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LE NOVICIAT – MANIFESTATIONS DIVINES
«
Bientôt le Dieu de miséricorde se fit entendre à mon âme pour me dire à quel
dessein il m’avait appelée, dessein bien capable de me donner une haute idée de
la sublime vocation que je me proposais d’embrasser. Jusqu’alors le but
de toutes les communications dont Notre-Seigneur me favorisait, était la
sanctification de mon âme; je travaillais uniquement pour moi, étant chargée
seulement du soin de ma perfection. Mais en m’appelant au Carmel, tout dévoué à
la gloire de Dieu, aux besoins de l’Église, au bien des âmes, le Seigneur
voulut m’enseigner ce dévouement, cet esprit de sacrifice, ce zèle pour le
salut du prochain, vertus sublimes et désintéressées que je ne connaissais pas
encore. — Voici ce qui me fut communiqué à ce sujet. J’ai toujours gardé ce
premier appel comme le fondement et la base de la Réparation: car
Notre-Seigneur, pour me parler ouvertement de cette œuvre, attendit, pour ainsi
dire, que mes supérieurs m’eussent permis de faire à Dieu l’abandon parfait
qu’il me demanda en cette communication. Elle m’est restée gravée dans l’âme;
mais comme je n’en ai point gardé de mémoire écrit, je ne pourrai dire les
choses qu’à peu près.
DEMANDE D’ACTE D’ABANDON
Un
jour, après que j’eus reçu la sainte Communion, Notre-Seigneur daigna se
manifester à mon âme. Il était accompagné d’un ange. Il me fit voir la
multitude d’âmes qui tombaient en enfer; puis il me témoigna le désir que je
m’offrisse tout entière à son bon plaisir, que je lui abandonnasse aussi tout
ce que je pourrais acquérir de mérites dans ma nouvelle carrière, et cela pour
l’accomplissement de ses desseins. Il m’assura qu’il aurait soin de mon
intérêt, me ferait part de ses propres mérites et serait lui-même le directeur
de mon âme. L’ange m’engageait à consentir à une proposition si magnifique, et
il semblait envier mon bonheur, parce que, n’ayant point de corps, il ne
pouvait comme moi souffrir et mériter. Cet esprit céleste me dit que, si
j’adhérais à la demande du Sauveur, les anges entoureraient mon lit de mort et
me défendraient contre les pièges du démon. J’avais grande envie de faire ce
sacrifice de moi-même; mais soit d’après l’avis que m’en donna ce divin Maître,
soit par la crainte de m’écarter de l’obéissance, je ne fis pas cet acte tout
de suite, pensant qu’il me fallait auparavant la permission de notre Révérende
Mère. J’écrivis donc cette communication, et je la lui remis comme j’avais
coutume de faire dans le monde à l’égard de mon confesseur. Notre bonne Mère,
qui ne savait pas encore de quelle manière Notre-Seigneur me conduisait,
n’ajouta pas grande foi à ce que lui disait sa petite postulante, et, dans sa
sagesse, elle me dit :
— Mon
enfant, l’acte d’abandon que vous me demandez de faire n’est point un acte
ordinaire; c’est pourquoi, n’ayant encore aucun droit sur vous, je ne veux pas
vous le conseiller, à plus forte raison vous le permettre.
Comme
j’avais une très haute estime de obéissance, je me soumis avec respect au
sentiment de notre prudente Mère: ce qui ne m’empêcha pas d’avoir le cœur
navré. Je retourné à Notre-Seigneur, et lui dis :
— Vous
voyez bien, mon bon Sauveur, que c’est l’obéissance qui m’empêche de faire ce
que vous me demandez; mais vous voyez le fond de mon cœur, et vous savez que je
vous donne tout ce que je puis vous donner.
