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Thursday, 11 December 2025

Thursday's Serial: “Journal Spirituel” by Sœur Marie de Saint-Pierre (in French) - VI.

9

LA MISSION DE SŒUR SAINT-PIERRE

    LETTRE DU 3 NOVEMBRE 1843

C’est la Communauté…

« Vendredi 3 novembre — premier vendredi du mois —, j’eût le bonheur de faire la sainte Communion pour l’accomplissement des desseins du Sacré-Cœur de Jésus, selon le voeu que notre Révérende Mère a fait pour un an: que chaque vendredi, deux religieuses communieraient à cette intention.

Aussitôt que l’on exposa le Saint-Sacrement, Notre-Seigneur recueillit les puissances de mon âme dans son divin Cœur et me fit entendre qu’Il désirait que la dévotion de la réparation soit imprimée, répandue et que ce soit la Communauté qui lui rende ce service, puisqu’elle désirait l’accomplissement des desseins de son Cœur et priait pour cela ; qu’il était juste qu’elle eût l’honneur de donner naissance à cette dévotion. Alors, il se passa en moi quelque chose de bien extraordinaire. Mon âme était dans le Cœur de Jésus comme dans une fournaise embrasée; il me semblait qu’elle eût pour quelques instants quitté son misérable corps afin de se réunir à Dieu; elle se trouvait délicieusement perdue, anéantie en lui; elle sentait vivement qu’il était son principe et sa bienheureuse fin. Je ne pouvais plus agir; je disais seulement intérieurement :

— Mon Dieu, que vos opérations sont admirables! Vous n’êtes point un Dieu si caché!

J’aurais ajouté volontiers :

— Seigneur, qu’il fait bon ici! dressons-y trois tentes pour y tenir captives les trois puissances de mon âme.

Voilà ce que j’ai éprouvé pendant la messe; ayant eu le bonheur de recevoir la sainte Communion, j’ai pris la liberté de dire :

— Maintenant, mon Seigneur, que me voilà plus proche de vous, si vous vouliez bien me répéter ce que vous m’avez dit au commencement du sainte sacrifice ?

Mais j’ai senti qu’il ne le voulait pas en ce moment; alors je me suis unie à ce qu’il opérait en moi par cet anéantissement dont j’ai parlé. Il a semblé me déclarer, après quelques instants, qu’il avait gardé le silence pour m’avertir qu’il n’était pas en mon pouvoir d’entendre cette parole intérieure quand je voulais. Après cette petite leçon, il a continué :

— Ma fille, vous m’avez plus offensé, vous avez plus blessé mon cœur que toutes vos sœurs ensemble, en mettant obstacle à mes desseins sur votre âme ; maintenant tâchez de les surpasser toutes en amour et en zèle pour les intérêts de ma gloire. Ce n’est pas pour vous troubler que je vous découvre vos péchés; ayez confiance, je les oublierai tous. Voici deux raisons pour lesquelles je veux me servir de vous : d’abord, parce que vous êtes la plus misérable ; ensuite, parce que vous vous êtes offerte à moi pour accomplir mes desseins ; cette offrande a gagné mon Cœur. Soyez humble et simple ; faites connaître vos misères, cela même servira à ma gloire.

Il me fit entendre aussi qu’il voulait me sanctifier, et que la réparation des blasphèmes serait imprimée et répandue. Jusqu’alors il m’avait dit de demander à mes Supérieurs l’impression de ces prières; mais dans ce moment, il voulut bien me donner l’assurance que j’aurais la consolation de voir son désir accompli.

Voilà à peu près ce qui s’est passé: cette communication a produit en moi un profond sentiment d’anéantissement et de mépris pour moi-même.» [1]

 

PEU APRÈS, LA MISSION DU CARMEL…

« Le divin Maître m’a dit de vous demander si vous voulez bien lui arracher la glaive des mains: car les épouses ont tout pouvoir sur le cœur de l’Époux. Il veut que vous fassiez faire à la communauté une neuvaine de réparations pour les blasphèmes. S’il choisit cet asile pour exhaler ses soupirs, c’est afin de recevoir de vous des consolations. Il me semblait lire dans son Cœur qu’il avait grand désir de cette œuvre, afin d’accorder miséricorde.

Notre-Seigneur désire que ce soit la communauté qui couvre les frais de cette impression, pour la combler ensuite de plus grandes bénédictions et le lui rendre au centuple. Je ne peux porter davantage ce lourd fardeau. Je le dépose avec confiance entre vos bras, ma Révérende Mère, et je vous prie bien humblement d’examiner cette affaire devant Dieu; car je crois qu’il veut que vous lui rendiez ce service. Pour moi, voilà ma commission faite et mon âme déchargée.» [2]

 

CONSEILS À SŒUR SAINT-PIERRE…

« Notre Révérende Mère ayant aperçu en moi un trop grand empressement et de trop vifs désirs pour propager la réparation dur au saint Nom de Dieu, et m’ayant fait voir comme j’étais orgueilleuse de demander qu’on imprimât et qu’on répandit les prières propres à cette œuvre, tandis qu’il y avait tant de belles prières composées par les saints Pères, me défendit de m’en occuper davantage et elle eut la bonté de m’imposer une pénitence pour l’expiation de mes péchés. Pendant cette très charitable correction et une seconde que je dus encore recevoir au chapitre, je ne sais, grâce à Dieu qui a eu pitié de sa petite commissionnaire, ce qu’était devenue ma méchante nature, qui est si orgueilleuse, car tous les compliments du monde ne sauraient me procurer la joie intérieure que j’éprouvais. J’ai tâché d’entrer dans les sentiments que la charité de notre bonne Mère me proposait. Je me suis humiliée devant Notre-Seigneur; je lui ai fait le sacrifice de ne plus solliciter l’établissement de cette dévotion et de ne plus m’en occuper, afin d’être bien obéissante.

