« Dieu est impartial, dit l’apôtre Pierre : Il accueille, quelle que
soit la nation, celui qui le craint et dont les œuvres sont justes. »
Chers amis,
Le prêtre Jacques Hamel n’a plus à craindre Dieu.
Il se présente à lui avec ses œuvres justes. Bien sûr, nous ne sommes pas juges
du cœur de notre frère. Mais tant de témoignages ne peuvent tromper! Le père
Jacques Hamel avait un cœur simple. Il était le même en famille, avec ses frère
et sœurs, avec ses neveux et nièces, au milieu de sa ville avec ses voisins,
dans sa communauté chrétienne avec les fidèles.
58 ans de sacerdoce!
Cinquante-huit ans au service de Jésus comme prêtre, c’est-à-dire serviteur de
sa Parole, de son eucharistie, … de son eucharistie, et de sa charité. Je me
sens tout petit. De Jésus, saint Pierre dit que «Là où il passait, il faisait
le bien». Jacques, tu as été un fidèle disciple de Jésus. Là où tu es passé, tu
as fait le bien.
À Pâques dernier, Jacques,
tu écrivais pour tes paroissiens: «Christ est ressuscité, c’est un mystère,
comme un secret, une confidence que Dieu nous donne à partager». Peut-être
ce mystère, ce secret, cette confidence au sujet du Christ ressuscité,
trouve-t-elle sa racine dans l’expérience de la mort côtoyée en Algérie dont ta
famille nous rappelle le souvenir. Peut-être ce mystère, ce secret, cette
confidence est-elle en train de gagner des cœurs dans notre assemblée: oui,
Christ est ressuscité. La mort n’a pas le dernier mot.
Pour
toi, Jacques, la résurrection de Jésus n’est pas une leçon de catéchisme, c’est
une réalité, une réalité pour notre cœur, pour le secret du cœur, une réalité
en même temps, à partager aux autres, comme une confidence. Et Dieu sait si, devant la réalité de ta mort
aussi brutale qu’injuste et horrible, il faut puiser dans le fond de nos cœurs
pour trouver la lumière.
Frères et sœurs, soyons
vrais avec nous-mêmes. Vous connaissez l’histoire de Jésus qu’aucun historien
ne peut qualifier de fable. Pierre dit l’essentiel: Jésus de Nazareth, homme
juste et bon, «guérissait ceux qui étaient sous le pouvoir du diable, car Dieu
était avec lui… puis Celui qu’ils ont supprimé en le suspendant au bois du
supplice, Dieu l’a ressuscité le
troisième jour. Il lui a donné de se manifester…»
Frères et sœurs, soyons
simples et vrais avec nous-mêmes. C’est dans notre cœur, dans le secret de
notre cœur que nous avons à dire «oui» ou «non» à Jésus, «oui» ou «non» à son
chemin de vérité et de paix; «oui» ou «non» à la victoire de l’amour sur la
haine, «oui» ou « non » à sa résurrection.
La mort de Jacques Hamel
me convoque à un oui franc, non pas, non plus un oui tiède. Un «oui»
pour la vie, comme le «oui» de Jacques à
son ordination. Est-ce possible? A
chacun de répondre. Dieu ne nous force pas… Dieu est patient… Dieu est
miséricordieux. Même quand, moi Dominique, j’ai dit non à l’amour… même quand
j’ai dit à Dieu, «je verrai plus tard», même quand je l’ai oublié, Dieu
m’attend car il est infini miséricorde. Mais aujourd’hui, le monde peut-il
attendre encore la chaîne de l’amour qui remplacera la chaîne de la haine?
Faudra-t-il d’autres
tueries pour nous convertir à l’amour, et à la justice qui construit l’amour?
La justice et l’amour entre les personnes et les peuples, de quelque côté de la
méditerranée ils se situent. Trop de morts au Moyen Orient, trop de morts en
Afrique, trop de morts en Amérique! Trop de morts violentes, cela suffit!
Le mal est un
mystère. Il atteint des sommets
d’horreur qui nous font sortir de l’humain. N’est-ce pas ce que tu as voulu
dire, Jacques, par tes derniers mots? Tombé à terre à la suite de premiers
coups de couteau, tu essaie de repousser ton assaillant avec tes pieds, et tu
dis: «Va-t’en, Satan»; tu répètes: «Va-t’en, Satan». Tu exprimais alors ta foi
en l’homme créé bon, que le diable agrippe. «Jésus guérissait tous ceux qui
étaient sous le pouvoir du diable», dit l’Évangile.
Il ne s’agit pas
d’excuser les assassins, ceux qui pactisent avec le diable, il s’agit
d’affirmer avec Jésus que tout homme, toute femme, toute personne humaine peut
changer son cœur avec sa grâce. Nous
recevons ainsi la parole de Jésus qui peut sembler au-delà de nos forces
aujourd’hui: «Eh bien ! moi, je vous le dis : Aimez vos ennemis, et priez pour
ceux qui vous persécutent».
Vous que la violence
diabolique tourmente, vous que la folie meurtrière démoniaque entraîne à tuer,
laissez votre cœur, que Dieu a façonné pour l’amour, prendre le dessus;
souvenons-nous de notre maman qui nous a donné la vie; priez Dieu de vous
libérer de l’emprise du démon. Nous prions pour vous, nous prions Jésus «qui
guérissait ceux qui étaient sous le pouvoir du mal».
Roselyne, Chantal,
Gérald et vos familles, le chemin est dur. Permettez que je vous dise mon
admiration et celle de beaucoup d’anonymes pour votre dignité. Votre frère,
votre oncle était un appui. Il continue de l’être. Il ne m’appartient pas de
déclarer «martyr» le père Jacques. Mais comment ne pas reconnaître la fécondité
du sacrifice qu’il a vécu, en union avec le sacrifice de Jésus qu’il célébrait
fidèlement dans l’Eucharistie? Les
paroles et les gestes nombreux de nos amis musulmans, leur visite sont un pas
considérable.
Je me tourne aussi
vers vous, communauté catholique. Nous
sommes blessés, atterrés mais pas anéantis. Je me tourne vers vous les baptisés
de notre Église catholique, surtout si vous ne venez pas souvent à l’église, si
vous en avez oublié le chemin. Avec Mgr Georges Pontier, président de la
Conférence des évêques de France, à mes côtés, je vous lance un appel aussi
simple, comme un premier pas, aussi simple que la vie du père Jacques Hamel:
En hommage au père
Hamel, nous vous invitons à visiter une église dans les jours qui viennent,
pour dire
votre refus de voir souiller un lieu saint,
pour affirmer que la violence ne prendra pas le
dessus dans votre cœur,
pour en demander la grâce à Dieu;
nous vous invitons à déposer une bougie dans cette
église, signe de résurrection, à vous y recueillir, à ouvrir votre cœur dans ce
qu’il a de plus profond; si vous le pouvez à prier, à supplier.
Le 15 août
serait un jour propice. La Vierge
Marie vous y accueillera avec tendresse. Souvenons-nous de notre maman.
Dieu, ne reste pas
insensible à la détresse de tes enfants qui se tournent vers toi!
Dieu, poursuis dans nos
cœurs ce que ton Fils Jésus a commencé!
Dieu, merci pour ton fils
Jacques: console sa famille et fais lever parmi nous, parmi les jeunes des JMJ,
de nouveaux prophètes de ton amour! Amen!
+
Dominique Lebrun
Archevêque de Rouen