Notre-Seigneur,
pour le moment, se contenta de ma bonne volonté; néanmoins il m’inspira
plusieurs fois, dans la suite, de réitérer cette demande à mes supérieurs; ce
fut seulement lorsque je l’eus obtenue qu’il me communiqua pleinement l’œuvre de
la Réparation. Notre sage Mère, voyant que sa fille recevait ainsi des faveurs
peu ordinaires, voulut s’assurer sans doute de l’esprit qui me conduisait et me
défendit de m’arrêter à ces opérations surnaturelles. Alors je n’entendis plus
guère ces paroles intérieures, et Notre-Seigneur se soumit en quelque sorte
avec moi à la sainte obéissance. » [1]
APPLIQUÉE À L’ENFANCE DE JÉSUS
« Comme
je naissais à la religion du Carmel, dont je n’étais alors qu’un petit enfant,
Notre-Seigneur m’appliqua d’une manière toute spéciale à sa sainte enfance, et
il me faisait connaître ce qu’il voulait que je fisse pour l’honorer en cet
état. Ainsi il me fut tracé dans l’esprit, pour tous les jours du mois,
un exercice que je pratiquai avec une grande consolation, et, je crois, avec
grand profit pour mon âme. Je me regardais comme la petite servante de la
sainte Famille, et m’offrais à elle en cette qualité; et je désirais avec
ardeur porter ses livrées en prenant la saint habit du Carmel. Je priai notre Révérende Mère de vouloir bien
m’accorder cette faveur malgré mon indignité. Elle me fut accordée le 21 mai
1840, dans ce mois béni, consacré à celle de qui je tenais la grâce d’une si
belle vocation. Je me consacré tout entière à la sainte Famille, en ce jour de
joie et de bénédiction. Voici la consécration que j’écrivis, et que je mis sur
mon cœur pendant la cérémonie :
O
Jésus, Marie et Joseph, très sainte et illustre Famille, veuillez aujourd’hui,
malgré mon indignité, me recevoir pour votre servante ; c’est là le grand désir
de mon cœur ; daignez exauce ma prière. Je suis bien résolue de vous être
fidèle, et si je ne puis encore m’engager à votre service par les trois vœux de
la religion, du moins recevez mon désir, et faites-moi la grâce de l’accomplir
aussi parfaitement que si je les avait faits. O très saint Enfant-Jésus,
accordez-moi d’être aussi soumise à l’Esprit-Saint et à mes supérieurs, que
vous l’étiez à la très sainte Vierge et à saint Joseph. Et vous, ô Marie conçue
sans péché, si pure aux yeux de Dieu, obtenez-moi la grâce de ne jamais rien
faire qui puisse ternir l’éclat de cette belle vertu de pureté. O bienheureux
patriarche saint Joseph, qui avez pratiqué la sainte pauvreté dans un degré si
éminent de perfection et que vous êtes sacrifié pour le saint Enfant-Jésus et
pour la divine Marie, sa Mère, faites, par votre puissant crédit auprès de
Dieu, qu’à votre exemple j’aime et je pratique la sainte pauvreté jusqu’au
dernier soupir de ma vie, et que je me fasse un devoir et un doux plaisir de me
sacrifier pour mes sœurs. Enfin, ô sainte Famille, faites que je puisse avec
vérité me glorifier d’être votre très humble servante. Daignez me recevoir en
ce beau jour et me donner une preuve que vous agréez mes services en
m’accordant la grâce de m’acquitter dignement de l’office divin, que je le
récite avec attention, respect, amour, ferveur et dévotion: faites que je sois
aussi éveillée à Matines que si j’étais dans le ciel, éblouie de la beauté de
Dieu et des splendeurs de sa gloire ! Amen.
DOMESTIQUE DE LA SAINTE FAMILLE
Depuis
cette consécration, je me regardai comme la petite domestique de la sainte
Famille, et dans tout ce que je faisais j’avais l’intention de la servir à
Nazareth. Mais j’avais encore une ambition: c’était d’être le petit âne
du saint Enfant-Jésus. Si le
Roi-Prophète a pu se regarder devant Dieu comme une bête de charge, je pouvais,
à bien plus juste titre, me qualifier de ce nom. En pensant que le Fils de Dieu
s’était fait si pauvre pour notre amour, qu’il avait été obligé, quand il
voulut faire son entrée triomphante à Jérusalem, d’envoyer ses disciples
emprunter une si humble monture, et dire de sa part que le Maître en avait
besoin: “Ah! disais-je, mon Sauveur, maintenant que vous êtes au ciel, je veux
que vous ayez sur la terre un âne qui soit à votre service et tout à vous, et
que vous conduisiez dans les routes qui vous feront plaisir; recevez-moi à ce
titre”. Autant que je me rappelle, j’avais grande envie de savoir si
Notre-Seigneur agréait mon offrande, et je crois que je fis des prières à la
sainte Famille dans cette intention. Ensuite je procédai à mon élection en
cette sorte. Nos Révérendes Mères, à cette époque, faisaient leur retraite, et
pendant ce temps les postulantes et les novices prenaient leur récréation au
noviciat. Un soir que nous étions toutes réunies devant le tableau de la sainte
Famille à l’heure de la récréation, je proposai à mes compagnes de faire une
bergerie à cette sainte Famille, de manière à ce que nous lui soyons consacrées
selon le titre qui nous serait échu au sort: la proposition fut acceptée
unanimement. On décida que l’une serait l’âne du saint Enfant-Jésus, l’autre le
bœuf, une autre la mule. Les conventions faites, on tira au sort, et, à ma
grande satisfaction, je fus choisie par la Providence pour être l’âne de
l’Enfant-Jésus. Alors je m’informai du naturel des ânes, afin de pouvoir éviter
leurs défauts. Une postulante, qui dans le monde en avait un, me fournit
à ce sujet toute l’instruction nécessaire. On ne pouvait pas se donner une
distraction plus gaie et plus innocente. On fit des billets d’élection; le mien
était conçu en ces termes :
L’âne du saint enfant est entêté, paresseux; il
n’aime qu’à marcher dans les petits sentiers; mais il a résolu de se corriger,
et son office sera de réchauffer l’Enfant-Jésus, de le porter dans ses voyages,
en un mot, de rendre à la sainte Famille tous les services qu’il pourra.