Notre-Seigneur m’attirait toujours à compatir aux douleurs de son Cœur: car si ce divin Maître était capable d’éprouver des amertumes, il serait triste jusqu’à la mort en voyant que les hommes, loin de s’unir à lui pour suppléer à leur impuissance, et ainsi aimer et glorifier son Père céleste, blasphèment continuellement son saint Nom et s’unissent à Lucifer et aux réprouvés. Combien, au contraire, Notre-Seigneur serait satisfait si quelques enfants fidèles et reconnaissants se joignaient à lui dans le Sacrement de l’autel et aux saints Anges, pour aimer et bénir le Nom de ce Père qu’il aime si tendrement ! C’est dans ces sentiments que je faisais au saint Nom de Dieu mes petites dévotions particulières, m’unissant toujours au Cœur de Jésus, aux anges et aux saints, trouvant en cette compagnie un riche supplément à mon indignité. Je les dépose ensuite dans le Sacré-Cœur par les mains de Marie et de Joseph, priant notre adorable Sauveur de les multiplier par millions, avec la même puissance qui lui fit multiplier les pains dans le désert.

 

UNE COURONNE ET UN CHAPELET…

Dans le même but, Notre-Seigneur m’a inspiré une couronne ou chapelet composée de prières de réparation. Un jour, pendant la sainte messe, ce divin Maître m’a recueillie dans son Cœur, et il m’a semblé le voir me présenter ce chapelet qui me paraissait être d’or fin et enrichi de pierres précieuses. Mais, me trouvant bien indigne de posséder un si grand trésor et craignant d’être assaillie par les voleurs, c’est-à-dire par le démon et ses suppôts, j’ai prié la très sainte Vierge de vouloir bien me garder ce beau chapelet dans son aimable Cœur, et j’ai prié le Sauveur de lui appliquer des indulgences. Je crois que cette couronne est très agréable à Notre-Seigneur et très peu du goût de Satan. Je n’ajoute pas foi aux songes, mais depuis que je m’applique à la dévotion du saint Nom de Dieu et que je prie pour la conversion des blasphémateurs, voilà deux fois que je vois en rêve les démons sous la figure d’animaux furieux prêts à me dévorer: je ne me sauve de leurs dents que par l’invocation de Notre-Seigneur et de la très sainte Vierge. Peut-être quelque proie leur est-elle échappée par cette neuvaine de réparation qu’on a faite en la communauté. Un jour, à l’oraison, le bon Maître m’avertit de la rage de Satan au sujet de cette dévotion, et en même temps il me fit entendre ces paroles:

— Je vous donne mon Nom, pour être votre lumière dans vos ténèbres et votre force dans vos combats. Satan fera tous ses efforts pour étouffer cette œuvre dès sa naissance ; mais le très saint Nom de Dieu triomphera, et les saints Anges gagneront la victoire.

[Pour l’avenir de l’Œuvre] « je fis une petite lettre que je remis entre les mains de la sainte Vierge; [3] depuis ce temps, mon âme est demeurée calme, et j’ai tâché d’être bien obéissance à notre Révérende Mère. »

 

Couronne à la gloire du saint Nom de Dieu pour la réparation des blasphèmes

             A la place du Credo, on dira :

          Nous vous adorons, ô Jésus, et nous vous bénissons, parce que vous avez rachetez le monde par votre sainte Croix.

             Sur les trois petits grains de la Croix, on dira :

          Que le très saint Nom de Dieu soit glorifié par la très sainte âme du Verbe incarné.

          Que le très saint Nom de Dieu soit glorifié par le Sacré-Cœur du Verbe incarné.

          Que le très adorable Nom de Dieu soit glorifié par toutes les plaies du Verbe incarné.

             Sur les cinq gros grains, on dira :

          Nous vous invoquons, ô Nom sacré du Dieu vivant, par la bouche de Jésus au très Saint-Sacrement, et nous vous offrons, ô mon Dieu, par les mains bénies de la divine Marie, toutes les saintes hosties qui sont sur nos autels, en sacrifice d’amende honorable et de réparation pour tous les blasphèmes qui outragent votre saint Nom.

             Sur chaque petit grain, on dira :

          1 Je vous salue, ô Nom sacré du Dieu vivant, par le Cœur de Jésus au très Saint-Sacrement.

          2 Je vous révère, ô Nom sacré du Dieu vivant, par le Cœur de Jésus au très Saint-Sacrement.

          3 Je vous adore, ô Nom sacré du Dieu vivant, par le Cœur de Jésus au très Saint-Sacrement.

          4 Je vous glorifie, ô Nom sacré du Dieu vivant, par le Cœur de Jésus au très Saint-Sacrement.

          5 Je vous loue, ô Nom sacré du Dieu vivant, par le Cœur de Jésus au très Saint-Sacrement.

          6 Je vous admire, ô Nom sacré du Dieu vivant, par le Cœur de Jésus au très Saint-Sacrement.

          7 Je vous célèbre, ô Nom sacré du Dieu vivant, par le Cœur de Jésus au très Saint-Sacrement.

          8 Je vous exalte, ô Nom sacré du Dieu vivant, par le Cœur de Jésus au très Saint-Sacrement.

          9 Je vous aime, ô Nom sacré du Dieu vivant, par le Cœur de Jésus au très Saint-Sacrement.

          10 Je vous bénis, ô Nom sacré du Dieu vivant, par le Cœur de Jésus au très Saint-Sacrement.

PRIÈRE: Nous vous invoquons, ô Nom sacré du Dieu vivant, par la bouche de Jésus au très Saint-Sacrement, et nous vous offrons, ô mon Dieu, par les mains bénies de la divine Marie, toutes les saintes hosties qui sont sur les autels, en sacrifice d’amende honorable et de réparation pour tous les blasphèmes qui outragent votre saint Nom. »

