Friday, 27 May 2016

Prière à Saint-Michel de la Exorcisme du Pape Léon XIII (in Latin and French)



Ad S. Michaelem Archangelum precatio - Princeps gloriosissime coelestis militiae, sancte Michael Archangele, defende nos in proelio et colluctatione, quae nobis est adversus principes et potestates, adversus mundi rectores tenebrarum harum, contra spiritualia nequitiae, in coelestibus. (Ephes. 6) Veni in auxilium hominum; quos Deus creavit inexterminabiles, et ad imaginem similitudinis suae fecit, et a tyrannide diaboli emit pretio magno. (Sap. 2-1. Cor. 6) Proeliare hodie cum beatorum Angelorum exercitu proelia Domini, sicut pugnasti olim contra ducem superbiae luciferum et angelos ejus apostaticos; et non valuerunt, neque locus inventus est eorum amplius in coelo. Sed projectus est draco ille magnus, serpens antiquus, qui vocatur diabolus et satanas, qui seducit universum orbem ; et projectus est in terram, et angeli ejus cum illo missi sunt. (Apoc. 12) En antiquus inimicus et homicida vehementer erectus est. Transfiguratus in angelum lucis, cum tota malignorum spirituum caterva late circuit et invadit terram, ut in ea deleat nomen Dei et Christi ejus, animasque ad aeternae gloriae coronam destinatas furetur, mactet ac perdat in sempiternum interitum. Virus nequitiae suae, tamquam flumen immundissimum, draco maleficus transfundit in homines depravatos mente et corruptos corde: spiritum mendacii, impietatis et blasphemiae; halitumque mortiferum luxuriae, vitiorum omnium et iniquitatum. - Ecclesiam, Agni immaculati sponsam, vaferrimi hostes repleverunt amaritudinibus, inebriarunt absinthio; ad omnia desiderabilia ejus impias miserunt manus. Ubi sedes beatissimi Petri et Cathedra veritatis ad lucem gentium constituta est, ibi thronum posuerunt abominationis impietatis suae ; ut percusso Pastore, et gregem disperdere valeant.
             Adesto itaque, Dux invictissime, populo Dei contra irrumpentes spiritales nequitias, et fac victoriam. Te custodem et patronum sancta veneratur Ecclesia; te gloriatur defensore adversus terrestrium et infernorum nefarias potestates; tibi tradidit Dominus animas redemptorum in superna felicitate locandas.
            Deprecare Deum pacis, ut conterat satanam sub pedibus nostris, ne ultra valeat captivos tenere homines, et Ecclesiae nocere. Offer nostras preces in conspectu Altissimi, ut cito anticipent nos misericordiae Domini, et apprehendas draconem serpentem antiquum, qui est diabolus et satanas, ac ligatum mittas in abyssum, ut non seducat amplius gentes. (Apec. 20.)
           Hinc tuo confisi praesidio ac tutela, sacra Sanctae Matris Ecclesiae auctoritate, ad infestationes diabolicae fraudis repellendas in nomine Jesu Christi Dei et Domini nostri fidentes et securi aggredimur.

    V. - Ecce Crucem Domini, fugite partes adversae,
    R. - Vicit leo de tribu Juda, radix David.
    V. - Fiat misericordia tua, Domine, super nos.
    R. - Quemadmodum speravimus in te.
    V. - Domine, exaudi orationem meam.
    R. - Et clamor meus ad te veniat.
    V. - Dominus vobiscum.
    R. - Et cum spiritu tuo.

Oremus - Deus, et Pater Domini nostri Jesu Christi, invocamus nomen sanctum tuum, et clementiaim tuam supplices exposcimus: ut per intercessionem immaculatae semper Virginis Dei Genitricis Mariae, beati Michaelis Archangeli, beati Joseph ejusdem beatae Virginis Sponsi, beatorum Apostolorum Petri et Pauli et omnium Sanctorum, adversus satanam, omnesque alios imundos spiritus, qui ad nocendum humano generi animasque perdendas pervagantur in mundo, nobis auxilium praestare digneris. Per eumdem Christum Dominum nostrum.