J’étais enchantée de mon nouveau titre, mais je
pensai qu’il fallait encore quelque chose pour assurer mon élection; c’était
l’approbation de notre Révérende Mère, que je priai en grâce de vouloir bien
signer mon billet; car je disais :
— Notre Mère représente Notre-Seigneur; si je peux
obtenir sa signature, c’est comme certain qu’il me reçoit à ce titre.
Nous donnâmes à notre bonne et Révérende Mère une
amusante récréation avec nos billets; elle ne se souciait guère, disait-elle,
d’y mettre sa signature ; à la fin, elle se fit enfant avec ses enfants,
pratiquant ce que dit saint Paul, de « se faire tout à tous pour les gagner
tous », et nous obtînmes les initiales de son nom. J’avais une intention sérieuse dans cette offrande
de moi-même à l’Enfant-Jésus: je pensais que ce serait comme un petit contrat,
par lequel je pourrais répondre à l’appel que Notre-Seigneur m’avait fait,
quelques jours après mon entrée en religion, de me donner toute à lui avec mes
petits mérites, pour l’accomplissement de ses desseins, car je me sentais
toujours pressée de lui faire cet abandon. La permission seule me
manquait. Voyant que notre Révérende Mère avait signé mon billet, j’espérait
pouvoir enfin faire mon petit sacrifice au saint Enfant. Cependant, pour en
être plus sûre, j’en parlai à notre bonne Mère et lui demandai si elle voulait
donner tout à fait son âne au saint Enfant-Jésus, afin qu’il en fit ce qu’il
voudrait. Elle me répondit :
— Non :
dites-lui que je le lui prête seulement, mais que je ne le lui donne pas encore
tout à fait.
Je
devais essuyer bien d’autres refus: un parfait abandon à Notre-Seigneur pour
l’accomplissement de ses desseins pouvait avoir des conséquences que mon
ignorance dans les voies de Dieu m’empêchait de pénétrer. Notre sage et
prudente Mère voulait auparavant rendre ce pauvre et misérable instrument plus
souple et plus maniable, en le soumettant à l’exercice de l’obéissance et du
renoncement à sa propre volonté. Je me présentai donc à Notre-Seigneur, par les
mains de Marie et de Joseph, comme un âne prêté. Je crois que ce petit acte de
simplicité fut agréable à ce divin enfant, car il commença à prendre sur moi
une nouvelle puissance et à me diriger dans ses voies; c’était
l’accomplissement d’une promesse qu’il m’avait faite lors de mon entrée au
Carmel. Je regardais mon âme comme la pauvre étable de Béthléem, et,
considérant le saint Enfant-Jésus dans mon cœur, je l’adorais un union avec la
sainte Vierge et saint Joseph, et m’offrais à lui pour être sa petite
domestique. Ainsi j’étais son âne dans l’oraison, en m’efforçant de le
réchauffer par mon amour, et sa petite domestique dans l’action, en faisant
pour la sainte Famille le travail qu’on m’imposait et m’imaginant être dans la
maison de Nazareth. L’Enfant-Jésus me donna l’inspiration de l’honorer tous les
jours du mois, par un exercice qui me fut tracé dans l’esprit. » [2]
DIABLERIES DE… SATAN
« Mais
Satan qui est orgueilleux, était jaloux de me voir ainsi tout occupée à honorer
les humiliations du Verbe incarné. Un jour, j’avais fait une action qui
sans doute lui avait très fort déplu; il essaya de s’en venger sur moi. Le
soir, étant couchée, je commençais à m’endormir, lorsque je sens tout d’un coup
sur ma tête une grosse bête qui semblait vouloir m’étouffer: tout de suite
j’eus un sentiment intérieur que c’était le démon; je sentais ses griffes
s’enfoncer dans ma tête. Aussitôt, de toute ma force, j’appelai la sainte
Vierge à mon secours; au nom sacré de Marie, il prit la fuite. Alors je fis une prière d’action de grâces, et,
autant que je me rappelle, je me mis à chanter ces adorables paroles si
terribles à l’enfer: Et Verbum caro factum est, et habitavit in nobis !...
C’était pourtant l’heure du grand silence, mais j’étais toute hors de moi;
quoique je ne visse point le démon des yeux du corps, néanmoins, par le
sentiments que j’éprouvais dans l’âme, je compris bien que ce n’était point là un
songe ordinaire. Satan voulait sans doute étouffer l’âne de l’Enfant-Jésus,
mais la sainte Vierge vint à son secours. » [3]
[1] Document A - page 44.
Vie manuscrite, page 49.
[2] Document A - page 46.
[3] Document A - page 52.
