Jesus, Maria.
Jam dudum
michi Johanne puelle rumor ipse famaque pertulit quod, ex veris christianis
heretici et sarraceni[s] similes facti, veram religionem atque cultum
sustulistis, assumpsistisque superstitionem fedam ac nefariam, quam dum tueri
et augere studetis, nulla est turpitudo neque crudelitas quam non audeatis:
sacramenta ecclesie labefactatis, articulos fidei laniatis, templa diruitis,
simulacra, que memorie causa sunt confecta, perfringitis ac succenditis,
Kristianos quod vestram teneant fidem trucidatis. Quis hic vester furor
est, aut que vos insania et rabies agitat? Quam Deus omnipotens, quam Filius,
quam Spiritus Sanctus excitavit, instituit, extulit et mille modis, mille
miraculis illustravit, eam vos fidem persequimini, eam evertere, eam exterminare
cogitatis. Vos vos cæci estis et non qui visu et oculis carent. Numquid
creditis impunes abituros, aut ignoratis ideo Deum non impedire vestros
nefarios conatus permittereque in tenebris vos et errore versari, ut quanto
magis in scelere eritis et sacrilegiis debachati, tanto majorem vobis penam
atque supplicia paret? Ego vero, ut quod verum est fateor, nisi in bellis
Anglicis essem occupata, jam pridem visitatum vos venyssem: verumtamen nisi
emendatos vos intelligam, dimittam forte Anglicos adversusque vos proficiscar,
ut ferro, si alio modo non possum, hanc vanam vestram et obscenam
superstitionem exterminem, vosque vel heresi privem vel vita. Sed si ad
katholicam fidem et pristinam lucem reddire mavultis, vestros ad me
ambasiatores mittatis, ipsis dicam quid illud sit quod facere vos oporteat; sin
autem minime, et obstinate vultis contra stimulum calcitrare, mementote que
dampna sitis et facinora perpetrati, meque expectetis summis cum viribus
humanis et divinis, parem omnibus vicem relaturam.
Datum Suliaci XXIIIa Martii Bohemis
hereti(ci)s.
Pasquerel.
Jésus, Marie
Depuis
longtemps le bruit, la renommée m’est parvenue que, de vrais chrétiens que vous
étiez, devenus hérétiques, et pareils aux Sarrazins, vous avez aboli la vraie
religion et le culte, que vous avez adopté une superstition infecte et funeste,
et que, dans votre zèle à la soutenir et à l’étendre, il n’est honte ni cruauté
que vous n’osiez. Vous souillez les sacrements de l’Église, vous lacérez les
articles de la foi, vous renversez les temples ; ces images qui furent faites
pour de saintes commémorations, vous les brisez et les jetez au feu ; enfin,
les chrétiens qui n’embrassent pas votre foi, vous les massacrez. Quelle fureur
ou quelle folie, quelle rage vous agite ? Cette foi que le Dieu tout puissant,
que le Fils, que le Saint-Esprit suscitèrent, instituèrent, exaltèrent, et que
de mille manières, par mille miracles, ils illustrèrent, vous la persécutez,
vous vous efforcez de la renverser et de l’exterminer. C’est vous, vous, qui
êtes les aveugles et non ceux à qui manquent la vue et les yeux. Croyez-vous
rester impunis ? Ignorez-vous que, si Dieu n’empêche pas vos violences impies,
s’il souffre que vous soyez plongés plus longtemps dans les ténèbres et
l’erreur, c’est qu’il vous prépare une peine et des supplices plus grands ?
Quant à moi, pour vous dire la vérité, si je n’étais occupée aux guerres
anglaises, je serais déjà allée vous trouver. Drais vraiment, si je n’apprends
que vous vous êtes amendés, je quitterai peut-être les Anglais et je vous
courrai sus, afin que j’extermine par le fer, si je ne le puis autrement, votre
vaine et fougueuse superstition et que je vous ôte ou l’hérésie ou la vie.
Toutefois, si vous préférez revenir à la foi catholique et à la primitive
lumière, envoyez-moi vos ambassadeurs, je leur dirai ce que vous avez à faire.
Si, au contraire, vous vous obstinez et voulez regimber sous l’éperon,
souvenez-vous de tout ce que vous avez perpétré de forfaits et de crimes et
attendez-vous à me voir venir avec toutes les forces divines et humaines pour
vous rendre tout le mal que vous avez fait à autrui.
Donné à Sully, le 23 de mars, aux Bohêmes
hérétiques.
Pasquerel.
(Anatole
France: Vie de Jeanne d'Arc)