 

Demande d’acte d’entier abandon

[Notre-Seigneur], «Il souhaitait, et me demandait cette donation de moi-même. Il me la demanda pour la première fois quelques jours après mon entrée en religion. Ses desseins alors m’étaient inconnus, mais ils commencèrent à se manifester à mon âme par la communication qui m’a été faite sur l’œuvre de la réparation du blasphème, et je me sens pressée intérieurement de faire à Dieu la sacrifice de toute ma personne et de tous les mérites que je puis acquérir en la sainte maison où j’ai le bonheur d’habiter.»

 

[1] Document B; lettre IV, page 19, du 3 novembre 1843. Cité par l’abbé Janvier, pages 141-142. “Vie de la Sœur Saint-Pierre”. Carmel de Tours: 1884. Et par Louis van den Bossche: “Le Message de Sœur Marie de Saint-Pierre”. Carmel de Tours: 1954.

[2] Document B, page 16.

[3] Entre les mains de la statue de Notre-Dame de Prompt-Secours, qui était à l’intérieur du cloître, et qui était très vénérée par les religieuses du monastère. Voir historique de cette statue: “Vie de la Sœur Saint-Pierre”, par l’abbé Janvier, page 146 et suivantes.

 

 

10

L’ASSOCIATION...

    LETTRE DU 24 NOVEMBRE 1843

 

L’Univers couvert de crimes

«Le 24 novembre, fête de notre père saint Jean de la Croix, Notre-Seigneur s’est communiqué à mon âme, malgré mon extrême indignité, et Il m’a fait connaître plus clairement quels étaient ses desseins au sujet de l’œuvre de la Réparation des blasphèmes du saint Nom de Dieu. Je vais donc dire à peu près ce qui s’est passé dans mon âme.

Pendant toute la messe, j’ai été occupée par Notre-Seigneur à voir comme l’univers est coupable. J’ai entendu la sainte messe et fait la sainte communion en réparation des outrages faits à Dieu: ce qui est ma pratique habituelle depuis que Notre-Seigneur m’applique à réparer les blasphèmes du saint Nom de Dieu, son Père. J’éprouve une grande consolation de penser que par la sainte communion, Notre-Seigneur vient en mon âme faire Lui-même cette réparation, qui ne peut être dignement faite que par son divin Cœur; aussi, quand je Le reçois, je commence par me donner à Lui, m’anéantissant dans son Cœur, ensuite, je Le laisse faire dans mon âme l’office de médiateur entre Dieu et les hommes. Mais, à cette communion du jour de la fête de notre père saint Jean de la Croix, aussitôt que Notre-Seigneur fut entré dans mon âme, il s’empara de mes puissances et me fit entendre ces paroles:

Jusqu’à présent, je ne vous ai montré que peu à peu les desseins de mon Cœur ; mais aujourd’hui je veux vous les montrer tout entiers. L’univers est couvert de crimes ! L’infraction des trois premiers commandements de Dieu a irrité mon Père. Le saint Nom de Dieu blasphémé et le saint Jour du Dimanche profané mettent le comble à la mesure d’iniquités. Ces péchés sont montés jusqu’au trône de Dieu et provoquent sa colère, qui se répandra si on n’apaise sa justice. Dans aucun temps ces crimes n’ont monté si haut. Je désire, mais d’un vif désir, qu’il se forme une Association bien approuvée et bien organisée pour honorer le Nom de mon Père. Votre supérieure a raison de ne vouloir rien faire qui ne soit solide en cette dévotion, car autrement, mon dessein ne serait pas rempli.

 

L’EXAMEN DES SUPÉRIEURS

Voilà à peu près la commission dont voulais me chargé Notre-Seigneur auprès de mes supérieurs; mais j’éprouvais de la répugnance à l’accepter, n’ayant jamais entendu dire qu’il y eût dans l’Église d’association pour cette fin dont me parlait Notre-Seigneur. Alors j’ai dit:

— Ah ! mon Dieu, si j’étais bien sûre que ce fût Vous qui me parliez, je n’aurais pas de peine à dire ces choses à mes supérieurs.

Il me répondit :

— Ce n’est pas à vous de faire cet examen, mais à eux. Je me suis déjà assez communiqué à votre âme pour me faire connaître; ne vous ai-je pas donné tout ce que je vous ai promis, lorsque je me suis fait entendre à votre âme de la même manière que je le fais maintenant ? Prenez bien garde: car si, manquant de simplicité, vous mettiez obstacle à mon dessein, vous seriez responsable du salut de ces âmes ; si, au contraire, vous êtes fidèle, elles embelliront votre couronne.