    R. Amen.




Prière à Saint-Michel: Très glorieux Prince de l'Armée Céleste, Saint-Michel Archange, défendez-nous dans le combat et la lutte qui est la nôtre contre les Principautés et les Puissances, contre les souverains de ce monde de ténèbres, contre les esprits de malice répandus dans les airs. (Eph. 6, 10-12).
Venez en aide aux hommes, que Dieu a créés incorruptibles, et faits à Son image et ressemblance, et rachetés à si haut prix de la tyrannie du démon (Sg. 2, 23 - I Cor. 6, 20).
Combattez aujourd'hui, avec l'armée des Anges bienheureux, les combats du Seigneur, comme vous avez combattu jadis contre le chef de l'orgueil Lucifer et ses anges rebelles; et ils n'eurent pas le dessus, et on ne trouva plus leur place dans le Ciel. Mais il fut jeté, ce grand dragon, l'antique serpent, celui qu'on appelle diable et Satan, celui qui égare le monde entier; et il fut jeté sur la terre, et ses anges furent jetés avec lui (Apoc. 12, 8-9).
Voilà que cet antique ennemi et homicide s'est dressé avec véhémence. Déguisé en ange de lumière, avec toute la horde des mauvais esprits, il parcourt et envahit la terre profondément, afin d'y effacer le Nom de Dieu et de Son Christ, et de voler, tuer et perdre de la mort éternelle les âmes destinées à la couronne de la gloire éternelle. Le poison de sa malice, comme un fleuve répugnant, le dragon malfaisant le fait couler dans des hommes à l'esprit dépravé et au cœur corrompu; esprit de mensonge, d'impiété et de blasphème ; et souffle mortel de la luxure et de tous les vices et iniquités.
            L'Église, épouse de l'Agneau Immaculé, des ennemis très rusés l'ont saturée d'amertume et abreuvée d'absinthe; ils ont porté leurs mains impies sur tout ce qu'Elle a de plus précieux. Là où a été établi le Siège du Bienheureux Pierre et la Chaire de la Vérité pour la lumière des nations, là ils ont posé le trône de l'abomination de leur impiété; de sorte qu'en frappant le Pasteur, ils puissent aussi disperser le troupeau.
            Soyez donc là, Chef Invincible, auprès du peuple de Dieu, contre les assauts des forces spirituelles du mal, et donnez-lui la victoire! C'est Vous que la Sainte Église vénère comme Son Gardien et Son Patron. Vous qu'elle se fait gloire d'avoir comme défenseur contre les puissances criminelles de la terre et de l'enfer. C'est à vous que le Seigneur a confié les âmes rachetées pour les introduire dans la Céleste Félicité.
            Conjurez le Dieu de paix d'écraser Satan sous nos pieds, afin qu'il ne puisse plus retenir les hommes dans ses chaînes, et nuire à l'Église. Présentez au Très-Haut nos prières, afin que, bien vite, nous préviennent les Miséricordes du Seigneur, et que Vous saisissiez le dragon, l'antique serpent, qui est le diable et Satan, et que Vous le jetiez enchaîné dans l'abîme, en sorte qu'il ne puisse plus jamais séduire les nations (Apoc. 20,3).
C'est pourquoi, comptant sur Votre main forte et votre Protection, de par l'autorité Sacrée de notre Sainte Mère l'Église (Si c’est un prêtre qui «opère», il ajoute: «et de notre ministère»), nous entreprenons avec confiance et sûreté, au Nom de Jésus-Christ, notre Dieu et Seigneur, de repousser les attaques et les ruses du démon.

V. Voici la Croix du Seigneur, fuyez, Puissances ennemies !
R. Il a vaincu, le Lion de la Tribu de Juda, le Rejeton de David !
V. Que Votre Miséricorde, Seigneur, s'exerce sur nous !
R. Dans la mesure de notre espérance en Vous !
V. Seigneur, exaucez ma prière !
R. Et que mon cri parvienne jusqu'à Vous !
V. Le Seigneur soit avec vous !
R. Et avec votre esprit !

Prions: Dieu et Père de Notre Seigneur Jésus-Christ, nous invoquons Votre Saint Nom, et nous lançons un appel suppliant à Votre Bonté afin que, par l'intercession de Marie Immaculée, Mère de Dieu et toujours Vierge, de Saint-Michel Archange, de Saint-Joseph, Époux de la même Vierge Sainte, des Saints Apôtres Pierre et Paul et de tous les Saints, Vous daigniez nous accorder Votre secours contre satan et tous les autres esprits impurs qui rôdent dans le monde pour nuire au genre humain et perdre les âmes. Par le même Christ Notre Seigneur. 

R. Amen.

Thursday, 26 May 2016

"Belote et Laidronette" by Jeanne Marie Leprince de Beaumont (in French)



