Tuesday 6 June 2023

Tuesday's Serial: “Le Fantôme de l'Opéra” By Gaston Leroux (in French) - VII

X - AU BAL MASQUÉ

L'envelope, toute maculée de boue, ne portait aucun timbre. «Pour remettre à M. le vicomte Raoul de Chagny» et l'adresse au crayon. Ceci avait été certainement jeté dans l'espoir qu'un passant ramasserait le billet et l'apporterait à domicile; ce qui était arrivé. Le billet avait été trouvé sur un trottoir de la place de l'Opéra. Raoul le relut avec fièvre.

Il ne lui en fallait pas davantage pour renaître à l'espoir. La sombre image qu'il s'était faite un instant d'une Christine oublieuse de ses devoirs envers elle-même, fit place à la première imagination qu'il avait eue d'une malheureuse enfant innocente, victime d'une imprudence et de sa trop grande sensibilité. Jusqu'à quel point, à cette heure, était-elle vraiment victime? De qui était-elle prisonnière? Dans quel gouffre l'avait-on entraînée? Il se le demandait avec une bien cruelle angoisse; mais cette douleur même lui paraissait supportable à côté du délire où le mettait l'idée d'une Christine hypocrite et menteuse! Que s'était-il passé? Quelle influence avait-elle subie! Quel monstre l'avait ravie, et avec quelles armes?...

... Avec quelles armes donc, si ce n'étaient celles de la musique? Oui, oui, plus il y songeait, plus il se persuadait que c'était de ce côté qu'il découvrirait la vérité. Avait-il oublié le ton dont, à Perros, elle lui avait appris qu'elle avait reçu la visite de l'envoyé céleste? Et l'histoire même de Christine, dans ces derniers temps, ne devait-elle point l'aider à éclairer les ténèbres où il se débattait? Avait-il ignoré le désespoir qui s'était emparé d'elle après la mort de son père et le dégoût qu'elle avait eu alors de toutes les choses de la vie, même de son art? Au Conservatoire, elle avait passé comme une pauvre machine chantante, dépourvue d'âme. Et, tout à coup, elle s'était réveillée, comme sous le souffle d'une intervention divine. L'ange de la musique était venu! Elle chante Marguerite de Faust et triomphe!... L'Ange de la musique!... Qui donc, qui donc se fait passer à ses yeux pour ce merveilleux génie?... Qui donc, renseigné sur la légende chère au vieux Daaé, en use à ce point que la jeune fille n'est plus entre ses mains qu'un instrument sans défense qu'il fait vibrer à son gré?

Et Raoul réfléchissait qu'une telle aventure n'était point exceptionnelle. Il se rappelait ce qui était arrivé à la princesse Belmonte, qui venait de perdre son mari et dont le désespoir était devenu de la stupeur... Depuis un mois, la princesse ne pouvait ni parler ni pleurer. Cette inertie physique et morale allait s'aggravant tous les jours et l'affaiblissement de la raison amenait peu à peu l'anéantissement de la vie. On portait tous les soirs la malade dans ses jardins; mais elle ne semblait même pas comprendre où elle se trouvait. Raff, le plus grand chanteur de l'Allemagne, qui passait à Naples, voulut visiter ces jardins, renommés pour leur beauté. Une des femmes de la princesse pria le grand artiste de chanter, sans se montrer, près du bosquet où elle se trouvait étendue. Raff y consentit et chanta un air simple que la princesse avait entendu dans la bouche de son mari aux premiers jours de leur hymen. Cet air était expressif et touchant. La mélodie, les paroles, la voix admirable de l'artiste, tout se réunit pour remuer profondément l'âme de la princesse. Les larmes lui jaillirent des yeux... elle pleura, fut sauvée et resta persuadée que son époux, ce soir-là, était descendu du ciel pour lui chanter l'air d'autrefois!

—Oui... ce soir là!... Un soir, pensait maintenant Raoul, un unique soir... Mais cette belle imagination n'eût point tenu devant une expérience répétée...

Elle eût bien fini par découvrir Raff, derrière son bosquet, l'idéale et dolente princesse de Belmonte, si elle y était revenue tous les soirs, pendant trois mois...

L'ange de la musique, pendant trois mois, avait donné des leçons à Christine... Ah! c'était un professeur ponctuel!... Et maintenant, il la promenait au Bois!...

De ses doigts crispés, glissés sur sa poitrine, où battait son cœur jaloux, Raoul se déchirait la chair. Inexpérimenté, il se demandait maintenant avec terreur à quel jeu la demoiselle le conviait pour une prochaine mascarade? Et jusqu'à quel point une fille d'Opéra peut se moquer d'un bon jeune homme tout neuf à l'amour? Quelle misère!...

Ainsi la pensée de Raoul allait-elle aux extrêmes. Il ne savait plus s'il devait plaindre Christine ou la maudire et, tour à tour, il la plaignait et la maudissait. À tout hasard, cependant, il se munit d'un domino blanc.

Enfin, l'heure du rendez-vous arriva. Le visage couvert d'un loup garni d'une longue et épaisse dentelle, tout empierroté de blanc, le vicomte se prouva bien ridicule d'avoir endossé ce costume des mascarades romantiques. Un homme du monde ne se déguisait pas pour aller au bal de l'Opéra. Il eût fait sourire. Une pensée consolait le vicomte: c'était qu'on ne le reconnaîtrait certes pas! Et puis, ce costume et ce loup avaient un autre avantage: Raoul allait pouvoir se promener là-dedans «comme chez lui», tout seul, avec le désarroi de son âme et la tristesse de son cœur. Il n'aurait point besoin de feindre; il lui serait superflu de composer un masque pour son visage: il l'avait!

Ce bal était une fête exceptionnelle, donnée avant les jours gras, en l'honneur de l'anniversaire de la naissance d'un illustre dessinateur des liesses d'antan, d'un émule de Gavarni, dont le crayon avait immortalisé les «chicards» et la descente de la Courtille. Aussi devait-il avoir un aspect beaucoup plus gai, plus bruyant, plus bohème que l'ordinaire des bals masqués. De nombreux artistes s'y étaient donné rendez-vous, suivis de toute une clientèle de modèles et de rapins qui, vers minuit, commençaient de mener grand tapage.

Raoul monta le grand escalier à minuit, moins cinq, ne s'attarda en aucune sorte à considérer autour de lui le spectacle des costumes multicolores s'étalant au long des degrés de marbre, dans l'un des plus somptueux décors du monde, ne se laissa entreprendre par aucun masque facétieux, ne répondit à aucune plaisanterie, et secoua la familiarité entreprenante de plusieurs couples déjà trop gais. Ayant traversé le grand foyer et échappé à une farandole qui, un moment, l'avait emprisonné, il pénétra enfin dans le salon que le billet de Christine lui avait indiqué. Là, dans ce petit espace, il y avait un monde fou; car c'était là le carrefour où se rencontraient tous ceux qui allaient souper à la Rotonde ou qui revenaient de prendre une coupe de champagne. Le tumulte y était ardent et joyeux. Raoul pensa que Christine avait, pour leur mystérieux rendez-vous, préféré cette cohue à quelque coin isolé: on y était, sous le masque, plus dissimulé.

Il s'accota à la porte et attendit. Il n'attendit point longtemps. Un domino noir passa, qui lui serra rapidement le bout des doigts. Il comprit que c'était elle.

Il suivit.

—C'est vous, Christine? demanda-t-il entre ses dents.

Le domino se retourna vivement et leva le doigt jusqu'à la hauteur de ses lèvres pour lui recommander sans doute de ne plus répéter son nom.

Raoul continua de suivre en silence.