Notre-Seigneur me faisait ainsi entendre qu’Il voulait, par cette œuvre de réparation, faire miséricorde à des pécheurs. Il me semble qu’en finissant, Il me dit à peu près ces paroles :

— Eh ! à qui m’adresserai-je, si ce n’est à une carmélite, qui par état doit sans cesse glorifier mon Nom ?

Voilà, ma Révérende Mère, quoique imparfaitement, ce que je crois que Notre-Seigneur me fit entendre, car mon âme était toute perdue en Dieu et saisie d’une grande frayeur. Notre-Seigneur me mettait en même temps dans l’esprit ce qui fut dit à Abraham: que s’il trouvait dis justes dans les villes coupables, elles seraient épargnées; et il me semblait qu’en faveur des âmes qui se seraient appliquées à la réparation des blasphèmes et des mépris faits contre la majesté de Dieu, Il aurait apaisé sa justice et fait grâce aux coupables. Voilà l’essence et le fond de tout ce que Notre-Seigneur me fit entendre au sujet de l’Œuvre. Je déclare bien humblement et bien véritablement, ma Révérende Mère, qu’avec la grâce de Dieu, je vous ai parlé dans la plus grande simplicité de mon âme. Voilà que je vous ai fait toutes les commissions de Notre-Seigneur, comme sa petite domestique; je laisse toutes ces choses à votre bon jugement et à la sagesse de Monsieur le Supérieur. Pour moi, voilà ma petite mission remplie près de vous; le Saint-Esprit, qui éclaire les Supérieurs, vous fera connaître si c’est Lui que m’a dicté ce que j’ai écrit. Je n’ai aucune attache à ces choses. Je n’y ajoute foi qu’autant que mes Supérieurs l’approuveront. Maintenant, je vais me tenir tranquille, glorifiant le saint Nom de Dieu en union avec le Saint Enfant-Jésus». [1]

 

[1] Lettre du 24 novembre 1843.

Thursday, 4 December 2025

Thursday's Serial: “Journal Spirituel” by Sœur Marie de Saint-Pierre (in French) - V.

 

7

REVIENS À LA MAISON DE TON PÈRE...

RELATION D’AVRIL 1843

Déclaration

“Avant de commencer cette relation, je déclare dans la vérité et la simplicité de mon âme qu’il n’y a que la gloire de Dieu seul et l’accomplissement de sa très sainte Volonté qui me pressent de faire connaître ce que je crois que Notre-Seigneur m’a communiqué dans sa miséricorde par rapport à l’Œuvre de la Réparation des Blasphèmes. Je prendrai copie des lettres que j’ai adressées à notre très Révérende Mère prieure, en y ajoutant ce qui sera nécessaire pour me faire mieux comprendre, avec les remarques que j’ai faites de vive voix ou dont je me suis souvenue depuis.

Je déclare que le motif qui me porte à ces corrections est que j’écris ordinairement à la hâte, à cause des occupations de mon office de portière, me bornant à exposer le plus brièvement possible ce que Notre-Seigneur a opéré en moi.

La Révérende Mère elle-même, vu ses nombreuses occupations, n’a pas toujours le temps suffisant pour que je lui rende un compte détaillé au moment même où je reçois ces lumières. Mais, comme il m’arrive de souffrir beaucoup jusqu’à ce que j’aie exposé à ma supérieure ce qui s’est passé, j’ai pris la résolution d’en prendre note, et je me sens soulagée aussitôt que je l’ai remise.

Après ce petit préambule, je vais écrire tout simplement sous l’étoile de l’obéissance; je vais donc parler dans la simplicité de mon âme, ayant peu de capacité, et des difficultés à exprimer certaines choses que j’ai vues, ou entendues, ou comprises...

Je déclare encore que, s’il ne fallait qu’un léger mensonge pour obtenir l’établissement de cette œuvre, assurément, je ne consentirais jamais à le faire, car Dieu est vérité: j’ai la ferme confiance qu’il défendra Lui-même sa cause, car Il me l’a promis...» [1]

«Je vous obéi, ma Mère, et je priai Notre-Seigneur de votre part de me pardonner. J’avais alors l’âme extrêmement agitée; l’oraison m’était difficile, mon imagination était comme un coursier fougueux que je ne pouvais retenir; mais Notre-Seigneur, dans sa bonté, entendit ma prière dictée par l’obéissance. Je ne sais si c’est le lendemain, à mon réveil, j’entendis une voix intérieure qui me dit:

— Reviens à la maison de ton Père, qui n’est autre que mon Cœur.

Ces paroles ont de suite mis mon âme dans un grand calme. M’étant rendue à l’oraison, je me suis unie à Notre-Seigneur au très Saint-Sacrement et je crus entendre qu’Il me disait ces paroles:

— Appliquez-vous à honorer mon Cœur et celui de ma Mère, ne les séparez point; priez-les pour vous et pour les pécheurs; alors j’oublierai vos ingratitudes passées et je vous ferai plus de grâces qu’autrefois parce que vous m’êtes plus unie par vos vœux. [2]

— C’est moi, [3] Jésus, présent au Saint-Sacrement, qui vous parle. J’ai plusieurs manières de me communiquer aux âmes: ne voyez-vous pas comme la votre est calme et attachée à moi, tandis que ces jours derniers elle était comme une vagabonde ? Commencez à faire ce que je vous dis, et vous en verrez bientôt les effets.» [4]

Ensuite, il me fit comprendre qu’il ne fallait point m’attacher à une dévotion sensible, me donnant lumière pour voir comme on s’attachait aux douceurs intérieures, croyant s’attacher à lui. Alors, selon sa recommandation, je me suis appliquée à honorer ces aimables Cœurs intérieurement et même extérieurement, en brodant des scapulaires où ils étaient représentés, et je le priai de sauver ceux qui les auraient portés. Puis j’ajoutai:

— Je ne souhaite point ces grâces sensibles. Pourvu que vous soyez bien glorifié et que beaucoup d’âmes soient sauvées, voilà tout ce que je désire.