6
LA PROFESSION
« Mais
à la fin, cédant à mes pressantes sollicitations, malgré mon peu de vertu et de
capacité, elle se décida à s’occuper de ma réception. On me dit qu’avant d’être
reçue il fallait me présenter trois fois au chapitre. Alors j’eus l’inspiration
de pratiquer un petit exercice de piété, chaque fois que je m’y présentais,
afin d’obtenir plus sûrement l’objet de mes désirs: le divin Enfant-Jésus pour
mon céleste Époux. Je m’adressait donc aux trois personnes qui avaient des
droits sur lui: au Père éternel, à la sainte Vierge et à saint Joseph. Ainsi je
fis mes demandes avec grande dévotion et j’obtins ce que j’avais si vivement
désiré. Malgré mon indignité, la communauté eut la charité de me recevoir à la
profession. Je célébré mes noces spirituelles avec Jésus. Celui qui, dans le
monde, avait dirigé ma vocation [1] vint prêcher
à la cérémonie. Il prit pour texte de son sermon ces paroles de la sainte
Vierge en son cantique : Beatam me dicent omnes generationes : « Toutes les
générations m’appelleront bienheureuse » ; et, me montrant la beauté de l’état
que j’embrassais, il me répétait toujours « vous êtes bienheureuse ». Il
avait raison, je voyais ma vocation assurée et mes désirs accomplis: j’étais au
comble du bonheur ! » [2]
O mon Dieu, daignez agréer le sacrifice que je
vous offre en union avec Jésus mon Sauveur, immolé pour le salut du monde. Je vous fais par lui et avec lui l’entier
abandon de moi-même, le sacrifice de ma vie; je remets mon âme entre vos mains
pleines de miséricorde. Et à vous, ô Jésus, mon cher Époux, je m’offre tout
entière sur l’autel de votre divin Cœur, par les mains de Marie et de saint
Joseph; c’est par eux que j’y dépose mes vœux, afin qu’ils en soient les
garants et les gardiens. Veuillez donc, ô Famille chérie de mon coeur, accepter
l’entière donation et consécration que je fais de moi-même à votre service ; je
m’offre toute à vous en ce jour, par les mains de notre sainte mère Thérèse et
de notre père saint Jean de la Croix, pour l’accomplissement de vos desseins
dans les âmes. Regardez-moi comme une propriété qui vous appartient ;
chargez-vous, s’il vous plaît, de mes saints vœux; accomplissez-les en moi par
votre toute-puissante protection. O Jésus, mon adorable Époux, je suis si
pauvre, si misérable, si inconstante dans le bien ! Permettez-moi d’emprunter
les sentiments et l’amour de votre sainte Mère et de son auguste Époux. Oui,
c’est par la voix et le coeur de Marie et de Joseph que je fais ma profession
et promets pauvreté, chasteté et obéissance à Dieu, Notre-Seigneur, et à la
bienheureuse Vierge Marie, sous la conduite de nos supérieurs légitimes, selon
la règle primitive de l’ordre du Mont-Carmel de la réforme de sainte Thérèse,
qui est sans mitigation, et ce jusqu’à la mort. O divin Enfant, j’unis mon
sacrifice à celui que vous fîtes à votre Père lors de votre présentation au
temple : vous vous êtes sacrifié pour me racheter de mes péchés, aujourd’hui je
me sacrifie pour vous racheter des mains des pécheurs. O Marie, ma tendre Mère,
et vous, mon bon père saint Joseph, qui avez présenté au grand prêtre deux
petites colombes pour racheter l’Enfant-Jésus, veuillez offrir au Père éternel
mon corps et mon âme pour racheter de divin Enfant des mains des pécheurs et
cicatriser ses plaies. Veuillez aussi le prier d’imprimer en moi les traits de
sa ressemblance, ou plutôt que ce ne soit plus moi qui vive, mais que ce soit
Jésus qui renaisse et vive en moi !
O
Jésus, Marie et Joseph, vous savez avec quelle ardeur et quelle joie je serais
allée m’offrir à votre service, si j’avais eu le bonheur de vivre au temps où
vous habitiez sur la terre. C’est avec les mêmes sentiments d’amour pour vous
que je veux servir cette sainte communauté, comme si je vous voyais habiter la
maison: je veux vous rapporter tout ce que je ferai; tout en moi vous appartiendra.
Regardez-moi désormais comme votre petite servante; disposez de moi selon votre
bon plaisir.
Ainsi
soit-il.
Soeur Marie de Saint-Pierre de la Sainte-Famille,
Carmélite indigne. »
Le 8 juin 1841.
«
M’étant ainsi donnée tout entière à Jésus pour être sa petite domestique, il
m’inspira bientôt de garder ses troupeaux sur les terres de sa divine enfance,
et me traça le plan d’un petit exercice en l’honneur de ses douze mystères et
ses douze années que je nommai les douze tribus d’Israël.
EN VOICI UN EXTRAIT :
En l’honneur de la première année, je lui offrais, par les mains de la
sainte Vierge et de saint Joseph, notre Saint-Père le Pape et toute la milice
sacerdotale, sous la protection de saint Pierre et de saint Paul.
Pour la deuxième année, c’étaient
les âmes religieuses, sous la protection de saint Jean et des saints Apôtres ;
Pour la troisième, les rois, sous
la protection du saint roi David et des mages ;
Pour la quatrième, les malheureux
francs-maçons, sous la protection des saints martyrs ;
Pour la cinquième, les comédiens,
sous la protection de saint Jean-Baptiste ;
Pour la sixième, les nations
infidèles, sous la protection des neuf chœurs des Anges ;
Pour la septième, les hérétiques
et les schismatiques, sous la protection des patriarches ;
Pour la huitième, les Juifs, sous
la protection de sainte Anne et de saint Joachim ;
Pour la neuvième, les incrédules,
sous la protection des saints prophètes ;
Pour la dixième année, les
pécheurs endurcis, sous la protection des saints confesseurs ;
Pour la onzième, les âmes tièdes,
sous la protection des saintes femmes ;
Enfin, pour la douzième, les âmes
justes, sous la protection de notre sainte mère Thérèse et de toutes les
saintes vierges”.