Il avait peur de la perdre, après l'avoir si étrangement retrouvée. Il ne sentait plus de haine contre elle. Il ne doutait même plus qu'elle dût «n'avoir rien à se reprocher», si bizarre et inexplicable qu'apparût sa conduite. Il était prêta toutes les mansuétudes, à tous les pardons, à toutes les lâchetés. Il aimait. Et, certainement, on allait lui expliquer très naturellement, tout à l'heure, la raison d'une absence aussi singulière...

Le domino noir, de temps en temps, se retournait pour voir s'il était toujours suivi du domino blanc.

Comme Raoul retraversait ainsi, derrière son guide, le grand foyer du public, il ne put faire autrement que de remarquer parmi toutes les cohues, une cohue... parmi tous les groupes s'essayant aux plus folles extravagances, un groupe qui se pressait autour d'un personnage dont le déguisement, l'allure originale, l'aspect macabre faisait sensation...

Ce personnage était vêtu tout d'écarlate avec un immense chapeau à plumes sur une tête de mort. Ah! la belle imitation de tête de mort que c'était là! Les rapins autour de lui, lui faisaient un grand succès, le félicitaient... lui demandaient chez quel maître, dans quel atelier, fréquenté de Pluton, on lui avait fait, dessiné, maquillé une aussi belle tête de mort! La «Camarde» elle-même avait dû poser.

L'homme à la tête de mort, au chapeau à plumes et au vêtement écarlate traînait derrière lui un immense manteau de velours rouge dont la flamme s'allongeait royalement sur le parquet; et sur ce manteau on avait brodé en lettres d'or une phrase que chacun lisait et répétait tout haut: «Ne me touchez pas! Je suis la Mort rouge qui passe!...»

Et quelqu'un voulut le toucher... mais une main de squelette, sortie d'une manche de pourpre, saisit brutalement le poignet de l'imprudent et celui-ci, ayant senti l'emprise des osselets, l'étreinte forcenée de la Mort qui semblait ne devoir plus le lâcher jamais, poussa un cri de douleur et d'épouvante. La Mort rouge lui ayant enfin rendu la liberté, il s'enfuit, comme un fou, au milieu des quolibets. C'est à ce moment que Raoul croisa le funèbre personnage qui, justement, venait de se tourner de son côté. Et il fut sur le point de laisser échapper un cri: «La tête de mort de Perros-Guirec!» Il l'avait reconnue!... Il voulut se précipiter, oubliant Christine; mais le domino noir, qui paraissait en proie, lui aussi, à un étrange émoi, lui avait pris le bras et l'entraînait... l'entraînait loin du foyer, hors de cette foule démoniaque où passait la Mort rouge...

À chaque instant, le domino noir se retournait et il lui sembla sans doute, par deux fois, apercevoir quelque chose qui l'épouvantait, car il précipita encore sa marche et celle de Raoul comme s'ils étaient poursuivis.

Ainsi, montèrent-ils deux étages. Là, les escaliers, les couloirs étaient à peu près déserts. Le domino noir poussa la porte d'une loge et fit signe au domino blanc d'y pénétrer derrière lui. Christine (car c'était bien elle, il put encore la reconnaître à sa voix), Christine ferma aussitôt sur lui la porte die la loge en lui recommandant à voix basse de rester dans la partie arrière de cette loge et de ne se point montrer. Raoul retira son masque. Christine garda le sien. Et comme le jeune homme allait prier la chanteuse de s'en défaire, il fut tout à fait étonné de la voir se pencher contre la cloison et écouter attentivement ce qui se passait à côté. Puis elle entr'ouvrit la porte et regarda dans le couloir en disant à voix basse: «Il doit être monté au-dessus, dans la «loge des Aveugles!»... Soudain elle s'écria: Il redescend!

Elle voulut refermer la porte mais Raoul s'y opposa, car il avait vu sur la marche la plus élevée de l'escalier qui montait à l'étage supérieur se poser un pied rouge, et puis un autre... et lentement, majestueusement, descendit tout le vêtement écarlate de la Mort rouge. Et il revit la tête de mort de Perros-Guirec.

—C'est lui! s'écria-t-il... Cette fois, il ne m'échappera pas!...

Mais Christine avait refermé la porte, dans le moment que Raoul s'élançait. Il voulut l'écarter de son chemin...

—Qui donc, lui? demanda-t-elle d'une voix toute changée... qui donc ne vous échappera pas?...

Brutalement, Raoul essaya de vaincre la résistance de la jeune fille, mais elle le repoussait avec une force inattendue... Il comprit ou crut comprendre et devint furieux tout de suite.

—Qui donc? fit-il avec rage... Mais lui? l'homme qui se dissimule sous cette hideuse image mortuaire!... le mauvais génie du cimetière de Perros!... la Mort rouge!... Enfin, votre ami, madame... Votre Ange de la musique! Mais je lui arracherai son masque du visage, comme j'arracherai le mien, et nous nous regarderons, cette fois face à face, sans voile et sans mensonge, et je saurai qui vous aimez et qui vous aime!

Il éclata d'un rire insensé, pendant que Christine, derrière son loup, faisait entendre un douloureux gémissement.

Elle étendit d'un geste tragique ses deux bras, qui mirent une barrière de chair blanche sur la porte.

—Au nom de notre amour, Raoul, vous ne passerez pas!...

Il s'arrêta. Qu'avait-elle dit?... Au nom de leur amour?... Mais jamais, jamais encore elle ne lui avait dit qu'elle l'aimait. Et cependant, les occasions ne lui avaient pas manqué!... Elle l'avait vu déjà assez malheureux, en larmes devant elle, implorant une bonne parole d'espoir qui n'était pas venue!... Elle l'avait vu malade, quasi mort de terreur et de froid après la nuit du cimetière de Perros? Était-elle seulement restée à ses côtés dans le moment qu'il avait le plus besoin de ses soins? Non! Elle s'était enfuie!... Et elle disait qu'elle l'aimait! Elle parlait «au nom de leur amour». Allons donc! Elle n'avait d'autre but que de le retarder quelques secondes... Il fallait laisser le temps à la Mort rouge de s'échapper... Leur amour? Elle mentait!...

Et il le lui dit, avec un accent de haine enfantine.

—Vous mentez, madame! car vous ne m'aimez pas, et vous ne m'avez jamais aimé! Il faut être un pauvre malheureux petit jeune homme comme moi pour se laisser jouer, pour se laisser berner comme je l'ai été! Pourquoi donc par votre attitude, par la joie de votre regard, par votre silence même, m'avoir, lors de notre première entrevue à Perros, permis tous les espoirs?—tous les honnêtes espoirs, madame, car je suis un honnête homme et je vous croyais une honnête femme, quand vous n'aviez que l'intention de vous moquer de moi! Hélas! vous vous êtes moquée de tout le monde! Vous avez honteusement abusé du cœur candide de votre bienfaitrice elle-même, qui continue cependant de croire à votre sincérité quand vous vous promenez au bal de l'Opéra, avec la Mort rouge!... Je vous méprise!...

Et il pleura. Elle le laissait l'injurier. Elle ne pensait qu'à une chose: le retenir.

—Vous me demanderez un jour pardon de toutes ces vilaines paroles, Raoul, et je vous pardonnerai!...

Il secoua la tête.

—Non! non! vous m'aviez rendu fou!... quand je pense que moi, je n'avais plus qu'un but dans la vie: donner mon nom à une fille d'Opéra!...

—Raoul!... malheureux!...

—J'en mourrai de honte!

—Vivez, mon ami, fit la voix grave et altérée de Christine... et adieu!

—Adieu, Raoul!...

Le jeune homme s'avança, d'un pas chancelant. Il osa encore un sarcasme:

—Oh! vous me permettrez bien de venir encore vous applaudir de temps en temps.