A cette intention, j’ai offert ma volonté au Père, ma mémoire au Fils, et mon entendement au Saint-Esprit. Je me suis aussi toute livrée aux mains de Dieu, et j’ai senti qu’il s’appliquait à mon âme pour la purifier par la souffrance intérieure. Alors j’ai été plongée dans l’amertume, perdue dans les ténèbres, et attaquée par les tentations. Mais ce qui me faisait le plus souffrir, c’était le désir d’aimer et de glorifier le Seigneur; mon âme endurait une faim de Dieu, et il me semblait que tout ce que je faisais n’était rien, ne sentant en moi qu’incapacité, péché et misère.

J’eus envie d’avoir un livre qui m’aurait soulagée, et je le demandai à notre Révérende Mère; elle me le refusa, malgré sa bonté ordinaire, me disant:

— Ma fille, il ne faut pas sacrifier à Dieu seulement une chose; c’est le tout que vous devez immoler. »

“Une autre fois, étant plus souffrante encore, je voulus lui ouvrir mon âme; mais le bon Dieu lui inspira d’agir de concert avec lui pour me faire marcher dans ce chemin de mort; elle, toujours si compatissante, ne me permit pas cette fois d’épancher mon cœur dans le sien, et me défendit de parler de mes peines à mon confesseur avant quinze jours. Par la grâce de Dieu, je me soumis de bon cœur à cette épreuve.

Le démon du blasphème ne me faisait pas le moins souffrir, mais je me tenais fortement attachée à la Croix pendant la tempête, n’osant pas dire à Dieu:

— Rendez-moi la joie de votre assistance salutaire.

J’offrais mes souffrances à Notre-Seigneur pour le salut des âmes et l’accomplissement de ses desseins. Je lui dis un jour:

— Mon Dieu, vous voyez que je connais bien à présent mon néant et ma misère!

Voulant dire:

— C’est assez, mon Dieu ! Je saurai maintenant discerner vos dons, et je ne pourrai me les attribuer ; je le vois clairement, je ne suis que pauvreté et impuissance. »

 

[1] Document B; page 1 et 2.

[2] Relation du mois d’Avril 1843.

[3] Sœur Saint-Pierre avait un doute sur l’origine de la communication.

[4] Document B; page 4.

 

 

8

LE GRAND ORAGE – LA “FLÈCHE D’OR”

 

    Lettre du 26 août 1843

“Mon Nom est partout blasphémé”

 

“Le 26 du mois d’août, il y eut un terrible orage; je n’ai jamais senti la justice d’un Dieu irrité comme dans ce moment-là; aussi, prosternée, j’offrais sans cesse Notre-Seigneur Jésus-Christ à son Père pour l’expiation de mes péchés et pour les besoins de la sainte Église. Une de mes sœurs éprouva la même chose, et il n’est pas inutile que je dise ceci qui fut comme la première impression de ce que je vais dire.

Le soir de ce même orage, à l’oraison, je me suis mise au pied de la croix et je m’approchai de Notre-Seigneur pour Lui demander le sujet de son courroux et lui parler un peu de cet orage; alors Il changea sa conduite d’épreuves envers moi et Il dit à peu près ces paroles :

— J’ai entendu vos soupirs et vos gémissements, j’ai vu le désir que vous avez de me glorifier; désir ne vient pas de vous, c’est moi qui l’ai fait naître dans votre âme.

Alors il m’a ouvert son Cœur, y a recueilli les puissances de mon âme et m’a adressé ces paroles :

— Mon Nom est partout blasphémé ; même les enfants blasphèment !

Alors, Il m’a fait entendre combien cet affreux péché blessait douloureusement et plus que tous les autres son divin Cœur plus que les autres.

— Par le blasphème, le pécheur le maudit en face, l’attaque ouvertement, anéanti la Rédemption, et prononce lui-même sa condamnation et son jugement.

Il me fit envisager le blasphème comme une flèche empoisonnée, qui blessait continuellement son divin Cœur: alors Il me fit entendre qu’Il voulait me donner une “flèche d’or” pour le blesser délicieusement, ou pour cicatriser les blessures de la malice que lui font les pécheurs.

Voici la formule de louange que Notre-Seigneur, malgré ma grande indignité, me dicta pour la réparation des blasphèmes contre son saint Nom et qu’Il me donna comme une flèche d’or, m’assurant qu’à chaque fois que je la dirai, je blesserai son Cœur d’une blessure d’amour :

“Qu’à jamais soit loué, béni, aimé, adoré, glorifié le très saint, très sacré, très adorable, très inconnu, très inexprimable Nom de Dieu, au ciel, sur la terre et dans les enfers, par toutes les créatures sorties des mains de Dieu et par le Sacré-Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ au très Saint-Sacrement de l’autel. Ainsi soit-il.” [1]

Comme je sentais en mon âme un certain étonnement de ce que Notre-Seigneur ma disait “dans les enfers”, Il eut la bonté de me faire comprendre que sa justice y était glorifiée. Je prie d’ailleurs, de remarquer qu’il ne m’a pas dit dans l’enfer, mais dans les enfers: ce qui peut s’entendre du purgatoire, où il est aimé et glorifié par les âmes souffrantes. Le mot enfer ne s’applique pas seulement au lieu où sont les réprouvés; la foi nous enseigne que le Sauveur, après sa mort, descendit dans les enfers, où étaient les âmes des justes, et la sainte Église ne prie-t-elle pas son divin Époux d’arracher les âmes de ses enfants aux portes de l’enfer: A porta inferi erue, Domine, animas eorum ? [2]

Mais revenons à notre sujet. Notre-Seigneur m’ayant donné cette flèche, ajouta :

— Faites attention à cette faveur, car je vous en demanderai compte.