Il y avait une fois un seigneur qui avait deux filles jumelles, à qui l’on avait donné deux noms qui leur convenaient parfaitement. L’aînée, qui était très belle, fut nommée Belote, et la seconde, qui était fort laide, fut nommée Laidronette. On leur donna des maîtres, et jusqu’à l’âge de douze ans, elles s’appliquèrent à leurs exercices; mais alors leur mère fit une sottise, car sans penser qu’il leur restait encore bien des choses à apprendre, elle les mena avec elle dans les assemblées. Comme ces deux filles aimaient à se divertir, elles furent bien contentes de voir le monde, et elles n’étaient plus occupées que de cela, même pendant le temps de leurs leçons; en sorte que leurs maîtres commencèrent à les ennuyer. Elles trouvèrent mille prétextes pour ne plus apprendre; tantôt il fallait célébrer le jour de leur naissance une autre fois elles étaient priées à un bal, à une assemblée, et il fallait passer le jour à se coiffer; en sorte qu’on écrivait souvent des cartes aux maîtres, pour les prier de ne point venir. D’un autre côté les maîtres, qui voyaient que les deux petites filles ne s’appliquaient plus, ne se souciaient pas beaucoup de leur donner des leçons; car dans ce pays, les maîtres ne donnaient pas leçon seulement pour gagner de l’argent, mais pour avoir le plaisir de voir avancer leurs écolières. Ils n’y allaient donc guère souvent, et les jeunes filles en étaient bien aises. Elles vécurent ainsi jusqu’à quinze ans, et à cet âge, Belote était devenue si belle, qu’elle faisait l’admiration de tous ceux qui la voyaient. Quand la mère menait ses filles en compagnie, tous les cavaliers faisaient la cour à Belote; l’un louait sa bouche, l’autre ses yeux, sa main, sa taille; et pendant qu’on lui donnait toutes ces louanges, on ne pensait seulement pas que sa sœur fût au monde. Laidronette mourait de dépit d’être laide, et bientôt elle prit un grand dégoût pour le monde et les compagnies, où tous les honneurs et les préférences étaient pour sa sœur. Elle commença donc à souhaiter de ne plus sortir: et un jour qu’elles étaient priées à une assemblée, qui devait finir par un bal, elle dit à sa mère, qu’elle avait mal à la tête, et qu’elle souhaitait de rester à la maison. Elle s’y ennuya d’abord à mourir, et pour passer le temps, elle fut à la bibliothèque de sa mère, pour chercher un roman, et fut bien fâchée de ce que sa sœur en avait emporté la clef. Son père aussi avait une bibliothèque, mais c’étaient des livres sérieux, et elle les haïssait beaucoup. Elle fut pourtant forcée d’en prendre un: c’était un recueil de lettres, et en ouvrant le livre, elle trouva celle que je vais vous rapporter :
            Vous me demandez, d’où vient que la plus grande partie des belles personnes sont extrêmement sottes et stupides? Je crois pouvoir vous en dire la raison. Ce n’est pas qu’elles aient moins d’esprit que les autres, en venant au monde; mais c’est qu’elles négligent de le cultiver. Toutes les femmes ont de la vanité; elles veulent plaire. Une laide connaît qu’elle ne peut être aimée à cause de son visage; cela lui donne la pensée de se distinguer par son esprit. Elle étudie donc beaucoup, et elle parvient à devenir aimable, malgré la nature. La belle, au contraire, n’a qu’à se montrer pour plaire, sa vanité est satisfaite: comme elle ne réfléchit jamais, elle ne pense pas que sa beauté n’aura qu’un temps; d’ailleurs elle est si occupée de sa parure, du soin de courir les assemblées pour se montrer, pour recevoir des louanges, qu’elle n’aurait pas le temps de cultiver son esprit, quand même elle en connaîtrait la nécessité. Elle devient donc une sotte tout occupée de puérilités, de chiffons, de spectacles; cela dure jusqu’à trente ans, quarante ans au plus, pourvu que la petite vérole, ou quelque autre maladie, ne viennent pas déranger sa beauté plus tôt. Mais quand on n’est plus jeune, on ne peut plus rien apprendre: ainsi, cette belle fille, qui ne l’est plus, reste une sotte pour toute sa vie, quoique la nature lui ait donné autant d’esprit qu’à une autre; au lieu que la laide, qui est devenue fort aimable, se moque des maladies et de la vieillesse, qui ne peuvent rien lui ôter…
