith, the disciples of Christ must be united principally by the bond of one faith. Who then can conceive a Christian Federation, the members of which retain each his own opinions and private judgment, even in matters which concern the object of faith, even though they be repugnant to the opinions of the rest? And in what manner, We ask, can men who follow contrary opinions, belong to one and the same Federation of the faithful? For example, those who affirm, and those who deny that sacred Tradition is a true fount of divine Revelation; those who hold that an ecclesiastical hierarchy, made up of bishops, priests and ministers, has been divinely constituted, and those who assert that it has been brought in little by little in accordance with the conditions of the time; those who adore Christ really present in the Most Holy Eucharist through that marvelous conversion of the bread and wine, which is called transubstantiation, and those who affirm that Christ is present only by faith or by the signification and virtue of the Sacrament; those who in the Eucharist recognize the nature both of a sacrament and of a sacrifice, and those who say that it is nothing more than the memorial or commemoration of the Lord’s Supper; those who believe it to be good and useful to invoke by prayer the Saints reigning with Christ, especially Mary the Mother of God, and to venerate their images, and those who urge that such a veneration is not to be made use of, for it is contrary to the honor due to Jesus Christ, “the one mediator of God and men.”[19] How so great a variety of opinions can make the way clear to effect the unity of the Church We know not; that unity can only arise from one teaching authority, one law of belief and one faith of Christians. But We do know that from this it is an easy step to the neglect of religion or indifferentism and to modernism, as they call it. Those, who are unhappily infected with these errors, hold that dogmatic truth is not absolute but relative, that is, it agrees with the varying necessities of time and place and with the varying tendencies of the mind, since it is not contained in immutable revelation, but is capable of being accommodated to human life. Besides this, in connection with things which must be believed, it is nowise licit to use that distinction which some have seen fit to introduce between those articles of faith which are fundamental and those which are not fundamental, as they say, as if the former are to be accepted by all, while the latter may be left to the free assent of the faithful: for the supernatural virtue of faith has a formal cause, namely the authority of God revealing, and this is patient of no such distinction. For this reason it is that all who are truly Christ’s believe, for example, the Conception of the Mother of God without stain of original sin with the same faith as they believe the mystery of the August Trinity, and the Incarnation of our Lord just as they do the infallible teaching authority of the Roman Pontiff, according to the sense in which it was defined by the Ecumenical Council of the Vatican. Are these truths not equally certain, or not equally to be believed, because the Church has solemnly sanctioned and defined them, some in one age and some in another, even in those times immediately before our own? Has not God revealed them all? For the teaching authority of the Church, which in the divine wisdom was constituted on earth in order that revealed doctrines might remain intact for ever, and that they might be brought with ease and security to the knowledge of men, and which is daily exercised through the Roman Pontiff and the Bishops who are in communion with him, has also the office of defining, when it sees fit, any truth with solemn rites and decrees, whenever this is necessary either to oppose the errors or the attacks of heretics, or more clearly and in greater detail to stamp the minds of the faithful with the articles of sacred doctrine which have been explained. But in the use of this extraordinary teaching authority no newly invented matter is brought in, nor is anything new added to the number of those truths which are at least implicitly contained in the deposit of Revelation, divinely handed down to the Church: only those which are made clear which perhaps may still seem obscure to some, or that which some have previously called into question is declared to be of faith.

10. So, Venerable Brethren, it is clear why this Apostolic See has never allowed its subjects to take part in the assemblies of non-Catholics: for the union of Christians can only be promoted by promoting the return to the one true Church of Christ of those who are separated from it, for in the past they have unhappily left it. To the one true Church of Christ, we say, which is visible to all, and which is to remain, according to the will of its Author, exactly the same as He instituted it. During the lapse of centuries, the mystical Spouse of Christ has never been contaminated, nor can she ever in the future be contaminated, as Cyprian bears witness: “The Bride of Christ cannot be made false to her Spouse: she is incorrupt and modest. She knows but one dwelling, she guards the sanctity of the nuptial chamber chastely and modestly.”[20] The same holy Martyr with good reason marveled exceedingly that anyone could believe that “this unity in the Church which arises from a divine foundation, and which is knit together by heavenly sacraments, could be rent and torn asunder by the force of contrary wills.”[21] For since the mystical body of Christ, in the same manner as His physical body, is one,[22] compacted and fitly joined together,[23] it were foolish and out of place to say that the mystical body is made up of members which are disunited and scattered abroad: whosoever therefore is not united with the body is no member of it, neither is he in communion with Christ its head.[24]