A ce moment il me sembla voir sortir du Sacré-Cœur de Jésus, blessé par cette flèche d’or, des torrents de grâces pour la conversion des pécheurs, ce qui me donna la confiance de dire:

— Mon Seigneur, me chargez-vous donc des blasphémateurs ?

          Mais Notre-Seigneur ne me répondit rien. Moi, sentant ma faiblesse et craignant le démon, j’ai prié la sainte Vierge de vouloir bien me garder ce que son divin Fils venait de me confier, et j’ai pensé que Dieu était irrité à cause des blasphèmes dont la ville était coupable.

Depuis cette communication, j’ai senti mon âme toute changée; elle a été toute occupée à glorifier le très saint Nom de Dieu. Notre-Seigneur m’a inspiré un petit exercice de réparation joint à cette louange de la Flèche d’Or, pour réparer, par vingt-quatre adorations, les blasphèmes qui sont proférés à chaque heure du jour; Notre-Seigneur a eu la bonté de me faire connaître que cet exercice lui était agréable, mais Il désire que cette dévotion se répande. Ce divin Sauveur m’a fait participer au désir qu’Il ressent de voir glorifier le Nom de son Père; et il me semble que, de même que les anges qui, sans cesse chantent Sanctus! Sanctus! Sanctus!, il fallait que je m’applique à glorifier son saint Nom; qu’en faisant cet exercice, j’accomplirais l’ordre qu’Il m’avait donné d’honorer son divin Cœur et celui de sa sainte Mère, car ils sont l’un et l’autre blessés par le blasphème. Il m’a fait également comprendre que cela ne m’empêcherait pas de l’honorer das ses mystères, comme j’en ai l’habitude, parce que dans les mystères de sa vie son Cœur a souffert pour le péché du blasphème.

Je compris encore que, plus une chose était agréable à Dieu, plus Satan la rendait amère pour en dégoûter l’âme ; mais si l’on est fidèle, on acquiert beaucoup de mérites. Notre divin Sauveur me donnait ces instructions pour me soutenir dans les combats que devait me livrer le démon, à cause de cette œuvre qu’il voudrait l’anéantir, comme Notre-Seigneur me l’a fait connaître, mais ses efforts seront vains.» [3]

(On commence par le “Magnificat”)

          1 En union avec le Sacré-Cœur de Jésus : Venez, adorons le Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.

          2 En union avec le saint Cœur de Marie : Venez, adorons le Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.

          3 En union avec le glorieux saint Joseph : Venez, adorons le Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.

          4 En union avec saint Jean-Baptiste: Venez, adorons le Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.

          5 En union avec les chœur des Séraphins : Venez, adorons le Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.

          6 En union avec le chœur de Chérubins : Venez, adorons le Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.

          7 En union avec le chœur de Trônes : Venez, adorons le Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.

          8 En union avec le chœur des Dominations : Venez, adorons le Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.

          9 En union avec le chœur des Vertus : Venez, adorons le Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.

          10 En union avec le chœur des Puissances : Venez, adorons le Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.

          11 En union avec le chœur des Principautés : Venez, adorons le Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.

          12 En union avec le chœur des Archanges : Venez, adorons le Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.

          13 En union avec le chœur des Anges : Venez, adorons le Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.

          14 En union avec les sept Esprits qui sont devant le trône de Dieu et les vingt-quatre vieillards : Venez, adorons le Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.

          15 En union avec le chœur des Patriarches : Venez, adorons le Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.

          16 En union avec le chœur des Prophètes : Venez, adorons le Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.

          17 En union avec le chœur des Apôtres et les quatre Évangélistes : Venez, adorons le Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.

          18 En union avec le chœur des Martyrs : Venez, adorons le Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.

          19 En union avec le chœur des saints Pontifes : Venez, adorons le Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.

          20 En union avec le chœur des saints Confesseurs : Venez, adorons le Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.

          21 En union avec le chœur des saintes Vierges : Venez, adorons le Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.

          22 En union avec le chœur des saintes Femmes : Venez, adorons le Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.

          23 En union avec toute la cour céleste : Venez, adorons le Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.

          24 En union avec toute l’Église et au nom de tous les hommes : Venez, adorons le Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom, et prosternons-nous devant lui. Pleurons en présence du Seigneur qui nous a faits, car il est le Seigneur notre Dieu ; nous sommes son peuple et les brebis qu’il conduit lui-même à ses pâturages.

 

* * *

 

“Un jour que j’allai chez notre Révérende Mère lui rendre compte de mes dispositions intérieures, je lui dis que, dans mon oraison, je me trouvais tout occupée à réparer les outrages faits à Dieu par les; elle me gronda beaucoup et me défendit de continuer, m’enjoignant de m’appliquer à méditer simplement sur mes fins dernières ou sur quelque autre sujet. Elle me reprocha de vouloir me mêler de faire réparation pour les autres, tandis que moi-même j’avais peut-être blasphémé Dieu dans mon cœur.