            Laidronette, après avoir lu cette lettre qui semblait avoir été écrite pour elle, résolut de profiter des vérités qu’elle lui avait découvertes. Elle redemande ses maîtres, s’applique à la lecture, fait de bonnes réflexions sur ce qu’elle lit, et en peu de temps, devient une fille de mérite. Quand elle était obligée de suivre sa mère dans les compagnies, elle se mettait toujours à côté des personnes en qui elle remarquait de l’esprit, et de la raison, elle leur faisait des questions, et retenait toutes les bonnes choses qu’elle leur entendait dire; elle prit même l’habitude de les écrire, pour s’en mieux souvenir, et à dix-sept ans, elle parlait et écrivait si bien, que toutes les personnes de mérite se faisaient un plaisir de la connaître, et d’entretenir un commerce de lettres avec elle. Les deux sœurs se marièrent le même jour. Belote épousa un jeune prince qui était charmant, et qui n’avait que vingt-deux ans. Laidronette épousa le ministre de ce prince: c’était un homme de quarante-cinq ans. Il avait reconnu l’esprit de cette fille, et il l’estimait beaucoup; car le visage de celle qu’il prenait pour sa femme, n’était pas propre à lui inspirer de l’amour, il avoua à Laidronette qu’il n’avait que de l’amitié pour elle: c’était justement ce qu’elle demandait, et elle n’était point jalouse de sa sœur qui épousait un prince, qui était si fort amoureux d’elle, qu’il ne pouvait la quitter une minute, et qu’il rêvait d’elle toute la nuit. Belote fut fort heureuse pendant trois mois; mais au bout de ce temps, son mari, qui l’avait vue tout à son aise, commença à s’accoutumer à sa beauté, et à penser qu’il ne fallait pas renoncer à tout pour sa femme. Il fut à la chasse, et fit d’autres parties de plaisir dont elle n’était pas, ce qui parut fort extraordinaire à Belote; car elle s’était persuadée que son mari l’aimerait toujours de la même force: et elle se crut la plus malheureuse personne du monde, quand elle vit que son amour diminuait. Elle lui en fit des plaintes; il se fâcha; ils se raccommodèrent: mais comme ces plaintes recommençaient tous les jours, le prince se fatigua de l’entendre. D’ailleurs Belote ayant eu un fils, elle devint maigre, et sa beauté diminua considérablement; en sorte qu’à la fin, son mari, qui n’aimait en elle que cette beauté, ne l’aima plus du tout. Le chagrin qu’elle en conçut acheva de gâter son visage; et comme elle ne savait rien, sa conversation était fort ennuyeuse. Les jeunes gens s’ennuyaient avec elle, parce qu’elle était triste; les personnes plus âgées, et qui avaient du bon sens, s’ennuyaient aussi avec elle, parce qu’elle était sotte: en sorte qu’elle restait seule presque toute la journée. Ce qui augmentait son désespoir, c’est que sa sœur Laidronette était la plus heureuse personne du monde. Son mari la consultait sur les affaires, il lui confiait tout ce qu’il pensait, il se conduisait par ses conseils, et disait partout que sa femme était le meilleur ami qu’il eût au monde. Le prince même, qui était un homme d’esprit, se plaisait dans la conversation de sa belle-sœur, et disait qu’il n’y avait pas moyen de rester une demi-heure sans bâiller avec Belote, parce qu’elle ne savait parler que de coiffures, et d’ajustements, en quoi il ne connaissait rien. Son dégoût pour sa femme devint tel, qu’il l’envoya à la campagne, où elle eut le temps de s’ennuyer tout à son aise, et où elle serait morte de chagrin, si sa sœur Laidronette n’avait pas eu la charité de l’aller voir le plus souvent qu’elle pouvait. Un jour qu’elle tâchait de la consoler, Belote lui dit:
            «Mais ma sœur, d’où vient donc la différence qu’il y a entre vous et moi? Je ne puis pas m’empêcher de voir que vous avez beaucoup d’esprit, et que je ne suis qu’une sotte; cependant quand nous étions jeunes, on disait que j’en avais pour le moins autant que vous.»
            Laidronette alors raconta son aventure à sa sœur, et lui dit:
            «Vous êtes fort fâchée contre votre mari, parce qu’il vous a envoyée à la campagne et cependant cette chose, que vous regardez comme le plus grand malheur de votre vie, peut faire votre bonheur, si vous le voulez. Vous n’avez pas encore dix-neuf ans, ce serait trop tard pour vous appliquer, si vous étiez dans la dissipation de la ville; mais la solitude, dans laquelle vous vivez, vous laisse tout le temps nécessaire pour cultiver votre esprit. Vous n’en manquez pas, ma chère sœur ; mais il faut l’orner par la lecture, et les réflexions.»
            Belote trouva d’abord beaucoup de difficultés à suivre les conseils de sa sœur, par l’habitude qu’elle avait contractée de perdre son temps en niaiseries; mais à force de se gêner, elle y réussit, et fit des progrès surprenants dans toutes les sciences, à mesure qu’elle devenait aussi raisonnable: et comme la philosophie la consolait de ses malheurs, elle reprit son embonpoint, et devint plus belle qu’elle n’avait jamais été; mais elle ne s’en souciait pas du tout, et ne daignait même pas se regarder dans le miroir. Cependant, son mari avait pris un si grand dégoût pour elle, qu’il fit casser son mariage. Ce dernier malheur pensa l’accabler, car elle aimait tendrement son mari; mais sa sœur Laidronette vint à bout de la consoler.