Cet adorable Sauveur prit bientôt, malgré mon
indignité, une si grande puissance sur mon âme, que je pouvais bien dire qu’il
en était devenu le directeur et le maître. »
LA VIE AU QUOTIDIEN
« A huit heures du soir, je m’offre à la très
sainte Vierge et à saint Joseph comme leur petite domestique pour les servir et
garder leurs troupeaux sur les terres de l’Enfant-Jésus, qui sont ses mystères
et ses plaies sacrées, et j’adore le mystère de l’Incarnation jusqu’à neuf
heures.
A neuf heures sonnent les Matines; alors je
célèbre la naissance du saint Enfant-Jésus; je m’unis aux anges, aux pasteurs
et aux mages qui l’ont adoré dans la crèche.
Au premier nocturne, j’adore sa naissance
éternelle dans le sein de son Père et sa vie divine; au second nocturne,
j’adore sa naissance dans l’étable et sa vie mortelle; au troisième nocturne,
j’adore sa naissance sacramentelle dans l’Eucharistie et sa naissance
spirituelle en nos cœurs.
A chacun des neuf psaumes, je m’unis aux neuf
chœurs des anges.
Au Te Deum, j’adore l’Enfant-Jésus se manifestant
au peuple juif en la personne des bergers.
Pendant les psaumes des Laudes, j’adore le saint
Enfant circoncis et nommé Jésus; ensuite je l’adore avec les rois mages comme
étant Dieu, roi et homme.
Voilà mon occupation intérieure pendant les
matines. »
« Étant rentrée dans ma cellule, je m’occupe
jusqu’à onze heures des troupeaux de la bergerie du saint Enfant-Jésus, priant
cet aimable Sauveur de combler de bénédictions ses brebis en leur appliquant
ses mérites. Ensuite je me couche, prenant mon repos en union avec le saint
Enfant couché dans la crèche. Le matin, aussitôt que j’entends le réveil, je me
lève, et adorant le Père éternel, je lui dis avec l’Enfant-Jésus : “Me voici,
mon Père, je viens pour faire votre volonté”. Puis je me rends au chœur pour
l’oraison, en union avec la sainte Vierge et saint Joseph portant
l’Enfant-Jésus au temple. Pendant mon oraison, je m’offre avec lui au Père
céleste; je renouvelle les saints vœux de ma profession, et me donne à ce divin
Sauveur; ensuite je l’offre à son Père pour le salut de ses brebis. L’oraison
finie, nous allons avec la sainte Famille à Nazareth ; bientôt la cloche sonne
pour les petites heures, et nous partons pour l’Égypte. Pendant les douze
psaumes des heures, j’adore les douze années du saint Enfant et j’honore sa
demeure en Égypte, son retour à Nazareth, et enfin son séjour dans le temple de
Jérusalem au milieu des docteurs. Après
le saint sacrifice de la messe, l’heure du travail arrive; alors je m’occupe de
la vie cachée et laborieuse de Notre-Seigneur. A onze heures, j’adore Jésus
baptisé par saint Jean. Depuis midi jusqu’à une heure, je m’occupe de lui au
désert; d’une heure à deux, de sa vie évangélique. A deux heures sonnent les
vêpres: alors j’adore son entrée triomphante dans la ville de Jérusalem et
j’entre au chœur en union avec notre divin Sauveur; durant l’office, je me
tiens en esprit à ses pieds, honorant les sentiments de son Cœur adorable pendant
la dernière semaine qu’il passa avec ses disciples, et l’excès de son amour qui
le porta à instituer le sacrement de l’Eucharistie.
Ensuite
nous arrivons au jardin des Olives, et, le reste de l’après-midi, je suis
Notre-Seigneur dans les stations de sa Passion en union avec la sainte Vierge.
A cinq heures sonne l’oraison.
A ce
moment, j’adore Jésus crucifié, et je me tiens au pied de la Croix ou dans son
Cœur. Je commence par faire mon examen de conscience, et, après m’être humiliée
de mes fautes, je me donne toute à Notre-Seigneur, renouvelant mes saints vœux
en union à son sacrifice. Après que je me suis ainsi donnée à lui, il me semble
qu’il se donne réciproquement à moi avec tous ses mérites; il unit mon âme à la
sienne, et me fait entrer dans ses désirs et dans les honneurs qu’il rend à son
Père par son état de victime. Alors je me perds de vue pour m’occuper, avec mon
céleste Époux, de la gloire de Dieu et du salut des âmes. Je trouve dans le
Cœur de Notre-Seigneur tous les mystères de sa très sainte vie, ses mérites et
toutes ses brebis. J’offre chaque mystère au Père éternel pour telle ou telle
portion de la bergerie de l’Enfant-Jésus; ensuite je présente à ce divin Père
les quatre parties du monde, que j’ai placées dans les quatre plaies des pieds
et des mains de mon Sauveur; les douze troupeaux de la sainte Famille occupent
la bergerie du Sacré-Cœur. J’y joins aussi les âmes du purgatoire, les ayant
mises dans les autres plaies de ce corps adorable. Puis j’offre cette auguste
victime au Père éternel par les mains de la sainte Vierge, en sacrifice
d’holocauste, d’action de grâces, d’expiation, d’impétration, et en sacrifice
de complaisance et de bienveillance pour toutes les perfections de la très
Sainte-Trinité. J’adore enfin le dernier soupir de Jésus sur la Croix.