—Je ne chanterai plus, Raoul!...

—Vraiment, ajouta-t-il avec plus d'ironie encore... On vous crée des loisirs: mes compliments!... Mais on se reverra au Bois un de ces soirs!

—Ni au bois, ni ailleurs, Raoul, vous ne me verrez plus...

—Pourrait-on savoir au moins à quelles ténèbres vous retournerez?... Pour quel enfer repartez-vous, mystérieuse madame?... ou pour quel paradis?...

—J'étais venue pour vous le dire... mon ami... mais je ne peux plus rien vous dire...

... Vous ne me croiriez pas! Vous avez perdu foi en moi, Raoul, c'est fini!...

Elle dit ce «C'est fini!» sur un ton si désespéré que le jeune homme en tressaillit et que le remords de sa cruauté commença de lui troubler l'âme...

—Mais enfin, s'écria-t-il... Nous direz-vous ce que signifie tout ceci!... Vous êtes libre, sans entrave... Vous vous promenez dans la ville... vous revêtez un domino pour courir le bal... Pourquoi ne rentrez-vous pas chez vous?... Qu'avez-vous fait depuis quinze jours?... Qu'est-ce que c'est que cette histoire de l'ange de la musique que vous avez racontée à la maman Valérius? quelqu'un a pu vous tromper, abuser de votre crédulité... J'en ai été moi-même, le témoin à Perros... mais, maintenant vous savez à quoi vous en tenir!... Vous m'apparaissez fort sensée, Christine... Vous savez ce que vous faites!... et cependant la maman Valérius continue à vous attendre, en invoquant votre «bon génie»!... Expliquez-vous, Christine, je vous en prie!... D'autres y seraient trompés!... qu'est-ce que c'est que cette comédie?...

Christine, simplement, ôta son masque et dit:

—C'est une tragédie! mon ami...

Raoul vit alors son visage et ne put retenir une exclamation de surprise et d'effroi. Les fraîches couleurs d'autrefois avaient disparu. Une pâleur mortelle s'étendait sur ces traits qu'il avait connus si charmants et si doux, reflets de la grâce paisible et de la conscience sans combat. Comme ils étaient tourmentés maintenant! Le sillon de la douleur les avait impitoyablement creusés et les beaux yeux clairs de Christine, autrefois limpides comme les lacs qui servaient d'yeux à la petite Lotte, apparaissaient ce soir d'une profondeur obscure, mystérieuse et insondable, et tout cernés d'une ombre effroyablement triste.

—Mon amie! mon amie! gémit-il en tendant les bras... vous m'avez promis de me pardonner...

—Peut-être!... peut-être un jour... fit-elle en remettant son masque et elle s'en alla, lui défendant de la suivre d'un geste qui le chassait...

Il voulut s'élancer derrière elle, mais elle se retourna et répéta avec une telle autorité souveraine son geste d'adieu qu'il n'osa plus faire un pas.

Il la regarda s'éloigner... Et puis il descendit à son tour dans la foule, ne sachant point précisément ce qu'il faisait, les tempes battantes, le cœur déchiré, et il demanda, dans la salle qu'il traversait, si l'on n'avait point vu passer la Mort rouge. On lui disait: «Qui est cette Mort rouge?» Il répondait: «C'est un monsieur déguisé avec une tête de mort et en grand manteau rouge.» On lui dit partout qu'elle venait de passer, la Mort rouge, traînant son royal manteau, mais il ne la rencontra nulle part, et il retourna, vers deux heures du matin, dans le couloir qui, derrière la scène, conduisait à la loge de Christine Daaé.

Ses pas l'avaient conduit dans ce lieu où il avait commencé de souffrir. Il heurta à la porte. On ne lui répondit pas. Il entra comme il était entré alors qu'il cherchait partout la voix d'homme. La loge était déserte. Un bec de gaz brûlait, en veilleuse. Sur un petit bureau, il y avait du papier à lettres. Il pensa à écrire à Christine, mais des pas se firent entendre dans le corridor... Il n'eut que le temps de se cacher dans le boudoir qui était séparé de la loge par un simple rideau. Une main poussait la porte de la loge. C'était Christine!

Il retint sa respiration. Il voulait voir! Il voulait savoir!... Quelque chose lui disait qu'il allait assister à une partie du mystère et qu'il allait commencer à comprendre peut-être...

Christine entra, retira son masque d'un geste las et le jeta sur la table. Elle soupira, laissa tomber sa belle tête entre ses mains... À quoi pensait-elle?... À Raoul?... Non! car Raoul l'entendit murmurer: «Pauvre Erik!»

Il crut d'abord avoir mal entendu. D'abord, il était persuadé que si quelqu'un était à plaindre, c'était lui, Raoul. Quoi de plus naturel, après ce qui venait de se passer entre eux, qu'elle dît dans un soupir: «Pauvre Raoul!» Mais elle répéta en secouant la tête: «Pauvre Erik?» Qu'est-ce que cet Erik venait faire dans les soupirs de Christine et pourquoi la petite fée du Nord plaignait-elle, Erik quand Raoul était si malheureux?

Christine se mit à écrire, posément, tranquillement, si pacifiquement, que Raoul, qui tremblait encore du drame qui les séparait, en fut singulièrement et fâcheusement impressionné. «Que de sang-froid!» se dit-il... Elle écrivit ainsi, remplissant deux, trois, quatre feuillets. Tout à coup, elle dressa la tête et cacha les feuillets dans son corsage... Elle semblait écouter... Raoul aussi écouta... D'où venait ce bruit bizarre, ce rythme lointain?... Un chant sourd semblait sortir des murailles... Oui, on eût dit que les murs chantaient!... Le chant devenait plus clair... les paroles étaient intelligibles... on distingua une voix... une très belle et très douce et très captivante voix... mais tant de douceur restait cependant mâle et ainsi pouvait-on juger que cette voix n'appartenait point à une femme... La voix s'approchait toujours... elle dépassa la muraille... elle arriva... et la voix maintenant était dans la pièce, devant Christine. Christine se leva et parla à la voix comme si elle eût parlé à quelqu'un qui se fût tenu à ses côtés.

—Me voici, Erik, dit-elle, je suis prête. C'est vous qui êtes en retard, mon ami.

Raoul qui regardait prudemment, derrière son rideau, n'en pouvait croire ses yeux qui ne lui montraient rien.

La physionomie de Christine s'éclaira. Un bon sourire vint se poser sur ses lèvres exsangues, un sourire comme en ont les convalescents quand ils commencent à espérer que le mal qui les a frappés ne les emportera pas.

La voix sans corps se reprit à chanter et certainement Raoul n'avait encore rien entendu au monde—comme voix unissant, dans le même temps, avec le même souffle, les extrêmes—de plus largement et héroïquement suave, de plus victorieusement insidieux, de plus délicat dans la force, de plus fort dans la délicatesse, enfin de plus irrésistiblement triomphant. Il y avait là des accents définitifs qui chantaient en maîtres et qui devaient certainement, par la seule vertu de leur audition, faire naître des accents élevés chez les mortels qui sentent, aiment et traduisent la musique. Il y avait là une source tranquille et pure d'harmonie à laquelle les fidèles pouvaient en toute sûreté dévotement boire, certains qu'ils étaient d'y boire la grâce musicienne. Et leur art, du coup, ayant touché le divin, en était transfiguré. Raoul écoutait cette voix avec fièvre et il commençait à comprendre comment Christine Daaé avait pu apparaître un soir au public stupéfait, avec des accents d'une beauté inconnue, d'une exaltation surhumaine, sans doute encore sous l'influence du mystérieux et invisible maître! Et il comprenait d'autant plus un si considérable événement en écoutant l'exceptionnelle voix que celle-ci ne chantait rien justement d'exceptionnel: avec du limon, elle avait fait de l'azur. La banalité du vers et la facilité et la presque vulgarité populaire de la mélodie n'en apparaissaient que transformées davantage en beauté par un souffle qui les soulevait et les emportait en plein ciel sur les ailes de la passion. Car cette voix angélique glorifiait un hymne païen.