            «Ne vous affligez pas, lui disait-elle, je sais le moyen de vous rendre votre mari; suivez seulement mes conseils, et ne vous embarrassez de rien.»
            Comme le prince avait eu un fils de Belote, qui devait être son héritier, il ne se pressa point de prendre une autre femme, et ne pensa qu’à se bien divertir. Il goûtait extrêmement la conversation de Laidronette, et lui disait quelquefois, qu’il ne se remarierait jamais, à moins qu’il ne trouvât une femme qui eût autant d’esprit qu’elle.
            «Mais, si elle était aussi laide que moi, lui répondit-elle, en riant.
            — En vérité, madame, lui dit le prince, cela ne m’arrêterait pas un moment: on s’accoutume à un laid visage, le vôtre ne me paraît plus choquant, par l’habitude que j’ai de vous voir; quand vous parlez, il ne s’en faut de rien que je ne vous trouve jolie; et puis, à vous dire la vérité, Belote m’a dégoûté des belles, toutes les fois que j’en rencontre une, stupide, je n’ose lui parler, dans la crainte qu’elle ne me réponde une sottise.»
            Cependant, le temps du carnaval arriva, et le prince crut qu’il se divertirait beaucoup, s’il pouvait courir le bal sans être connu de personne. Il ne se confia qu’à Laidronette, et la pria de se masquer avec lui; car, comme elle était sa belle-sœur, personne ne pouvait y trouver à redire, et quand on l’aurait su, cela n’aurait pu nuire à sa réputation; cependant, Laidronette en demanda la permission à son mari, qui y consentit, d’autant plus volontiers qu’il avait lui-même mis cette fantaisie en tête du prince, pour faire réussir le dessein qu’il avait, de le réconcilier avec Belote. Il écrivit à cette princesse abandonnée de concert avec son épouse, qui marqua en même temps à sa sœur, comment le prince devait être habillé. Dans le milieu du bal, Belote vint s’asseoir entre son mari et sa sœur, et commença une conversation extrêmement agréable avec eux : d’abord, le prince crut reconnaître la voix de sa femme; mais elle n’eut pas parlé un demi-quart d’heure, qu’il perdit le soupçon qu’il avait eu au commencement. Le reste de la nuit passa si vite, à ce qu’il lui sembla, qu’il se frotta les yeux quand le jour parut, croyant rêver, et demeura charmé de l’esprit de l’inconnue, qu’il ne put jamais engager à se démasquer: tout ce qu’il en put obtenir, c’est qu’elle reviendrait au premier bal avec le même habit. Le prince s’y trouva des premiers; et quoique l’inconnue y arrivât un quart d’heure après lui, il l’accusa de paresse, et lui jura qu’il s’était beaucoup impatienté. Il fut encore plus charmé de l’inconnue cette seconde fois que la première, et avoua à Laidronette qu’il était amoureux comme un fou de cette personne.
            «J’avoue qu’elle a beaucoup d’esprit, lui répondit sa confidente; mais si vous voulez que je vous dise mon sentiment, je soupçonne qu’elle est encore plus laide que moi: elle connaît que vous l’aimez, et craint de perdre votre cœur, quand vous verrez son visage.
            — Ah ! madame, dit le prince, que ne peut-elle lire dans mon âme! L’amour qu’elle m’a inspiré, est indépendant de ses traits: j’admire ses lumières, l’étendue de ses connaissances, la supériorité de son esprit, et la bonté de son cœur.
            — Comment pouvez-vous juger de la bonté de son cœur? lui dit Laidronette.
            — Je vais vous le dire, reprit le prince, quand je lui ai fait remarquer de belles femmes, elle les a louées de bonne fois et elle m’a même fait remarquer avec adresse des beautés qu’elles avaient, et qui échappaient à ma vue. Quand j’ai voulu, pour l’éprouver, lui conter les mauvaises histoires qu’on mettait sur le compte de ces femmes, elle a détourné adroitement le discours, ou bien elle m’a interrompu, pour me raconter quelque belle action de ces personnes; et enfin, quand j’ai voulu continuer, elle m’a fermé la bouche, en me disant qu’elle ne pouvait souffrir la médisance. Vous voyez bien, madame, qu’une femme qui n’est point jalouse de celles qui sont belles, une femme qui prend plaisir à dire du bien du prochain, une femme qui ne peut souffrir la médisance, doit être d’un excellent caractère, et ne peut manquer d’avoir un bon cœur. Que me manquera-t-il pour être heureux avec une telle femme, quand même elle serait aussi laide que vous le pensez? Je suis donc résolu à lui déclarer mon nom, et à lui offrir de partager ma puissance.»