— Et ne feriez-vous pas mieux de méditer ces paroles qui peuvent vous être dites un jour: “Allez, maudits, au feu éternel!»

Voyant que notre bonne Mère avait l’air d’être si mécontente de moi, j’allai dire mes peines à Notre-Seigneur; car je me trouvais fort embarrassée pour changer ma méthode d’oraison et résister à l’attrait qu’il me donnait. J’avais aussi très grand peur de désobéir. C’est pourquoi je m’acquittai de mon mieux de la méditation qu’on m’avait indiquée; puis j’en rendis compte à notre Mère, et lorsqu’elle m’eut dit que j’avais bien rempli son intention, le calme revint dans mon âme. Un jour, Notre-Seigneur me fit entendre qu’il fallait que j’obéisse à mes supérieurs plutôt qu’à ce que je croirais qu’il me disait lui-même; aussi, avec le secours de la grâce, je me suis toujours soumise à leurs sages conseils.»

 

LE POIDS DE LA CROIX

[Je ne trouvais nulle part du réconfort, ni dans mon confesseur, ni dans mes supérieurs], “lesquels, dans leur sagesse, voulaient éprouver mon esprit pour s’assurer de l’œuvre de Dieu. Ah! c’est alors que je sentis la pesanteur de la croix que Notre-Seigneur, avant mon entrée au Carmel, avait promis de me donner en religion.»

“Quand Notre-Seigneur me communiquait quelque chose au sujet de son œuvre, je n’osais en parler à notre bonne Mère; mais je l’écrivais, et je lui portais cet écrit dans son office; j’étais bien aise quand je ne la trouvais pas. Une fois entre autres, j’étais toute tremblante devant le Saint-Sacrement, ayant en main ma petite lettre pour la présenter à Notre-Seigneur avant d’aller la remettre. Quelquefois l’œuvre de réparation était en moi comme un feu dévorant; je sentais le besoin d’en parler à quelqu’un qui s’y serait peut-être intéressé, mais on ne voulait point me le permettre.

A la fin pourtant, Notre-Seigneur me donna une grande consolation: j’étais un jour aux pieds de notre Révérende Mère à lui rendre compte des souffrances intérieures que m’occasionnait l’œuvre dont j’étais chargée. La bonne Mère me disait :

— Que voulez-vous, ma fille ? Je n’y puis rien faire ; il faut que vous l’enfantiez, cette œuvre, dans la douleur.

Voilà tout à coup que, par un trait de la Providence, il tombe, d’un livre qu’elle tenait à la main, un petit imprimé où il y avait une amende honorable au très saint Nom de Dieu, suivie d’un “avertissement au peuple français” pour apaiser la colère de Dieu irrité à cause des blasphèmes. Cet écrit avait un rapport frappant avec les communications que je recevais, et qui paraissaient alors une chimère de mon imagination. La Révérende Mère était dans le plus grand étonnement. Elle ne connaissait pas auparavant cet imprimé; personne ne savait qu’il fût dans la maison; le livre qui le contenait n’était peut-être pas sorti de la bibliothèque depuis vingt ans, et ce fut en ma présence que cet incident arriva. J’étais ravie de joie, et ne pouvais m’empêcher de reconnaître que le ciel commençait à parler en ma faveur. [4]

Dans sa surprise, notre bonne Mère me dit en souriant :

— Ma sœur, si je ne vous connaissais pas, je vous prendrais pour une sorcière.

Je répondis :

— Ma Mère, ce sont les saints anges qui vous ont mis cela entre les mains.

Je me rappelais, en effet, les avoir invoqués avant d’entrer dans la cellule de notre Mère, et sans doute qu’ils avaient contribué à cet événement en faisant sortir à propos ce livre de la bibliothèque.»

 

UNE COÏNCIDENCE FORT REMARQUABLE…

“C’est qu’un Monsieur très pieux avait porté, dans plusieurs communautés de Tours, une prière à la gloire du saint Nom de Dieu pour obtenir, par l’intercession de saint Louis, roi de France, de voir disparaître les ennemis de ce nom divin. La prière s’était faite avant la fête du saint, et, ce qui est plus admirable dans la conduite de la Providence, on avait fait circuler cette prière dans toutes les maisons religieuses de la ville, comme on l’a su depuis, excepté aux Carmélites, et, le lendemain, le Seigneur communiquait à la plus indigne de ses servantes le fruit des prières de ces saintes âmes.» [5]

 

MOINS DE SÉVÉRITÉ ENVERS SŒUR SAINT-PIERRE

“Il me fut permis de m’occuper de l’œuvre de Dieu selon l’inspiration que Notre-Seigneur m’en donnerait. Notre Révérende Mère m’ayant rendu les prières de la Réparation, j’en fus ravie de joie, et tous les jours je les récitais avec une grande dévotion. Le bon Maître me fit connaître qu’elles lui étaient agréables. Bientôt après, il me dit que je devais demander à mes supérieurs de les faire imprimer; nouvelle peine pour moi, car notre sage et prudente Mère, voyant que Notre-Seigneur continuait à mon égard les poursuites de son œuvre, voulut l’asseoir sur un fondement solide; c’est pourquoi elle continua de m’éprouver, afin de mieux voir si c’était vraiment l’esprit de Dieu qui me conduisait.