Cette voix chantait «la nuit d'hyménée» de Roméo et Juliette.

Raoul vit Christine tendre les bras vers la voix, comme elle avait fait dans le cimetière de Perros, vers le violon invisible qui jouait La Résurrection de Lazare...

Rien ne pourrait rendre la passion dont la voix dit:

La destinée t'enchaîne à moi sans retour!...

Raoul en eut le cœur transpercé et, luttant contre le charme qui semblait lui ôter toute volonté et toute énergie, et presque toute lucidité dans le moment qu'il lui en fallait le plus, il parvint à tirer le rideau qui le cachait et il marcha vers Christine. Celle-ci, qui s'avançait vers le fond de la loge dont tout le pan était occupé par une grande glace qui lui renvoyait son image, ne pouvait pas le voir, car il était tout à fait derrière elle et entièrement masqué par elle.

La destinée t'enchaîne à moi sans retour!...

Christine marchait toujours vers son image et son image descendait vers elle. Les deux Christine—le corps, et l'image—finirent par se toucher, se confondre, et Raoul étendit le bras pour les saisir d'un coup toutes les deux.

Mais par une sorte de miracle éblouissant qui le fit chanceler, Raoul fut tout à coup rejeté en arrière, pendant qu'un vent glacé lui balayait le visage; il vit non plus deux, mais quatre, huit, vingt Christine, qui tournèrent autour de lui avec une telle légèreté, qui se moquaient et qui, si rapidement s'enfuyaient, que sa main n'en put toucher aucune. Enfin, tout redevint immobile et il se vit, lui, dans la glace. Mais Christine avait disparu.

Il se précipita sur la glace. Il se heurta aux murs. Personne! Et cependant la loge résonnait encore d'un rythme lointain, passionné:

La destinée, t'en chaîne à moi sans retour!...

Ses mains pressèrent son front en sueur, tâtèrent sa chair éveillée, tâtonnèrent la pénombre, rendirent à la flamme du bec de gaz toute sa force. Il était sûr qu'il ne rêvait point. Il se trouvait au centre d'un jeu formidable, physique et moral, dont il n'avait point la clef et qui peut-être allait le broyer. Il se faisait vaguement l'effet d'un prince aventureux qui a franchi la limite défendue d'un conte de fée et qui ne doit plus s'étonner d'être la proie des phénomènes magiques qu'il a inconsidérément bravés et déchaînés par amour...

Par où? Par où Christine était-elle partie?...

Par où reviendrait-elle?...

Reviendrait-elle?... Hélas! ne lui avait-elle point affirmé que tout était fini!... et la muraille ne répétait-elle point: La destinée t'enchaîne à moi sans retour? À moi? À qui?

Alors, exténué, vaincu, le cerveau vague, il s'assit à la place même qu'occupait tout à l'heure Christine. Comme elle, il laissa sa tête tomber dans ses mains. Quand il la releva, des larmes coulaient abondantes au long de son jeune visage, de vraies et lourdes larmes, comme en ont les enfants jaloux, des larmes qui pleuraient sur un malheur nullement fantastique, mais commun à tous les amants de la terre et qu'il précisa tout haut:

—Qui est cet Erik? dit-il.

 

 

XI - IL FAUT OUBLIER LE NOM DE «LA VOIX D'HOMME»

Le lendemain du jour où Christine avait disparu à ses yeux dans une espèce d'éblouissement qui le faisait encore douter de ses sens, M. le vicomte de Chagny se rendit aux nouvelles chez la maman Valérius. Il tomba sur un tableau charmant.

Au chevet de la vieille dame qui, assise dans son lit, tricotait, Christine faisait de la dentelle. Jamais ovale plus charmant, jamais front plus pur, jamais regard plus doux ne se penchèrent sur un ouvrage de vierge. De fraîches couleurs étaient revenues aux joues de la jeune fille. Le cerne bleuâtre de ses yeux clairs avait disparu. Raoul ne reconnut plus le visage tragique de la veille. Si le voile de la mélancolie répandu sur ces traits adorables n'était apparu au jeune homme comme le dernier vestige du drame inouï où se débattait cette mystérieuse enfant, il eût pu penser que Christine n'en était point l'incompréhensible héroïne.

Elle se leva à son approche sans émotion apparente et lui tendit la main. Mais la stupéfaction de Raoul était telle qu'il restait là, anéanti, sans un geste, sans un mot.

—Eh bien, monsieur de Chagny, s'exclama la maman Valérius. Vous ne connaissez donc plus notre Christine? Son «bon génie» nous l'a rendue!

—Maman! interrompit la jeune fille sur un ton bref, cependant qu'une vive rougeur lui montait jusqu'aux yeux, maman, je croyais qu'il ne serait jamais plus question de cela!... Vous savez bien qu'il n'y a pas de génie de la musique!

—Ma fille, il t'a pourtant donné des leçons pendant trois mois!

—Maman, je vous ai promis de tout vous expliquer un jour prochain; je l'espère... mais, jusqu'à ce jour-là, vous m'avez promis le silence et de ne plus m'interroger jamais!

—Si tu me promettais, toi, de ne plus me quitter! mais m'as-tu promis cela, Christine?

—Maman, tout ceci ne saurait intéresser M. de Chagny...

—C'est ce qui vous trompe, mademoiselle, interrompit le jeune homme d'une voix qu'il voulait rendre ferme et brave et qui n'était encore que tremblante; tout ce qui vous touche m'intéresse à un point que vous finirez peut-être par comprendre. Je ne vous cacherai pas que mon étonnement égale ma joie en vous retrouvant aux côtés de votre tolère adoptive et que ce qui s'est passé hier entre nous, ce que vous avez pu me dire, ce que j'ai pu deviner, rien ne me faisait prévoir un aussi prompt retour. Je serais le premier à m'en réjouir si vous ne vous obstiniez point à conserver sur tout ceci un secret qui peut vous être fatal..., et je suis votre ami depuis trop longtemps pour ne point m'inquiéter, avec Mme Valérius, d'une funeste aventure qui restera dangereuse tant que nous n'en aurons point démêlé la trame et dont vous finirez bien par être victime, Christine.

À ces mots, la maman Valérius s'agita dans son lit.

—Qu'est-ce que cela veut dire? s'écria-t-elle... Christine est donc en danger?

—Oui, madame..., déclara courageusement Raoul, malgré les signes de Christine.

—Mon Dieu! s'exclama, haletante, la bonne et naïve vieille. Il faut tout me dire, Christine! Pourquoi me rassurais-tu? Et de quel danger s'agit-il, monsieur de Chagny?

—Un imposteur est en train d'abuser de sa bonne foi!

—L'ange de la musique est un imposteur?

—Elle vous a dit elle-même qu'il n'y a pas d'ange de la musique!

—Eh! qu'y a-t-il donc, au nom du Ciel? supplia l'impotente! Vous me ferez mourir!

—Il y a, madame, autour de nous, autour de vous, autour de Christine, un mystère terrestre beaucoup plus à craindre que tous les fantômes et tous les génies!

La maman Valérius tourna vers Christine un visage terrifié, mais celle-ci s'était déjà précipitée vers sa mère adoptive et la serrait dans ses bras:

—Ne le crois pas! bonne maman..., ne le crois pas, répétait-elle... et elle essayait, par ses caresses, de la consoler, car la vieille dame poussait des soupirs à fendre l'âme.