            Effectivement, dans le premier bal, le prince apprit sa qualité à l’inconnue, et lui dit qu’il n’y avait point de bonheur à espérer pour lui, s’il n’obtenait pas sa main; mais, malgré ces offres, Belote s’obstina à demeurer masquée, ainsi qu’elle en était convenue avec sa sœur. Voilà le pauvre prince dans une inquiétude épouvantable. il pensait comme Laidronette, que cette personne si spirituelle devait être un monstre, puisqu’elle avait tant de répugnance à se laisser voir; mais quoiqu’il se la peignît de la manière du monde la plus désagréable, cela ne diminuait point l’attachement, l’estime, et le respect, qu’il avait conçus pour son esprit et pour sa vertu. Il était tout prêt à tomber malade de chagrin, lorsque l’inconnue lui dit:
            «Je vous aime, mon prince, et je ne chercherai point à vous le cacher; mais plus mon amour est grand, plus je crains de vous perdre, quand vous me connaîtrez. Vous vous figurez, peut-être, que j’ai de grands yeux, une petite bouche, de belles dents, un teint de lis et de roses; et si par aventure j’allais me trouver des yeux louches, une grande bouche, un nez camard, des dents gâtées, vous me prieriez bien vite, de remettre mon masque. D’ailleurs, quand je ne serais pas si horrible, je sais que vous êtes inconstant: vous avez aimé Belote à la folie, et cependant vous vous en êtes dégoûté.
            — Ah ! madame, dit le prince, soyez mon juge; j’étais jeune, quand j’épousai Belote, et je vous avoue que je ne m’était jamais occupé qu’à la regarder, et point à l’écouter; mais lorsque je fus son mari, et que l’habitude de la voir eut dissipé mon illusion, imaginez-vous si ma situation dut être bien agréable? Quand je me trouvais seul avec mon épouse, elle me parlait d’une robe nouvelle qu’elle devait mettre le lendemain, des souliers de celle-ci, des diamants de celle-là. S’il se trouvait à ma table une personne d’esprit, et que l’on voulût parler de quelque chose de raisonnable, Belote commençait par bâiller, et finissait par s’endormir. Je voulus essayer de l’engager à s’instruire, cela l’impatienta; elle était si ignorante, qu’elle me faisait trembler et rougir toutes les fois qu’elle ouvrait la bouche. D’ailleurs, elle avait tous les défauts des sottes: quand elle s’était fourré une chose dans la tête, il n’était pas possible de l’en faire revenir, en lui donnant de bonnes raisons car elle ne pouvait les comprendre. Encore, s’il m’avait été permis de me désennuyer d’un autre côté, j’aurais eu patience, mais ce n’était pas là son compte: elle eût voulu que le sot amour, qu’elle m’avait inspiré, eût duré toute ma vie, et m’eût rendu son esclave. Vous voyez bien qu’elle m’a mise dans la nécessité de faire casser mon mariage.
            — J’avoue que vous étiez à plaindre, lui répondit l’inconnue; mais tout ce que vous dites, ne me rassure point. Vous dites que vous m’aimez, voyez si vous serez assez hardi pour m’épouser aux yeux de tous vos sujets, sans m’avoir vue.
            — Je suis le plus heureux de tous les hommes, puisque vous ne demandez que cela, répondit le prince; venez dans mon palais avec Laidronette, et demain, dès le matin, je ferai assembler mon conseil, pour vous épouser à ses yeux.»
            Le reste de la nuit parut bien long au prince, et avant de quitter le bal, s’étant démasqué, il ordonna à tous les seigneurs de la cour, de se rendre dans son palais, et fit avertir tous les ministres. Ce fut en leur présence qu’il raconta ce qui lui était arrivé avec l’inconnue; et après avoir fini son discours, il jura de n’avoir jamais d’autre épouse qu’elle, telle que pût être sa figure. Il n’y eut personne qui ne crût, comme le prince, que celle qu’il épousait ainsi ne fût horrible à voir: quelle fut la surprise de tous les assistants, lorsque Belote s’étant démasquée, leur fit voir la plus belle personne qu’on pût imaginer? Ce qu’il y eut de plus singulier, c’est que le prince, ni les autres, ne la reconnurent pas d’abord, tant le repos et la solitude l’avaient embellie ; on se disait seulement tout bas, que l’autre princesse lui ressemblait en laid. Le prince extasié, d’être trompé si agréablement, ne pouvait parler; mais Laidronette rompit le silence, pour féliciter sa sœur du retour de la tendresse de son époux.
            «Quoi! s’écria le roi, cette charmante et spirituelle personne est Belote? Par quel enchantement a-t-elle joint aux charmes de la figure, ceux de l’esprit et du caractère qui lui manquaient absolument? Quelque fée favorable a-t-elle fait ce miracle en sa faveur?
            — Il n’y a point de miracle, reprit Belote, j’avais négligé de cultiver les dons de la nature; mes malheurs, la solitude et les conseils de ma sœur, m’ont ouvert les yeux, et m’ont engagée à acquérir des grâces à l’épreuve du temps et des maladies.
            — Et ces grâces m’ont inspiré un attachement à l’épreuve de l’inconstance», lui dit le prince en l’embrassant.
            Effectivement, il l’aima toute sa vie avec une fidélité, qui lui fit oublier ses malheurs passés.