Un jour, elle me dit que je lui faisais l’effet d’un nouveau Pierre Michel. C’était un illuminé, qui avait trompé bien du monde pars ses fausses révélations; il vint rendre visite à notre Révérende Mère ; mais elle ne se laissa point séduire par ses impostures, et vit tout de suite l’esprit qui l’animait. Effectivement, cet homme fut traduit en justice, reconnu comme escroc, et condamné à plusieurs années de prison. Me voyant mise en parallèle avec cet individu, je ne savais trop que penser de mes communications. Notre-Seigneur me rassura en me disant :

— Tant que vous serez obéissante et humble, soyez sûre que vous n’êtes point dans l’illusion.

Bientôt notre Révérende Mère tomba très malade. Quoiqu’elle me grondât souvent pour le bien de mon âme et pour assurer l’œuvre de Dieu, cependant je l’aimais beaucoup, et j’avais une très grande confiance en elle. Un jour, pendant mon oraison, c’était le soir de la fête de saint Michel, Notre-Seigneur me fit entendre que son divin Cœur avait pour agréable ma petite Réparation; que ces prières lui faisaient oublier mes ingratitudes ; que, si la communauté voulait obtenir la grâce que notre Révérende Mère fût en état de vaquer à ses affaires, non sans souffrir, mais moins vivement, il fallait faire une neuvaine satisfatoire devant le Saint-Sacrement pour la réparation des blasphèmes contre le saint Nom de Dieu, et dire les prières du petit exercice qu’il m’avait inspiré; qu’il était bien juste à des enfants d’aider leur mère; enfin que, si l’on donnait cette satisfaction à son Cœur, il l’ouvrirait pour combler de grâces la communauté.

Je ne pouvais plus me refuser à faire la commission de Notre-Seigneur, qui ajouta, afin de m’y engager :

— Oh ! si vous saviez ce que j’ai fait pour vous, et combien je me suis appliqué à votre âme, vous seriez dans l’étonnement et voir le Créateur ainsi abaissé vers sa créature !.

Alors j’ai dit :

— Eh bien : mon Seigneur, je vais me mettre encore en gage pour vous; car je ne risque autre chose que de recevoir des humiliations, et vous serez glorifié de cette neuvaine.

Je me suis placée donc sous la protection de la sainte Vierge, et j’ai communiqué ma pensée à notre Révérende Mère, qui, ce jour-là, se trouvait dans l’état le plus pénible par la violence des douleurs. Elle consenti à faire la neuvaine; mais, afin que les sœurs n’aient aucun soupçon que c’était moi qui avais composé ces prières, et afin qu’on ne reconnût point mon écriture, mon confesseur eut la bonté de les copier. On crut que cette nouvelle dévotion venait de lui.

Pour moi, je ne me suis pas repentie de m’être engagée au nom de Notre-Seigneur, qui ne se laisse jamais vaincre en générosité. En effet, ce même jour, qui était la fête de saint Michel, le divin Maître me déclara sa volonté que notre Mère s’occupât de répandre ces prières réparatrices; comme elle était bien souffrante, il me donna pour gage de ma mission l’amélioration de sa santé. Il m’assura qu’il n’y avait, dans cette dévotion, rien de contraire à l’esprit de l’Église ; car que fait l’Église, si ce n’est de glorifier continuellement le saint Nom de Dieu ? Je lui promis que, s’il guérissait notre Mère, elle ne négligerait point ses affaires; aussi, lorsqu’elle fut mieux :

— Mon Seigneur, lui dis-je, je ferai encore vos commissions quand vous en aurez.

Le céleste Époux, en effet, fidèle à sa parole, rendit la santé à la chère malade, qui fut bientôt en état de vaquer aux fonctions alors si importantes de sa charge.

 

[1] A réciter chaque jour et, à chaque fois que vous entendrez blasphémer.

[2] Office des morts.

[3] Lettre du 26 août 1843.

[4] Vie manuscrite; page 65. Document A, page 69.

“L’écrit en question avait été publié, en 1819, par l’abbé Soyer, alors vicaire général de Poitiers, et devenu plus tard évêque de Luçon. A son premier titre d’Avertissement au peuple français, il s’en joignait un second: ou Réparation inspirée pour apaiser la colère de Dieu; on y proclamait hautement que les blasphèmes attiraient “la colère de Dieu” sur la France, et on y proposait des supplications analogues à celles qui étaient demandées à Marie de Saint-Pierre. (...) La Mère supérieure poussa plus loin ses informations; elle écrivit à Monseigneur Soyer, qui vivait encore, pour avoir quelques renseignements à ce sujet. Le prélat  répondit qu’effectivement c’était lui-même qui avait publié cet “avertissement” à la prière d’une carmélite de Poitiers, nommée sœur Adélaïde, âme d’élite, à laquelle Notre-Seigneur s’était très intimement communiqué. (...) Or la Mère Adélaïde venait de mourir le 31 juillet de la même année 1843; et c’était vingt-six jours après son décès que la sœur Saint-Pierre, religieuse du même ordre recevait la mission de demander l’œuvre réparatrice du blasphème, comme si Dieu avait attendu la mort d’un de ses prophètes pour en susciter un autre ». Abbé Janvier: “Vie de la Sœur Saint-Pierre”. Carmel de Tours 1884; pages 126-127.

[5] Document A, page 70. Le “Monsieur très pieux” n’était autre que Monsieur Dupont, le saint homme de Tours.