—Alors, dis-moi que tu ne me quitteras plus! implora la veuve du professeur.

Christine se taisait et Raoul reprit:

—Voilà ce qu'il faut promettre, Christine... C'est la seule chose qui puisse nous rassurer, votre mère et moi! Nous nous engageons à ne plus vous poser une seule question sur le passé, si vous nous promettez de rester sous notre sauvegarde à l'avenir...

—C'est un engagement que je ne vous demande point, et c'est une promesse que je ne vous ferai pas! prononça la jeune fille avec fierté. Je suis libre de mes actions, monsieur de Chagny; vous n'avez aucun droit à les contrôler et je vous prierai de vous en dispenser désormais. Quant à ce que j'ai fait depuis quinze jours, il n'y a qu'un homme au monde qui aurait le droit d'exiger que je lui en fasse le récit: mon mari! Or, je n'ai pas de mari, et je ne marierai jamais!

Disant cela avec force, elle étendit la main du côté de Raoul, comme pour rendre ses paroles plus solennelles, et Raoul pâlit, non point seulement à cause des paroles mêmes qu'il venait d'entendre, mais parce qu'il venait d'apercevoir, au doigt de Christine, un anneau d'or.

—Vous n'avez pas de mari, et, cependant, vous portez une «alliance».

Et il voulut saisir sa main, mais, prestement, Christine la lui avait retirée.

—C'est un cadeau! fit-elle en rougissant encore et en s'efforçant vainement de cacher son embarras.

—Christine! puisque vous n'avez point de mari, cet anneau ne peut vous avoir été donné que par celui qui espère le devenir! Pourquoi nous tromper plus avant? Pourquoi me torturer davantage? Cet anneau est une promesse! et cette promesse a été acceptée!

—C'est ce que je lui ai dit! s'exclama la vieille dame.

—Et que vous a-t-elle répondu, madame?

—Ce que j'ai voulu, s'écria Christine exaspérée. Ne trouvez-vous point, monsieur, que cet interrogatoire a trop duré?... Quant à moi...

Raoul, très ému, craignit de lui laisser prononcer les paroles d'une rupture définitive. Il l'interrompit:

—Pardon de vous avoir parlé ainsi, mademoiselle... Vous savez bien quel honnête sentiment me fait me mêler, en ce moment, de choses qui, sans doute, ne me regardent pas! Mais laissez-moi vous dire ce que j'ai vu... et j'en ai vu plus que vous ne pensez, Christine... ou ce que j'ai cru voir, car, en vérité, c'est bien le moins qu'en une telle aventure, on doute du témoignage de ses yeux...

—Qu'avez-vous donc vu, monsieur, ou cru voir?

—J'ai vu votre extase au son de la voix, Christine! de la voix qui sortait du mur, ou d'une loge, ou d'un appartement à côté... oui, votre extase!... Et c'est cela qui, pour vous, m'épouvante!... Vous êtes sous le plus dangereux des charmes!... Et il paraît, cependant, que vous vous êtes rendu compte de l'imposture, puisque vous dites aujourd'hui qu'il n'y a pas de génie de la musique... Alors, Christine, pourquoi l'avez-vous suivi cette fois encore? Pourquoi vous êtes-vous levée, la figure rayonnante, comme si vous entendiez réellement les anges?... Ah! cette voix est bien dangereuse, Christine, puisque moi-même, pendant que je l'entendais, j'en étais tellement ravi, que vous êtes disparue à mes yeux, sans que je puisse dire par où vous êtes passée!... Christine! Christine! au nom du ciel, au nom de votre père qui est au ciel et qui vous a tant aimée, et qui m'a aimé, Christine, vous allez nous dire, à votre bienfaitrice et à moi, à qui appartient cette voix! Et malgré vous, nous vous sauverons!... Allons! le nom de cet homme, Christine?... De cet homme qui a eu l'audace de passer à votre doigt un anneau d'or!

—Monsieur de Chagny, déclara froidement la jeune fille, vous ne le saurez jamais!...

Sur quoi on entendit la voix aigre de la maman Valérius qui, tout à coup, prenait le parti de Christine, en voyant avec quelle hostilité sa pupille venait de s'adresser au vicomte.

—Et si elle l'aime, monsieur le vicomte, cet homme-là, cela ne vous regarde pas encore!

—Hélas! madame, reprit humblement Raoul, qui ne put retenir ses larmes... Hélas! Je crois, en effet, que Christine l'aime... Tout me le prouve, mais ce n'est point là seulement ce qui fait mon désespoir, car ce dont je ne suis point sûr, madame, c'est que celui qui est aimé de Christine soit digne de cet amour!

—C'est à moi seule d'en juger, monsieur! fit Christine en regardant Raoul bien en face et en lui montrant un visage en proie à une irritation souveraine.

—Quand on prend, continua Raoul, qui sentait ses forces l'abandonner, pour séduire une jeune fille, des moyens aussi romantiques...

—Il faut, n'est-ce pas, que l'homme soit misérable ou que la jeune fille soit bien sotte?

—Christine!

—Raoul, pourquoi condamnez-vous ainsi un homme que vous n'avez jamais vu, que personne ne connaît et dont vous-même vous ne savez rien?...

—Si, Christine... Si... Je sais au moins ce nom que vous prétendez me cacher pour toujours... Votre ange de la musique, mademoiselle, s'appelle Erik!...

Christine, se trahit aussitôt. Elle devint, cette fois, blanche comme une nappe d'autel. Elle balbutia:

—Qui est-ce qui vous l'a dit?

—Vous-même!

—Comment cela?

—En le plaignant, l'autre soir, le soir du bal masqué. En arrivant dans votre loge, n'avez-vous point dit: «Pauvre Erik!» Eh bien! Christine, il y avait, quelque part, un pauvre Raoul qui vous a entendu.

—C'est la seconde fois que vous écoutez aux portes, monsieur de Chagny!

—Je n'étais point derrière la porte!... J'étais dans la loge!... dans votre boudoir, mademoiselle.

—Malheureux! gémit la jeune fille, qui montra toutes les marques d'un indicible effroi... Malheureux! Vous voulez donc qu'on vous tue?

—Peut-être!

Raoul prononça ce «peut-être» avec tant d'amour et de désespoir que Christine ne put retenir un sanglot.

Elle lui prit alors les mains et le regarda avec toute la pure tendresse dont elle était capable, et le jeune homme, sous ces yeux-là, sentit que sa peine était déjà apaisée.

—Raoul, dit-elle. Il faut oublier la voix d'homme et ne plus vous souvenir même de son nom... et ne plus tenter jamais de pénétrer le mystère de la voix d'homme.

Ce mystère est donc bien terrible?

—Il n'en est point de plus affreux sur la terre!

Un silence sépara les jeunes gens. Raoul était, accablé.

—Jurez-moi que vous ne ferez rien pour «savoir», insista-t-elle... Jurez-moi que vous n'entrerez plus dans ma loge si je ne vous y appelle pas.

—Vous me promettez de m'y appeler quelquefois, Christine?

—Je vous le promets.

—Quand?

—Demain.

—Alors, je vous jure cela!

Ce furent leurs derniers mots ce jour-là.

Il lui baisa les mains et s'en alla en maudissant Erik et en se promettant d'être patient.

Saturday 3 June 2023

Good Reading: Four Short Letters from Billy the Kid do the Governor Lew Wallace (in English)

 

Santa Fe

Jan 1st 1881

 

Gov. Lew Wallace

 

Dear Sir

     I would like to see you for a few moments if you can spare time.