Wednesday, 25 May 2016

Two Untitled Trovas by Almerinda Liporage (in Portuguese)

Em meu rosto deslizando
vem tua boca em anseios,
no teu beijo terminando
o mais doce dos passeios.

***

Quebraste a nossa harmonia
e escravizado ao teu jeito,
meu coração, hoje em dia,
é um corpo estranho em meu peito.

Tuesday, 24 May 2016

“Skull-Face” chapters 3 and 4 by Robert E. Howard (in English)



Chapter 3. The Master of Doom

"And He that toss'd you down into the Field,
He knows about it all - He knows! He knows!"
Omar Khayyam

A hand shook me roughly as I emerged languidly from my latest debauch.
            "The Master wishes you! Up, swine!"
            Hassim it was who shook me and who spoke.
            "To Hell with the Master!" I answered, for I hated Hassim - and feared him.
            "Up with you or you get no more hashish," was the brutal response, and I rose in trembling haste.
            I followed the huge black man and he led the way to the rear of the building, stepping in and out among the wretched dreamers on the floor.
            "Muster all hands on deck!" droned a sailor in a bunk. "All hands!"
            Hassim flung open the door at the rear and motioned me to enter. I had never before passed through that door and had supposed it led into Yun Shatu's private quarters. But it was furnished only with a cot, a bronze idol of some sort before which incense burned, and a heavy table.
            Hassim gave me a sinister glance and seized the table as if to spin it about. It turned as if it stood on a revolving platform and a section of the floor turned with it, revealing a hidden doorway in the floor. Steps led downward in the darkness.
            Hassim lighted a candle and with a brusque gesture invited me to descend. I did so, with the sluggish obedience of the dope addict, and he followed, closing the door above us by means of an iron lever fastened to the underside of the floor. In the semi-darkness we went down the rickety steps, some nine or ten I should say, and then came upon a narrow corridor.
            Here Hassim again took the lead, holding the candle high in front of him. I could scarcely see the sides of this cave-like passageway but knew that it was not wide. The flickering light showed it to be bare of any sort of furnishings save for a number of strange-looking chests which lined the walls - receptacles containing opium and other dope, I thought.
            A continuous scurrying and the occasional glint of small red eyes haunted the shadows, betraying the presence of vast numbers of the great rats which infest the Thames waterfront of that section.
            Then more steps loomed out of the dark in front of us as the corridor came to an abrupt end. Hassim led the way up and at the top knocked four times against what seemed the underside of a floor. A hidden door opened and a flood of soft, illusive light streamed through.
            Hassim hustled me up roughly and I stood blinking in such a setting as I had never seen in my wildest flights of vision. I stood in a jungle of palm trees through which wriggled a million vivid-hued dragons! Then, as my startled eyes became accustomed to the light, I saw that I had not been suddenly transferred to some other planet, as I had at first thought. The palm trees were there, and the dragons, but the trees were artificial and stood in great pots and the dragons writhed across heavy tapestries which hid the walls.
            The room itself was a monstrous affair - inhumanly large, it seemed to me. A thick smoke, yellowish and tropical in suggestion, seemed to hang over all, veiling the ceiling and baffling upward glances. This smoke, I saw, emanated from an altar in front of the wall to my left. I started. Through the saffron-billowing fog two eyes, hideously large and vivid, glittered at me. The vague outlines of some bestial idol took indistinct shape. I flung an uneasy glance about, marking the oriental divans and couches and the bizarre furnishings, and then my eyes halted and rested on a lacquer screen just in front of me.
            I could not pierce it and no sound came from beyond it, yet I felt eyes searing into my consciousness through it, eyes that burned through my very soul. A strange aura of evil flowed from that strange screen with its weird carvings and unholy decorations.
            Hassim salaamed profoundly before it and then, without speaking, stepped back and folded his arms, statue-like.
            A voice suddenly broke the heavy and oppressive silence.
            "You who are a swine, would you like to be a man again?"
            I started. The tone was inhuman, cold - more, there was a suggestion of long disuse of the vocal organs - the voice I had heard in my dream!
            "Yes," I replied, trance-like, "I would like to be a man again."
            Silence ensued for a space; then the voice came again with a sinister whispering undertone at the back of its sound like bats flying through a cavern.
            "I shall make you a man again because I am a friend to all broken men. Not for a price shall I do it, nor for gratitude. And I give you a sign to seal my promise and my vow. Thrust your hand through the screen."
            At these strange and almost unintelligible words I stood perplexed, and then, as the unseen voice repeated the last command, I stepped forward and thrust my hand through a slit which opened silently in the screen. I felt my wrist seized in an iron grip and something seven times colder than ice touched the inside of my hand. Then my wrist was released, and drawing forth my hand I saw a strange symbol traced in blue close to the base of my thumb - a thing like a scorpion.
            The voice spoke again in a sibilant language I did not understand, and Hassim stepped forward deferentially. He reached about the screen and then turned to me, holding a goblet of some amber-colored liquid which he proffered me with an ironical bow. I took it hesitatingly.
            "Drink and fear not," said the unseen voice. "It is only an Egyptian wine with life-giving qualities."
            So I raised the goblet and emptied it; the taste was not unpleasant, and even as I handed the beaker to Hassim again, I seemed to feel new life and vigor whip along my jaded veins.
            "Remain at Yun Shatu's house," said the voice. "You will be given food and a bed until you are strong enough to work for yourself. You will use no hashish nor will you require any. Go!"
            As in a daze, I followed Hassim back through the hidden door, down the steps, along the dark corridor and up through the other door that let us into the Temple of Dreams.
            As we stepped from the rear chamber into the main room of the dreamers, I turned to the Negro wonderingly.
            "Master? Master of what? Of Life?"
            Hassim laughed, fiercely and sardonically.
            "Master of Doom!"


Chapter 4. The Spider and the Fly
"There was the Door to which I found no Key;
There was the Veil through which I might not see."
Omar Khayyam