Telle est l’application que Notre-Seigneur me
donne pendant mes oraisons du soir. »
« Le
reste de la journée, je m’occupe jusqu’à Complies de Jésus dans le sépulcre.
Enfin je l’adore sortant du tombeau par sa glorieuse résurrection, et je le
contemple en son ascension.
Voilà à
peu près quel est mon exercice de chaque jour. Mais pour laisser le divin
Maître me conduire ainsi, il faut que je meure à tout ce qui peut flatter mes
sens; point de retour sur moi-même, se ce n’est pour m’humilier. Dieu seul, sa
volonté et sa gloire: voilà ma devise et ma pratique. Ces paroles : Et il leur
était soumis, et ces autres: Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour
servir, me sont toujours présentes. Notre-Seigneur me fait vivement
sentir mon incapacité pour tout bien et ma profonde misère. L’Enfant-Jésus conduit son âne par la bride de sa
sainte grâce; je n’ai qu’à obéir et à me renoncer. »
« Je
faisais ce que je pouvais pour lui obéir [3],
mais je me retrouvais bientôt dans la même route. Alors elle me permit de
parler à un bon Père très versé dans la vie intérieure — il était religieux —,
et elle me dit :
— Mon enfant, vous allez bien lui dire comment
vous faites votre oraison et de quelle manière le bon Dieu vous conduit.
Je me rendis à cette charitable invitation avec
reconnaissance, et j’ouvris mon âme à ce bon Père. Après avoir tout examiné, il
me dit :
— Ma
fille, continuez sans crainte; laissez Notre-Seigneur vous conduire, parce que
vous avez établi le fondement sur l’esprit de mortification; dites à votre
Révérende Mère que je suis content; je lui parlerai.
En
effet, notre prudente Mère me permit de m’abandonner à l’esprit de Dieu; mais
elle me donna le sage conseil d’être bien fidèle à la grâce, et de ne point
rester dans l’inaction quand l’opération divine serait passée. Comme je n’avais
alors aucun emploi qui pût me distraire de la présence de Dieu, mes journées
tout entières ne faisaient qu’une pièce d’oraison, si je peux m’exprimer ainsi.
Le travail ne troublait en rien mon entretien avec Notre-Seigneur.
N’ayant point d’occasion de pratiquer le vertu, je n’avais pas grand mérite;
mais bientôt notre Révérende Mère, qui veillait toujours sur mon âme pour son
avancement spirituel, me donna un office très fécond sous ce rapport, l’office
de portière.
Cet emploi distrayant ne sympathisait guère avec
mon attrait pour le silence et l’oraison, mais je regardai le commandement de
notre Mère comme un ordre du Ciel, et je m’y soumis avec joie dans la pensée
que ce jour, qui était justement la fête de l’Incarnation, l’Enfant-Jésus me
donnait un signe certain qu’il m’avait élue pour être sa petite domestique, et
qu’il m’occuperait dans ce nouvel emploi à faire toutes les commissions de la
maison; je fis au divin Enfant une nouvelle consécration à son service. »
LA STATUE DE L’ENFANT-JÉSUS
« Je
désirais beaucoup avoir une petite statue de l’Enfant-Jésus, afin de pouvoir
lui rendre mes hommages dans la journée; je n’osais pas m’adresser pour cela à
notre Révérende Mère ; mais, un jour, il me sembla que ce divin Enfant
m’excitait à faire ma demande. J’obéis à son inspiration, et cette
faveur me fut accordée. Alors j’eus le saint Enfant-Jésus dans notre porterie,
et je fus au comble de mes vœux; je lui offrais tous mes petits travaux, et,
pour prix de mes commissions, je lui demandais des âmes. Ce divin Enfant me
donna, malgré mon indignité, les grâces dont j’avais besoin pour mon emploi, de
sorte qu’il ne nuisit point à l’esprit intérieur, et ne m’empêchait point
d’être unie à Dieu comme auparavant durant l’oraison ; je travaillais pendant
la journée pour le salut des brebis du saint Enfant-Jésus, et, à l’oraison, il
me payait au centuple. Quelquefois aussi, pendant la journée, il venait visiter
mon âme par une grâce puissante; je laissais alors un peu mon ouvrage quand je
sentais son approche, afin de l’écouter plus à mon aise; mais pensant qu’il me
fallait pour cela une permission, je la demandai à notre Révérende Mère. Comme sa charité pour mon âme la portait à
ne rien négliger de ce qui pouvait m’exercer dans la vertu, elle me défendit de
m’arrêter à ces opérations intérieures et ajouta :
— Je
vous permets seulement, quand vous aurez l’esprit bien distrait, de vous
recueillir un peu.