 

Yours Respect-

W.H. Bonney

 

***

 

Santa Fe Jail   New Mex

March 2d 1881

 

Gov. Lew Wallace

Dear Sir,

 

      I wish you would come down to the jail and see me. it will be to your interest to come and see me. I have some letters which date back two years, and there are Parties who are very anxious to get them but I shall not dispose of them until I see you. that is if you will come imediately.

 

Yours Respect-

Wm H. Bonney

 

***

 

Santa Fe in Jail

March 4, 1881

 

Gov. Lew Wallace

Dear Sir

 

      I wrote You a little note the day before yesterday but have received no answer. I Expect you have forgotten what you promised me, this Month two years ago, but I have not and I think You had ought to have come and seen me as I requested you to. I have done everything that I promised you I would and You have done nothing that You promised me.

 

      I think when You think the matter over You will come down and See me, and I can then Explain Everything to You.

 

      Judge Leonard Passed through here on his way East, in January and promised to come and See me on his way back, but he did not fulfill his Promise. It looks to me like I am getting left in the Cold. I am not treated right by Sherman, he lets Every Stranger that comes to see me through Curiosity in to see me, but will not let a Single one of my friends in, Not even an Attorney.

 

      I guess they mean to Send me up without giving me any Show but they will have a nice time doing it. I am not intirely without friends.

 

       I shall Expect to See you some time today.

 

 Patiently Waiting

 I am truly Yours Respect-

Wm. H. Bonney

 

***

 

Santa Fe New Mexico

March 27th /81

 

Gov. Lew Wallace

Dear Sir

 

      For the last time I ask, Will you keep your promise. I start below tomorrow send awnser by bearer.

 

Yours Respt-

W.Bonney

Friday 2 June 2023

Friday's Sung Word: "Seu Zé" by Noel Rosa (in Portuguese)

  This song is a parody of "Boneca" by Aldo Cabral and Benedito Lacerda.

Compare with "Eu Vi num Armazém".

Eu vi num armazém de Cascadura
Seu Zé vendendo a mil e cem
Trezentos réis de rapadura.

Lá no Banco do Brasil
Seu Zé depositou três mil
Botando água no vinho do barril.

Seus lábios só se abriam pra falar
Das velhas contas a cobrar,
Dos que morreram sem pagar...

Eram lábios agressores,
Dois grandes cobradores
Dos seus devedores.

Os seus cabelos tinha a cor do burro
Quando foge do amansador
Seus olhos eram circunflexos,
Perplexos e desconexos,

Mãos de usurário, braços de sicário,
Corpo de macaco, chimpanzé maduro,
Enfim, eu vi neste velhote
Um imortal pão-duro

 

You can hear  "Seu Zé" sung by  Caola here.

Thursday 1 June 2023

Thursday's Serial: "Threads of Grey and Gold” by Myrtle Reed (in English) - IX

 

THE RIGHTS OF DOGS

We hear a great deal about the “rights of men” and still more, perhaps, about the “rights of women,” but few stop to consider those which properly belong to the friend and companion of both—the dog.

According to our municipal code, a dog must be muzzled from June 1st to September 30th. The wise men who framed this measure either did not know, or did not stop to consider, that a dog perspires and “cools off” only at his mouth.

Man and the horse have tiny pores distributed all over the body, but in the dog they are found only in the tongue.

Any one who has had a fever need not be told what happened when these pores ceased to act; what, then, must be the sufferings of a dog on a hot day, when, securely muzzled, he takes his daily exercise?

Even on the coolest days, the barbarous muzzle will fret a thoroughbred almost to insanity, unless, indeed, he has brains to free himself, as did a brilliant Irish setter which we once knew. This wise dog would run far ahead of his human guardian, and with the help of his forepaws slip the strap over his slender head, then hide the offending muzzle in the gutter, and race onward again. When the loss was discovered, it was far too late to remedy it by any search that could be instituted.

And still, without this uncomfortable encumbrance, it is unsafe for any valuable dog to be seen, even on his own doorsteps, for the “dog-catcher” is ever on the look-out for blue-blooded victims.

The homeless mongrel, to whom a painless death would be a blessing, is left to get a precarious living as best he may from the garbage boxes, and spread pestilence from house to house, but the setter, the collie, and the St. Bernard are choked into insensibility with a wire noose, hurled into a stuffy cage, and with the thermometer at ninety in the shade, are dragged through the blistering city, as a sop to that Cerberus of the law which demands for its citizens safety from dogs, and pays no attention to the lawlessness of men.

The dog tax which is paid every year is sufficient to guarantee the interest of the owner in his dog. Howells has pitied “the dogless man,” and Thomas Nelson Page has said somewhere that “some of us know what it is to be loved by a dog.”

Countless writers have paid tribute to his fidelity and devotion, and to the constant forgiveness of blows and neglect which spring from the heart of the commonest cur.

The trained hunter, who is as truly a sportsman as the man who brings down the birds he finds, can be easily fretted into madness by the injudicious application of the muzzle.

The average dog is a gentleman and does not attack people for the pleasure of it, and it is lamentably true that people who live in cities often find it necessary to keep some sort of a dog as a guardian to life and property. In spite of his loyalty, which every one admits, the dog is an absolute slave. Men with less sense, and less morality, constitute a court from which he has no appeal.

Four or five years of devotion to his master’s interests, and four or five years of peaceful, friendly conduct, count for absolutely nothing beside the perjured statement of some man, or even woman, who, from spite against the owner, is willing to assert, “the dog is vicious.”

“He is very imprudent, a dog is,” said Jerome K. Jerome. “He never makes it his business to inquire whether you are in the right or wrong—never bothers as to whether you are going up or down life’s ladder—never asks whether you are rich or poor, silly or wise, saint or sinner. You are his pal. That is enough for him, and come luck or misfortune, good repute or bad, honour or shame, he is going to stick to you, to comfort you, guard you, and give his life for you, if need be—foolish, brainless, soulless dog!

“Ah! staunch old friend, with your deep, clear eyes, and bright quick glances that take in all one has to say, before one has time to speak it, do you know you are only an animal and have no mind?

“Do you know that dull-eyed, gin-sodden lout leaning against the post out there is immeasurably your intellectual superior? Do you know that every little-minded selfish scoundrel, who never had a thought that was not mean and base—whose every action is a fraud and whose every utterance is a lie; do you know that these are as much superior to you as the sun is to the rush-light, you honourable, brave-hearted, unselfish brute?

“They are men, you know, and men are the greatest, noblest, wisest, and best beings in the universe. Any man will tell you that.”

Are the men whom we elect to public office our masters or our servants? If the former, let us change our form of government; if the latter, let us hope that from somewhere a little light may penetrate their craniums and that they may be induced to give the dog a chance.

 

 

TWILIGHT

The birds were hushed into silence,

The clouds had sunk from sight,

And the great trees bowed to the summer breeze

That kissed the flowers good-night.

 

The stars came out in the cool still air,

From the mansions of the blest,

And softly, over the dim blue hills,

Night came to the world with rest.

 

 

WOMEN’S CLOTHES IN MEN’S BOOKS

When asked why women wrote better novels than men, Mr. Richard Le Gallienne is said to have replied, more or less conclusively, “They don’t”; thus recalling Punch’s famous advice to those about to marry.

Happily there is no segregation in literature, and masculine and feminine hands alike may dabble in fiction, as long as the publishers are willing.

If we accept Zola’s dictum to the effect that art is nature seen through the medium of a temperament, the thing is possible to many, though the achievement may differ both in manner and degree. For women have temperament—too much of it—as the hysterical novelists daily testify.

The gentleman novelist, however, prances in boldly, where feminine feet well may fear to tread, and consequently has a wider scope for his writing. It is not for a woman to mingle in a barroom brawl and write of the thing as she sees it. The prize-ring, the interior of a cattle-ship, Broadway at four in the morning—these and countless other places are forbidden by her innate refinement as well as by the Ladies’ Own, and all the other aunties who have taken upon themselves the guardianship of the Home with a big H.