I sat on Yun Shatu's cushions and pondered with a clearness of mind new and strange to me. As for that, all my sensations were new and strange. I felt as if I had wakened from a monstrously long sleep, and though my thoughts were sluggish, I felt as though the cobwebs which had dogged them for so long had been partly brushed away.
            I drew my hand across my brow, noting how it trembled. I was weak and shaky and felt the stirrings of hunger--not for dope but for food. What had been in the draft I had quenched in the chamber of mystery? And why had the "Master" chosen me, out of all the other wretches of Yun Shatu's, for regeneration?
            And who was this Master? Somehow the word sounded vaguely familiar - I sought laboriously to remember. Yes - I had heard it, lying half-waking in the bunks or on the floor - whispered sibilantly by Yun Shatu or by Hassim or by Yussef Ali, the Moor, muttered in their low-voiced conversations and mingled always with words I could not understand. Was not Yun Shatu, then, master of the Temple of Dreams? I had thought and the other addicts thought that the withered Chinaman held undisputed sway over this drab kingdom and that Hassim and Yussef Ali were his servants. And the four China boys who roasted opium with Yun Shatu and Yar Khan the Afghan and Santiago the Haitian and Ganra Singh, the renegade Sikh - all in the pay of Yun Shatu, we supposed - bound to the opium lord by bonds of gold or fear.
            For Yun Shatu was a power in London's Chinatown and I had heard that his tentacles reached across the seas into high places of mighty and mysterious tongs. Was that Yun Shatu behind the lacquer screen? No; I knew the Chinaman's voice and besides I had seen him puttering about in the front of the Temple just as I went through the back door.
            Another thought came to me. Often, lying half-torpid, in the late hours of night or in the early grayness of dawn, I had seen men and women steal into the Temple, whose dress and bearing were strangely out of place and incongruous. Tall, erect men, often in evening dress, with their hats drawn low about their brows, and fine ladies, veiled, in silks and furs. Never two of them came together, but always they came separately and, hiding their features, hurried to the rear door, where they entered and presently came forth again, hours later sometimes. Knowing that the lust for dope finds resting-place in high positions sometimes, I had never wondered overmuch, supposing that these were wealthy men and women of society who had fallen victims to the craving, and that somewhere in the back of the building there was a private chamber for such. Yet now I wondered - sometimes these persons had remained only a few moments - was it always opium for which they came, or did they, too, traverse that strange corridor and converse with the One behind the screen?
            My mind dallied with the idea of a great specialist to whom came all classes of people to find surcease from the dope habit. Yet it was strange that such a one should select a dope-joint from which to work - strange, too, that the owner of that house should apparently look on him with so much reverence.
            I gave it up as my head began to hurt with the unwonted effort of thinking, and shouted for food. Yussef Ali brought it to me on a tray, with a promptness which was surprizing. More, he salaamed as he departed, leaving me to ruminate on the strange shift of my status in the Temple of Dreams.
            I ate, wondering what the One of the screen wanted with me. Not for an instant did I suppose that his actions had been prompted by the reasons he pretended; the life of the underworld had taught me that none of its denizens leaned toward philanthropy. And underworld the chamber of mystery had been, in spite of its elaborate and bizarre nature. And where could it be located? How far had I walked along the corridor? I shrugged my shoulders, wondering if it were not all a hashish-induced dream; then my eye fell upon my hand - and the scorpion traced thereon.
            "Muster all hands!" droned the sailor in the bunk. "All hands!"
            To tell in detail of the next few days would be boresome to any who have not tasted the dire slavery of dope. I waited for the craving to strike me again--waited with sure sardonic hopelessness. All day, all night - another day - then the miracle was forced upon my doubting brain. Contrary to all theories and supposed facts of science and common sense the craving had left me as suddenly and completely as a bad dream! At first I could not credit my senses but believed myself to be still in the grip of a dope nightmare. But it was true. From the time I quaffed the goblet in the room of mystery, I felt not the slightest desire for the stuff which had been life itself to me. This, I felt vaguely, was somehow unholy and certainly opposed to all rules of nature. If the dread being behind the screen had discovered the secret of breaking hashish's terrible power, what other monstrous secrets had he discovered and what unthinkable dominance was his? The suggestion of evil crawled serpent-like through my mind.
            I remained at Yun Shatu's house, lounging in a bunk or on cushions spread upon the floor, eating and drinking at will, but now that I was becoming a normal man again, the atmosphere became most revolting to me and the sight of the wretches writhing in their dreams reminded me unpleasantly of what I myself had been, and it repelled, nauseated me.
            So one day, when no one was watching me, I rose and went out on the street and walked along the waterfront. The air, burdened though it was with smoke and foul scents, filled my lungs with strange freshness and aroused new vigor in what had once been a powerful frame. I took new interest in the sounds of men living and working, and the sight of a vessel being unloaded at one of the wharfs actually thrilled me. The force of longshoremen was short, and presently I found myself heaving and lifting and carrying, and though the sweat coursed down my brow and my limbs trembled at the effort, I exulted in the thought that at last I was able to labor for myself again, no matter how low or drab the work might be.
            As I returned to the door of Yun Shatu's that evening - hideously weary but with the renewed feeling of manhood that comes of honest toil - Hassim met me at the door.
            "You been where?" he demanded roughly.
            "I've been working on the docks," I answered shortly.
            "You don't need to work on docks," he snarled. "The Master got work for you."
            He led the way, and again I traversed the dark stairs and the corridor under the earth. This time my faculties were alert and I decided that the passageway could not be over thirty or forty feet in length. Again I stood before the lacquer screen and again I heard the inhuman voice of living death.
            "I can give you work," said the voice. "Are you willing to work for me?"
            I quickly assented. After all, in spite of the fear which the voice inspired, I was deeply indebted to the owner.
            "Good. Take these."
            As I started toward the screen a sharp command halted me and Hassim stepped forward and reaching behind took what was offered. This was a bundle of pictures and papers, apparently.
            "Study these," said the One behind the screen, "and learn all you can about the man portrayed thereby. Yun Shatu will give you money; buy yourself such clothes as seamen wear and take a room at the front of the Temple. At the end of two days, Hassim will bring you to me again. Go!"
            The last impression I had, as the hidden door closed above me, was that the eyes of the idol, blinking through the everlasting smoke, leered mockingly at me.
            The front of the Temple of Dreams consisted of rooms for rent, masking the true purpose of the building under the guise of a waterfront boarding house. The police had made several visits to Yun Shatu but had never got any incriminating evidence against him.
            So in one of these rooms I took up my abode and set to work studying the material given me.
            The pictures were all of one man, a large man, not unlike me in build and general facial outline, except that he wore a heavy beard and was inclined to blondness whereas I am dark. The name, as written on the accompanying papers, was Major Fairlan Morley, special commissioner to Natal and the Transvaal. This office and title were new to me and I wondered at the connection between an African commissioner and an opium house on the Thames waterfront.
            The papers consisted of extensive data evidently copied from authentic sources and all dealing with Major Morley, and a number of private documents considerably illuminating on the major's private life.
            An exhaustive description was given of the man's personal appearance and habits, some of which seemed very trivial to me. I wondered what the purpose could be, and how the One behind the screen had come in possession of papers of such intimate nature.
            I could find no clue in answer to this question but bent all my energies to the task set out for me. I owed a deep debt of gratitude to the unknown man who required this of me and I was determined to repay him to the best of my ability. Nothing, at this time, suggested a snare to me.