Et,
grâce à Dieu, je suivais en tout ses sages conseils. »
« Je
n’ai jamais senti mon âme aussi unie à Notre-Seigneur que pendant cet espace de
temps [4]. Ce divin Maître opérait en moi
quelque chose que je ne peux ni expliquer ni comprendre. Il me semblait
l’entendre demander grâce à son Père pour ce royaume, et d’une manière si
pressante, que j’en étais étonnée. Il me faisait parler en son nom, mais je
comprends qu’en voulant expliquer ce mystère d’amour je ne réussis qu’à le
dénaturer, je l’abandonne à Dieu. » [5]
DÉMÉNAGEMENT
UNE PAGE DES ANNALES :
« Depuis longtemps notre habitation mettait
obstacle aux projets d’embellissement de la ville ; de plus, nos voisins
avaient fait de nouvelles constructions qui dominaient entièrement notre maison
et notre jardin; il en résultait de graves inconvénients pour la régularité,
sans parler de l’insalubrité du lieu. Nous n’aurions pas néanmoins osé nous déterminer à un pareil changement;
car nous ne pouvions supporter l’idée de quitter cet antique berceau de notre
fondation, témoin des vertus de nos premières Mères, terre des saints que nous
venions de recouvrer après tant de peines et de travaux. Mais, lorsqu’on s’y
attendait le moins, des circonstances imprévues vinrent hâter le moment d’un
sacrifice si redouté. Plusieurs personnes firent, pour acheter la maison, des
propositions avantageuses ; les désagréments que nous éprouvions s’aggravaient
chaque jour; les projets de la ville touchaient à leur exécution ; il fallait
décidément prendre un parti. Avant de rien conclure, on du penser d’abord à se
procurer un autre emplacement. Après beaucoup de recherches, Dieu dirigea les
vues de nos supérieurs sur celui que nous réservait sa providence ; il était
situé dans un quartier tranquille et solitaire, près de l’archevêché. Il
n’y avait là aucune construction gênante, l’air y était pur; en un mot, il
semblait choisi tout exprès pour notre genre de vie. On en fit aussitôt
l’acquisition, comptant sur les trésors de notre Père céleste; car nous
n’avions pas la moindre partie de ce qu’il fallait pour les frais d’une telle
entreprise.
La première aumône reçue dans ce but mérite d’être
citée. Elle vint d’un pauvre et vertueux vieillard; touché de nos malheurs, il
nous donna la seule pièce qui lui restait, comme on l’a su depuis. Son offrande
ressemblait à celle de la veuve de l’Évangile ; elle fut de même agréable à
Dieu, car elle devint pour nous une source de bénédictions. Mais
Notre-Seigneur, afin de tenir nos âmes dans un parfait abandon, permit que ces
secours ne vinssent qu’à mesure qu’ils étaient nécessaires, à des heures où
tout espoir semblait perdu, et presque toujours par des voies imprévues. Dans
un moment de détresse, nous nous adressâmes à saint Yves, avocat des pauvres,
et nous en reçûmes une assistance vraiment extraordinaire. Il inspira à une dame de haute naissance, dont la
modestie nous oblige à cacher le nom, de nous donner des marques d’une
bienveillance toute particulière, bien qu’elle connût à peine notre communauté.
Elle s’acquit, avec le titre et les privilèges de bienfaitrice, les plus justes
droits à notre reconnaissance.» [6]
SŒUR SAINT-PIERRE CHARGÉE DE
PRIER POUR L’OBTENTION DES FONDS
« J’ai
prié ce divin Enfant à cette intention, et lui ai demandé un terrain; mais j’ai
cru entendre qu’il me répondais au fond de mon cœur: “Donnez-moi le terrain de
votre âme”. J’ai compris parfaitement ce qu’il voulait me dire; il avait, lui
aussi, une bâtisse à élever à la gloire de son Père, et il avait depuis
longtemps choisi le méchant terrain de mon âme pour l’accomplissement de ses
desseins, et, malgré mon indignité, il le voulait, afin qu’un si misérable
instrument fit davantage éclater sa gloire. »
SŒUR SAINT-PIERRE S’EXPLIQUE
« Cette
bonne Mère avait besoin d’un peu de récréation; je lui en ai donné une qui la
fit beaucoup rire :
— Ma
bonne Mère, lui dis-je, quand on n’a point d’argent et qu’on en a besoin, on
vend son âne ; si vous coulez me vendre à l’Enfant-Jésus, il vous donnera de
l’argent pour bâtir sa maison.
Notre
Révérende Mère sourit à ma singulière proposition; mais j’insistai, et je lui
dis :
— Ma
Mère, je ne vaux pas grand-chose; mais puisque le saint Enfant me veut et qu’il
me demande, il m’achètera”. Enchantée de pouvoir me vendre pour Notre-Seigneur,
lui qui s’était laissé vendre par Judas pour mon amour, je dis alors: “Ma Mère,
combien voulez-vous me vendre ?