Fancy the outpouring of scorn upon the luckless offender’s head if one should write to the Manners and Morals Department of the Ladies’ Own as follows: “Would it be proper for a lady novelist, in search of local colour and new experiences, to accept the escort of a strange man at midnight if he was too drunk to recognise her afterward?” Yet a man in the same circumstances would not hesitate to put an intoxicated woman into a sea-going cab, and would plume himself for a year and a day upon his virtuous performance.

All things are considered proper for a man who is about to write a book. Like the disciple of Mary McLane who stole a horse in order to get the emotions of a police court, he may delve deeply not only into life, but into that under-stratum which is not spoken of, where respectable journals circulate.

Everything is fish that comes into his net. If conscientious, he may even undertake marriage in order to study the feminine personal equations at close range. Woman’s emotions, singly and collectively, are pilloried before his scientific gaze. He cowers before one problem, and one only—woman’s clothes!

Carlyle, after long and painful thought, arrives at the conclusion that “cut betokens intellect and talent; colour reveals temper and heart.”

This reminds one of the language of flowers, and the directions given for postage-stamp flirtation. If that massive mind had penetrated further into the mysteries of the subject, we might have been told that a turnover collar indicated that the woman was a High Church Episcopalian who had embroidered two altar cloths, and that suède gloves show a yielding but contradictory nature.

Clothes are, undoubtedly, indices of character and taste, as well as a sop to conventionality, but this only when one has the wherewithal to browse at will in the department store. Many a woman with ermine tastes has only a rabbit-fur pocket-book, and thus her clothes wrong her in the sight of gods and women, though men know nothing about it.

Once upon a time there was a notion to the effect that women dressed to please men, but that idea has long since been relegated to the limbo of forgotten things.

Not one man in a thousand can tell the difference between Brussels point at thirty dollars a yard, and imitation Valenciennes at ten or fifteen cents a yard which was one of the “famous Friday features in the busy bargain basement.”

But across the room, yea, even from across the street, the eagle eye of another woman can unerringly locate the Brussels point and the mock Valenciennes.

A man knows silk by the sound of it and diamonds by the shine. He will say that his heroine “was richly dressed in silk.” Little does he wot of the difference between taffeta at eighty-five cents a yard and broadcloth at four dollars. Still less does he know that a white cotton shirt-waist represents financial ease, and a silk waist of festive colouring represents poverty, since it takes but two days to “do up” a white shirt-waist in one sense, and thirty or forty cents to do it up in the other!

One listens with wicked delight to men’s discourse upon woman’s clothes. Now and then a man will express his preference for a tailored gown, as being eminently simple and satisfactory. Unless he is married and has seen the bills for tailored gowns, he also thinks they are inexpensive.

It is the benedict, wise with the acquired knowledge of the serpent, who begs his wife to get a new party gown and let the tailor-made go until next season. He also knows that when the material is bought, the expense has scarcely begun, whereas the ignorant bachelor thinks that the worst is happily over.

In A Little Journey through the World Mr. Warner philosophised thus: “How a woman in a crisis hesitates before her wardrobe, and at last chooses just what will express her innermost feelings!”

If all a woman’s feelings were to be expressed by her clothes, the benedicts would immediately encounter financial shipwreck. On account of the lamentable scarcity of money and closets, one is eternally adjusting the emotion to the gown.

Some gown, seen at the exact psychological moment, fixes forever in a man’s mind his ideal garment. Thus we read of blue calico, of pink-and-white print, and more often still, of white lawn. Mad colour combinations run riot in the masculine fancy, as in the case of a man who boldly described his favourite costume as “red, with black ruffles down the front!”

Of a hat, a man may be a surpassingly fine critic, since he recks not of style. Guileful is the woman who leads her liege to the millinery and lets him choose, taking no heed of the price and the attendant shock until later.

A normal man is anxious that his wife shall be well dressed because it shows the critical observer that his business is a great success. After futile explorations in the labyrinth, he concerns himself simply with the fit, preferring always that the clothes of his heart’s dearest shall cling to her as lovingly as a kid glove, regardless of the pouches and fulnesses prescribed by Dame Fashion.

In the writing of books, men are at their wits’ end when it comes to women’s clothes. They are hampered by no restrictions—no thought of style or period enters into their calculations, and unless they have a wholesome fear of the unknown theme, they produce results which further international gaiety.

Many an outrageous garment has been embalmed in a man’s book, simply because an attractive woman once wore something like it when she fed the novelist. Unbalanced by the joy of the situation, he did not accurately observe the garb of the ministering angel, and hence we read of “a clinging white gown” in the days of stiff silks and rampant crinoline; of “the curve of the upper arm” when it took five yards for a pair of sleeves, and of “short walking skirts” during the reign of bustles and trains!

In The Blazed Trail, Mr. White observes that his heroine was clad in brown which fitted her slender figure perfectly. As Hilda had yellow hair, “like corn silk,” this was all right, and if the brown was of the proper golden shade, she was doubtless stunning when Thorpe first saw her in the forest. But the gown could not have fitted her as the sheath encases the dagger, for before the straight-front corsets there were the big sleeves, and still further back were bustles and bouffant draperies. One does not get the impression that The Blazed Trail was placed in the days of crinolines, but doubtless Hilda’s clothes did not fit as Mr. White seems to think they did.

That strenuous follower of millinery, Mr. Gibson, might give lessons to his friend, Mr. Davis, with advantage to the writer, if not to the artist. In Captain Macklin, the young man’s cousin makes her first appearance in a thin gown, and a white hat trimmed with roses, reminding the adventurous captain of a Dresden statuette, in spite of the fact that she wore heavy gauntlet gloves and carried a trowel. The lady had been doing a hard day’s work in the garden. No woman outside the asylum ever did gardening in such a costume, and Mr. Davis evidently has the hat and gown sadly mixed with some other pleasant impression.

The feminine reader immediately hides Mr. Davis’ mistake with the broad mantle of charity, and in her own mind clothes Beatrice properly in a short walking skirt, heavy shoes, shirt-waist, old hat tied down over the ears with a rumpled ribbon, and a pair of ancient masculine gloves, long since discarded by their rightful owner. Thus does lovely woman garden, except on the stage and in men’s books.

In The Story of Eva, Mr. Payne announces that Eva climbed out of a cab in “a fawn-coloured jacket,” conspicuous by reason of its newness, and a hat “with an owl’s head upon it!”

The jacket was possibly a coat of tan covert cloth with strapped seams, but it is the startling climax which claims attention. An owl! Surely not, Mr. Payne! It may have been a parrot, for once upon a time, before the Audubon Society met with widespread recognition, women wore such things, and at afternoon teas where many fair ones were gathered together the parrot garniture was not without significance. But an owl’s face, with its glaring glassy eyes, is too much like a pussy cat’s to be appropriate, and one could not wear it at the back without conveying an unpleasant impression of two-facedness, if the coined word be permissible.

Still the owl is no worse than the trimming suggested by a funny paper. The tears of mirth come yet at the picture of a hat of rough straw, shaped like a nest, on which sat a full-fledged Plymouth Rock hen, with her neck proudly, yet graciously curved. Perhaps Mr. Payne saw the picture and forthwith decided to do something in the same line, but there is a singular inappropriateness in placing the bird of Minerva upon the head of poor Eva, who made the old, old bargain in which she had everything to lose, and nothing save the bitterest experience to gain. A stuffed kitten, so young and innocent that its eyes were still blue and bleary, would have been more appropriate on Eva’s bonnet, and just as pretty.