11. Furthermore, in this one Church of Christ no man can be or remain who does not accept, recognize and obey the authority and supremacy of Peter and his legitimate successors. Did not the ancestors of those who are now entangled in the errors of Photius and the reformers, obey the Bishop of Rome, the chief shepherd of souls? Alas their children left the home of their fathers, but it did not fall to the ground and perish for ever, for it was supported by God. Let them therefore return to their common Father, who, forgetting the insults previously heaped on the Apostolic See, will receive them in the most loving fashion. For if, as they continually state, they long to be united with Us and ours, why do they not hasten to enter the Church, “the Mother and mistress of all Christ’s faithful”?[25] Let them hear Lactantius crying out: “The Catholic Church is alone in keeping the true worship. This is the fount of truth, this the house of Faith, this the temple of God: if any man enter not here, or if any man go forth from it, he is a stranger to the hope of life and salvation. Let none delude himself with obstinate wrangling. For life and salvation are here concerned, which will be lost and entirely destroyed, unless their interests are carefully and assiduously kept in mind.”[26]

12. Let, therefore, the separated children draw nigh to the Apostolic See, set up in the City which Peter and Paul, the Princes of the Apostles, consecrated by their blood; to that See, We repeat, which is “the root and womb whence the Church of God springs,”[27] not with the intention and the hope that “the Church of the living God, the pillar and ground of the truth”[28] will cast aside the integrity of the faith and tolerate their errors, but, on the contrary, that they themselves submit to its teaching and government. Would that it were Our happy lot to do that which so many of Our predecessors could not, to embrace with fatherly affection those children, whose unhappy separation from Us We now bewail. Would that God our Savior, “Who will have all men to be saved and to come to the knowledge of the truth,”[29] would hear us when We humbly beg that He would deign to recall all who stray to the unity of the Church! In this most important undertaking We ask and wish that others should ask the prayers of Blessed Mary the Virgin, Mother of divine grace, victorious over all heresies and Help of Christians, that She may implore for Us the speedy coming of the much hoped-for day, when all men shall hear the voice of Her divine Son, and shall be “careful to keep the unity of the Spirit in the bond of peace.”[30]

13. You, Venerable Brethren, understand how much this question is in Our mind, and We desire that Our children should also know, not only those who belong to the Catholic community, but also those who are separated from Us: if these latter humbly beg light from heaven, there is no doubt but that they will recognize the one true Church of Jesus Christ and will, at last, enter it, being united with us in perfect charity. While awaiting this event, and as a pledge of Our paternal good will, We impart most lovingly to you, Venerable Brethren, and to your clergy and people, the apostolic benediction.

 

Given at Rome, at Saint Peter’s, on the 6th day of January, on the Feast of the Epiphany of Jesus Christ, our Lord, in the year 1928, and the sixth year of Our Pontificate.

 

REFERENCES:

    1. John xvii, 21.

    2. John xiii, 35.

    3. Heb. i, I seq.

    4. Matt. xvi, 18 seq; Luke xxii, 32; John xxi, 15-17.

    5. Mark xvi, 15.

    6. John iii, 5; vi, 48-59; xx, 22 seq; cf. Matt. xviii, 18, etc.

    7. Matt. xiii.

    8. cf. Matt. xvi, 18.

    9. John x, 16.

    10. John xxi, 15-17.

    11. Matt. xxviii, 19.

    12. Matt. xxviii, 20.

    13. Matt. xvi, 18.

    14. John xvii, 21; x, 16.

    15. John xvi, 13.

    16. Acts x,41.

    17. Mark xvi, 16.

    18. 11 John 10.

    19. Cf. I Tim. ii, 15.

    20. De Cath. Ecclesiae unitate, 6.

    21. Ibid.

    22. I Cor. xii, 12.

    23. Eph. Iv, 16.

    24. Cf. Eph. v, 30; 1, 22.

    25. Conc. Lateran IV, c. 5.

    26. Divin. Instit. Iv, 30. 11-12.

    27. S. Cypr. Ep. 48 ad Cornelium, 3.

    28. I Tim. iii, 15.

    29. I Tim. ii, 4.

    30. Eph. iv, 3.

 

Friday, 28 April 2023

Friday's Sung Word: "Samba da Boa Vontade" by Noel Rosa and Braguinha (in Portuguese)

(Campanha da boa vontade)

Viver alegre hoje é preciso
Conserva sempre o teu sorriso
Mesmo que a vida esteja feia
E que vivas na pirimba
Passando a pirão de areia

Gastei o teu dinheiro
Mas não tive compaixão
Porque tenho a certeza
Que ele volta à tua mão
Se ele acaso não voltar
Eu te pago com sorriso
E o recibo hás de passar
(Nesta qüestão solução sei dar)

Neste Brasil tão grande
Não se deve ser mesquinho
Quem ganha na avareza
Sempre perde no carinho
Não admito minharia
Pois qualquer economia
Sempre acaba em porcaria
(Minha barriga não está vazia)

Comparo o meu Brasil
A uma criança perdulária
Que anda sem vintém
Mas tem a mãe que é milionária
E que jurou batendo o pé
Que iremos à Europa
Num aterro de café
(Nisto eu sempre tive fé)

 

 You can listen "Samba da Boa Vontade" sun by the Bando de Tangarás with solos by Noel Rosa and Braguinha here.