Notre
Révérende Mère vit sans doute par l’air d’assurance et le grand désir que je
lui manifestais en lui adressant une si singulière demande, que Notre-Seigneur
avait peut-être quelques desseins; elle parut y condescendre et me répondit :
— Eh
bien, ma fille, vous direz à l’Enfant-Jésus que, si j’étais riche, je vous
donnerais à lui; mais comme je suis pauvre et que j’ai besoin d’argent pour
bâtir sa sainte maison, je me trouve obligée de vous vendre ; demandez-lui donc
qu’il vous achète.
Cette
réponse me causa un grand plaisir; je m’adressai au saint Enfant-Jésus, et le
lui ai fait la commission de notre Révérende Mère: je l’ai conjuré en grâce de
vouloir bien m’acheter, afin que je sois toute à lui selon sa volonté.
Une
nuit que je priais avec ferveur, lui offrant l’amour des pasteurs, des rois
mages et des autres saints qui l’avaient vu et adoré, je lui ai tressé ainsi
une petite couronne en l’honneur des douze années de sa très sainte Enfance. Je
pense que ce petit hommage lui fut fort agréable, car alors j’ai cru le voir
dans l’intérieur de mon âme, et il me fit entendre ces paroles :
— Dites
à votre mère prieure qu’elle écrive à telle personne, et elle lui enverra une
aumône pour bâtir sa maison.
Oh ! quelle bonne nouvelle ! Voilà déjà une preuve
que le saint Enfant-Jésus veut bien acheter son âne. J’allai à notre bonne Mère lui faire la
commission. La personne en question demeurait à soixante lieues de Tours ; je
la connaissais un peu, mais notre Révérende Mère ne la connaissais point.
Cependant elle voulut s’assurer de la communication que je disais avoir eue, et
elle lui écrivit sans rien dire de cette particularité. La réponse tardait à
venir et je craignais un peu; mais le saint Enfant me rassura. Enfin,
une lettre de cette demoiselle arrive, dans laquelle il y avait un billet de
cinq cents francs. Cette aumône était une des premières que notre Mère prieure
recevait; c’était comme les arrhes de tout ce que le divin Sauveur devait lui
donner par la suite. Je fus comblée de joie à l’arrivée de ce billet, et je dis
au saint Enfant-Jésus cinq cents Laudate en action de grâces. J’ai demandé à
notre Révérende Mère si ce n’était pas là un prix plus que suffisant pour
acheter un âne, et si elle consentait à me livrer au saint Enfant qui lui avait
envoyé cette somme. Mais elle voulut encore éprouver ma patience, et pénétrer
de plus en plus l’esprit qui me conduisait; elle m’expliqua qu’avant de me
donner la permission que je demandais, elle avait besoin de bien d’autre
d’argent pour construire la maison de Notre-Seigneur.» [7]
LA GRANDE BÂTISSE
«
Notre-Seigneur me fit entendre combien c’était une chose glorieuse et méritoire
de lui élever une demeure ; il me dit que notre Mère aurait bien de
sollicitudes dans son entreprise, mais que je lui fournirais des pierres. Il me
chargea aussi de l’avertir d ne point se tourmenter; que, si le monastère était
construit selon l’esprit de sainte Thérèse, il payerait tout, et qu’on verrait
arriver des aumônes de divers côtés.
— Mais,
ajouta-t-il, si au contraire la maison n’est point bâtie selon cet esprit,
payera qui voudra.
Je me
trouvais un peu embarrassée de ma commission ; je n’osais pas trop m’en
acquitter; cependant je me fis violence pour accomplir la volonté de Notre-Seigneur.
Quand j’eus communiqué à notre Révérende Mère ce qu’il m’avait fait entendre,
elle me dit qu’elle n’avait guère dormi la nuit précédente, par l’inquiétude de
plan que son architecte lui avait proposé, et qui ne convenait pas à nos
usages. Elle en dressa un autre parfaitement conforme à l’esprit de sainte
Thérèse. Alors Notre-Seigneur eut lieu d’être plus content, et fut prêt
à remplir sa promesse.»
— Faites lui donc une amende honorable pour
réparer vos manquements, et priez-le de mettre votre âme dans l’état où elle se
trouvait lorsqu’il se communiquait à elle.[8]
[1] L’abbé Panager, curé de
Saint-Étienne de Rennes.
[2] Document A - page 53.
[3] A la Mère supérieure
qui voulait la faire marcher par une voie ordinaire.
[4] Le Seigneur l’avait
appliquer à prier pour l’Espagne où les religieux étaient persécutés et envoyés
en exil.
[5] Document A - page 62.
[6] Chronique de la
Communauté des religieuses Carmélites de Tours; Page 75.
[7] Document A; page 63.
[8] La sœur avait parlé à
la Mère prieure de ses rapports privilégiés avec Jésus, avant même qu’elle ne
rentre au Carmel.