In The Fortunes of Oliver Horn, Margaret Grant wears a particularly striking costume:

“The cloth skirt came to her ankles, which were covered with yarn stockings, and her feet were encased in shoes that gave him the shivers, the soles being as thick as his own and the leather as tough.

“Her blouse was of grey flannel, belted to the waist by a cotton saddle-girth, white and red, and as broad as her hand. The tam-o-shanter was coarse and rough, evidently home-made, and not at all like McFudd’s, which was as soft as the back of a kitten and without a seam.”

With all due respect to Mr. Smith, one must insist that Margaret’s shoes were all right as regards material and build. She would have been more comfortable if they had been “high-necked” shoes, and, in that case, the yarn hosiery would not have troubled him, but that is a minor detail. The quibble comes at the belt, and knowing that Margaret was an artist, we must be sure that Mr. Smith was mistaken. It may have been one of the woven cotton belts, not more than two inches wide, which, for a dizzy moment, were at the height of fashion, and then tottered and fell, but a “saddle-girth”—never!

In that charming morceau, The Inn of the Silver Moon, Mr. Viele puts his heroine into plaid stockings and green knickerbockers—an outrageous costume truly, even for wheeling.

As if recognising his error, and, with veritable masculine stubbornness, refusing to admit it, Mr. Viele goes on to say that the knickerbockers were “tailor-made!” And thereby he makes a bad matter very much worse.

In The Wings of the Morning, Iris, in spite of the storm through which the Sirdar vainly attempts to make its way, appears throughout in a “lawn dress”—white, undoubtedly, since all sorts and conditions of men profess to admire white lawn!

How cold the poor girl must have been! And even if she could have been so inappropriately gowned on shipboard, she had plenty of time to put on a warm and suitable tailor-made gown before she was shipwrecked. This is sheer fatuity, for any one with Mr. Tracy’s abundant ingenuity could easily have contrived ruin for the tailored gown in time for Iris to assume masculine garb and participate bravely in that fearful fight on the ledge.

Whence, oh whence, comes this fondness for lawn? Are not organdies, dimities, and embroidered muslins fully as becoming to the women who trip daintily through the pages of men’s books? Lawn has been a back number for many a weary moon, and still we read of it!

“When in doubt, lead trumps,” might well be paraphrased thus: “When in doubt, put her into white lawn!” Even “J. P. M.,” that gentle spirit to whom so many hidden things were revealed, sent his shrewish “Kate” off for a canter through the woods in a white gown, and, if memory serves, it was lawn!

In The Master, Mr. Zangwill describes Eleanor Wyndwood as “the radiant apparition of a beautiful woman in a shimmering amber gown, from which her shoulders rose dazzling.”

So far so good. But a page or two farther on, that delightful minx, Olive Regan, wears “a dress of soft green-blue cut high, with yellow roses at the throat.” One wonders whether Mr. Zangwill ever really saw a woman in any kind of a gown “with yellow roses at the throat,” or whether it is but the slip of an overstrained fancy. The fact that he has married since writing this gives a goodly assurance that by this time he knows considerably more about gowns.

Still there is always a chance that the charm may not work, for Mr. Arthur Stringer, who has been reported as being married to a very lovely woman, takes astonishing liberties in The Silver Poppy:

“She floated in before Reppellier, buoyant, smiling, like a breath of open morning itself, a confusion of mellow autumnal colours in her wine-coloured gown, and a hat of roses and mottled leaves.

“Before she had as much as drawn off her gloves—and they were always the most spotless of white gloves—she glanced about in mock dismay, and saw that the last of the righting up had already been done.”

Later, we read that the artist pinned an American Beauty upon her gown, then shook his head over the colour combination and took it off. If the American Beauty jarred enough for a man to notice it, the dress must have been the colour of claret, or Burgundy, rather than the clear soft gold of sauterne.

This brings us up with a short turn before the hat. What colour were the roses? Surely they were not American Beauties, and they could not have been pink. Yellow roses would have been a fright, so they must have been white ones, and a hat covered with white roses is altogether too festive to wear in the morning. The white gloves also would have been sadly out of place.

What a comfort it would be to all concerned if the feminine reader could take poor Cordelia one side and fix her up a bit! One could pat the artistic disorder out of her beautiful yellow hair, help her out of her hideous clothes into a grey tailor-made, with a shirt-waist of mercerised white cheviot, put on a stock of the same material, give her a “ready-to-wear” hat of the same trig-tailored quality, and, as she passed out, hand her a pair of grey suède gloves which exactly matched her gown.

Though grey would be more becoming, she might wear tan as a concession to Mr. Stringer, who evidently likes yellow.

In the same book, we find a woman who gathers up her “yellow skirts” and goes down a ladder. It might have been only a yellow taffeta drop-skirt under tan etamine, but we must take his word for it, as we did not see it and he did.

As the Chinese keep the rat tails for the end of the feast, the worst clothes to be found in any book must come last by way of climax. Mr. Dixon, in The Leopard’s Spots, has easily outdone every other knight of the pen who has entered the lists to portray women’s clothes. Listen to the inspired description of Miss Sallie’s gown!

“She was dressed in a morning gown of a soft red material, trimmed with old cream lace. The material of a woman’s dress had never interested him before. He knew calico from silk, but beyond that he never ventured an opinion. To colour alone he was responsive. This combination of red and creamy white, with the bodice cut low, showing the lines of her beautiful white shoulders, and the great mass of dark hair rising in graceful curves from her full round neck, heightened her beauty to an extraordinary degree.

“As she walked, the clinging folds of her dress, outlining her queenly figure, seemed part of her very being, and to be imbued with her soul. He was dazzled with the new revelation of her power over him.”

The fact that she goes for a ride later on, “dressed in pure white,” sinks into insignificance beside this new and original creation of Mr. Dixon’s. A red morning gown, trimmed with cream lace, cut low enough to show the “beautiful white shoulders”—ye gods and little fishes! Where were the authorities, and why was not “Miss Sallie” taken to the detention hospital, pending an inquiry into her sanity?

It would seem that any man, especially one who writes books, could be sure of a number of women friends. Among these there ought to be at least one whom he could take into his confidence. The gentleman novelist might go to the chosen one and say: “My heroine, in moderate circumstances, is going to the matinée with a girl friend. What shall she wear?”

Instantly the discerning woman would ask the colour of her eyes and hair, and the name of the town she lived in, then behold!

Upon the writer’s page would come a radiant feminine vision, clothed in her right mind and in proper clothes, to the joy of every woman who reads the book.

But men are proverbially chary of their confidence, except when they are in love, and being in love is supposed to put even book women out of a man’s head. Perhaps in the new Schools of Journalism which are to be inaugurated, there will be supplementary courses in millinery elective, for those who wish to learn the trade of novel writing.

If a man knows no woman to whom he can turn for counsel and advice at the critical point in his book, there are only two courses open to him, aside from the doubtful one of evasion. He may let his fancy run riot and put his heroine into clothes that would give even a dumb woman hysterics, or he may follow the example of Mr. Chatfield-Taylor, who says of one of his heroines that “her pliant body was enshrouded in white muslin with a blue ribbon at the waist.”

Lacking the faithful hench-woman who would gladly put them straight, the majority of gentlemen novelists evade the point, and, so far as clothes are concerned, their heroines are as badly off as the Queen of Spain was said to be for legs.

They delve freely into emotional situations, and fearlessly attempt profound psychological problems, but slide off like frightened crabs when they strike the clothesline.

After all, it may be just as well, since fashion is transient and colours and material do not vary much. Still, judging by the painful mistakes that many of them have made, the best advice that one can give the gallant company of literary craftsmen is this: “When you come to millinery, crawfish!”